La poésie transperce les arts tout comme un spectre hante une demeure ; elle est ce facteur imprévu qui échappe à la technique. Sa soumission à une forme ne fait qu’accentuer son mystère, elle évolue à la limite exacte des perceptions de l’animal humain.
POETE. Ces lettres sont incluses, dans l’ordre, dans celles du mot PROPHETE. Le poète est le funambule suspendu entre matière et esprit, transitant en un sens et l’autre entre Kether et Malkuth. Ne procédant que d’une hallucination consciente d’elle même, la poésie n’est soumise à aucune certitude, son but se confondant en sa source. Le poète n’est ni maître, ni serviteur, il avance perpétuellement en équilibre instable. Se mouvant au travers des formes du ciel et de la terre, il est nomade. En tant qu’être humain, il peut être enchaîné par ses convictions, cela n’a guère d’importance ; au-delà de sa fonction agissante, un poète est un canal.
La poésie est intemporelle ; ou plutôt, tous les temps se mélangent en elle. Elle est l’essence même des territoires du sacré, parcourus par les dieux, démons et lumières, hors des limites de la rationalité humaine. Sur ces plaines, en ces cités, le passé, le présent et le futur ne signifient rien, car ils se fondent en une éternité de signaux co-existants. Divinations involontaires, approche de sphères et de strates extra-humaines : nous sommes tous un peu sorciers. Nous avons tous, inscrit en nous, l’univers entier et ses arcanes. Celui qui se désigne poète acquiert, au terme d’un processus d’immolation (carbonisé puis reconstruit), la clé de la bibliothèque.
Je reste persuadé que le cerveau fonctionne par strates discontinues, tout comme l’atome ne change de statut que par sauts quantiques. « Je » n’est pas un autre, « Je » est partout et nulle part. Ou plutôt, sa seule identité absolue, vu que le temps se parcourt comme un territoire, réside dans son éthique. Les hommes dont l’éthique faiblit sont les mangeurs de Prozac, les nouveaux lotophages, les alcooliques, car nous devons tous parfois jeter l’ancre. « Je » est pluriel, et cette pluralité est l’or du Rhin, le trésor du dragon.
Une de ces strates est la transe, une forme de connexion, un œil au trou de la serrure, un certain état hystérique. Son accès exige une volonté inébranlable et un chemin de croix, au travers des stations, une longue initiation au fracas des rêves, de la perte de raison et de la dissolution : Sunshine, I step into myself. Alors vous voilà immergé : par éclats déchirant le voile, vous percevez la banque de données de l’univers (ou n’était-ce qu’un autre rêve gigogne?), le placenta de la création (est-il comestible?), les édifices tourbillonnants (je les avais construit) ; au travers de la possession ou de la dépossession de soi-même, cela n’a plus guère d’importance. Ensuite le silence retrouvé, vient le décryptage, évidemment arbitraire, et le travail sur la forme, nécessaire et pourtant facultatif.
Peu d’humains perçoivent le fracas des dieux, la guerre au ciel, et c’est tant mieux. Car l’or se paye par le sang. Je dansais au bord du gouffre et, giflé par les vents latéraux, j’ai souvent sombré en ses profondeurs. Au cœur des ténèbres, des créatures aveugles m’ont marqué de leurs appendices ; et je chéris mes blessures comme des trésors de bataille. Ayant souvent touché le fond au ralenti, en somnambule, je suis toujours heureusement parvenu à remonter à la surface ; ce n’est pas chose facile de défricher le chemin qui ramène aux vivants, son rêve emmêlé aux visions hystériques et immémoriales de l’enfer.
Toute conviction est dépendance, et toute dépendance est interférence. Adolf Hitler n’était pas la première rockstar comme certains l’on dit trop complaisamment, Hitler était une saloperie sans nom. Vive Sémiramis, grande prêtresse d’Ishtar, qui, en échange d’un pouvoir législatif pour les siennes et les siens vendit son corps au cœur du temple. Je plonge au cœur des constellations, le masque de la folie n’est qu’un masque. Je ne suis rien mais je peux regarder le soleil droit sans ciller comme le fit jadis Bucéphale. Mon ombre appartient désormais au monde.
Ne t’inquiète pas, je ne comprends pas tout moi même. Courage, même si c’est dur, avec un peu de patience, on parvient toujours à trouver la sortie du labyrinthe de la nuit infinie (quitte à s’en accomoder),
Nico.
Merci Nicolas. Je n’ai pas tout compris mais c’est sans doute parce que je ne suis ni poète, ni artiste ou que je suis tout simplement un peu idiot. Ou peut-être est-ce lié à une trop grande consommation de Lotus, Prozac et autres substances, sans n’avoir malheureusement jamais été capable de remonter à la surface. Vivant sans art, dans le silence des paroles, je suis toujours au cœur des ténèbres.