Au Brésil, comme en France, les présidents impopulaires ou incompétents ne peuvent être poussés à la démission par le seul vote d’une « motion de censure » du pouvoir législatif.

Une procédure de destitution est un procès juridico-politique réservé au « crime de responsabilité » dont est accusée la présidente brésilienne. Cependant, lorsqu’un changement dans l’équilibre politique d’une coalition gouvernementale[1] a pour unique résultat l’éviction de la présidente, il ne peut s’agir que d’un coup d’État parlementaire.

La procédure de destitution de Dilma Roussef est, à l’origine, le fruit de représailles exercées par le Président de la Chambre des députés brésilienne, Eduardo Cunha. Ce dernier est accusé d’avoir perçu pas moins de 40 millions de dollars de rétrocommissions de la compagnie pétrolière d’État Petrobras. Cunha, dont le nom est également lié aux Panama Papers, engagea la procédure de destitution peu de temps après que les partis alliés du gouvernement annoncèrent publiquement qu’ils n’empêcheraient pas le conseil d’éthique du congrès de mener des enquêtes pouvant aboutir à son renvoi.

En l’absence de la moindre preuve de l’implication de Rousseff dans les affaires de corruption qui éclatent au Brésil, Cunha fonda ses accusations sur la gestion des ressources publiques qu’il jugeait déplorable à deux niveaux.

Le premier concerne les retards pris dans le transfert des ressources vers les banques publiques. Les fonds réservés au versement des prestations sociales furent retenus, vraisemblablement dans le but de maquiller le déficit budgétaire. Ces retards sont monnaie courante depuis des années, mais en 2014, les contrôleurs budgétaires condamnèrent la pratique en raison de l’augmentation de leur fréquence et de leur durée. Le gouvernement répondit à cette nouvelle jurisprudence en modifiant son fonctionnement en 2015.

La seconde accusation porte sur des décrets budgétaires prétendument incompatibles avec l’objectif budgétaire de 2015. En période de réductions budgétaires drastiques, de tels décrets ont simplement permis de réévaluer des plafonds de dépenses dans le cadre d’un certain nombre de dispositifs gouvernementaux, sans toutefois permettre une augmentation des dépenses globales dans chaque ministère.

Aucun de ces chefs d’accusation, dont l’existence a été volontairement cachée à la majorité des Brésiliens par la presse, n’est suffisante pour justifier un crime de responsabilité. Des législateurs désireux d’éviter des accusations de corruption, des leaders politiques prêts à tout pour arriver au pouvoir, et des représentants du secteur privé dont les intérêts financiers sont connus, tirent parti des inquiétudes réelles de la population au sujet de la corruption généralisée.

Espérons que le gouvernement aura appris de cet épisode catastrophique que céder aux pressions exercées par les forces mêmes qui soutiennent désormais le coup d’État n’ouvre pas la voie à la stabilité politique ou au redressement économique du pays.

 


(Article paru originellement dans le New York Times et traduit de l’anglais par Laurent Vannini)


[1] Le 29 mars, le PMDB (parti allié au gouvernement) a rompu avec le Parti des Travailleurs de Dilma Roussef. La fin de l’alliance avec le gouvernement a été accélérée le mois dernier suite au renforcement du processus de destitution de Roussef et, surtout, la possibilité de voir Michel Temer (vice-président et membre du PMDB) investir la présidence. [Ndlr]

5 Commentaires

  1. C’est extrêmement inquiétant de voir ce genre de procédés, acceptés et encouragés par la population, prendre la liberté de destituer un président élu démocratiquement, seulement un an après son élection, parce qu’on juge qu’il (elle en l’occurrence) n’a pas su faire ses preuves en l’espace d’un an ! La démocratie brésilienne est relativement jeune, et il est terrifiant de voir que l’on joue avec ses mécanismes les plus fondamentaux…

  2. On dirait que c’est plutôt vous qui ne comprenez rien à la situation politique au Brésil : celui qui a lancé toute la procédure à l’encontre de Dilma Rousseff, Eduardo Cunha, est lui-même coupable de détournement de millions de dollars, et il faisait partie des Panama papers ! C’est le monde à l’envers…

  3. Dilma Rousseff est une grande leader politique ! Elle a commis plusieurs erreurs, certes, mais elle inspire le plus grand respect dans sa pratique politique, son souci du peuple et de l’équité sociale.

  4. Vous faites un desservice à vos lecteurs. Soit vous ne comprenez rien au sujet soit vous êtes malhonnête, excusez du peu. Cette dame et son « parti » qui ressemble plutôt à une gang, ont fait coulé le Brésil. Mais pour rester sur le sujet, relisez la constitution du Brésil pour vous rendre compte qu’il y a bien eu Crime de responsabilité.

  5. Le Brésil est dans une terrible situation, tous les partis sont infestés par la corruption. Evincer Dilma n’est pas la solution, car qui la remplacera ? Des hommes politiques malhonnêtes, qui ne voient pas leur mission publique mais uniquement l’enrichissement qu’ils pourraient en tirer…