David Bowie n’est pas mort.
Il n’est pas mort car il ne pouvait pas mourir.
A soixante-neuf ans, il avait le même visage qu’à vingt-cinq : même peau du visage lisse, trop lisse, même couleur de cheveux dont on ne savait jamais, depuis ses débuts, si elle était vraie ou fausse, même implantation des cheveux, celle d’un jeune homme.
“Beau, oui”, comme le chantait en son temps Isabelle Adjani.
Avait-il passé un pacte avec le diable, comme Faust, pour garder son éternelle jeunesse? On pourrait le penser car c’était un des sujets de son fameux album “Berlin”.
Etait-il Dorian Gray, le personnage de ce roman d’Oscar Wilde, dans lequel c’est le portrait qui vieillit et pas la personne représentée, qui avait marqué son adolescence anglaise dans le quartier populaire de Brixton, où tous les visages étaient de couleurs et d’ethnies différentes?
Ou était-ce simplement le résultat de son changement de nom : David Jones devenant David Bowie. “Do you Mister Jones ?”, comme le disait Bob Dylan pour se moquer de la middle class coincée.
On a souvent dit qu’il avait mille visages mais c’est parce qu’il n’était pas une rockstar. Il était un artiste, tous azymuths.
Certainement le plus grand, dans le monde la musique, des cinquante dernières années. Loin devant les Beatles ou les Rolling Stones, loin devant tous les autres.
Il était tout le monde : Tina Turner, Mick Jagger, Iggy Pop, Lou Reed, Pierre Boulez ou John Coltrane. Tout ce que la musique a produit de mieux. A la fois éponge qui s’imbibait de toutes les influences, à la fois génie – “The Jean Genie” – qui transformait tout et influençait l’ensemble du monde de la musique. Il fut successivement le roi du glam-rock, le roi du funk, le roi du disco, le roi du jazz et même, par moments, le roi de la techno, sous l’influence du groupe allemand Kraftwerk.
Il n’était ni ni blanc ni noir. Il était. Une sorte de Zelig, ce personnage mythique juif, héros d’un des meilleurs films de Woody Allen, qui devient tous les personnages de l’humanité.
Car Bowie ne visait pas simplement la vie sur terre. Il visait non seulement l’éternité mais l’univers tout entier.
La plus belle chanson de l’histoire du rock n’est-elle pas son “Life on Mars”? Son meilleur disque ne s’appelle-t-il pas “Space Oddity”? Et son dernier album, paru il y a quelques jours à peine, se nomme “Black Star” : comme un message.
C’est la vie éternelle qu’il visait, comme tous les grands peintres, les grands écrivains, les grands musiciens, et c’est peut-être pour cela qu’on pouvait le trouver arrogant ou distant. Ce qui n’était pas vrai.
Il avait inventé ses milles visages, Ziggy Stardust, Aladdin Sane, etc, pour se mettre à distance. Il avait développé son ambiguité sexuelle car être un homme ne lui suffisait pas.
Il voulait être un héros. “Heroes”, son plus grand tube, ne parlait que de ça.
Et quand il se tourna vers le cinéma, ce fut pour y incarner un extraterrestre dans “L’Homme qui venait d’ailleurs” de Nicholas Roeg. Un extraterrestre qui finit par devenir, dans un cruel retournement, rockstar. Ou plus tard, dans “Furyo”, de Nagisa Oshima, un major anglais sorti de nulle part, au milieu de la jungle indonésienne, Jack Celliers, qui se confronte à son altérité, le colonel japonais joué par une autre rockstar : Ryuichi Sakamoto.
David Bowie fut hanté par le personnage de Lazare – c’est le titre d’une des chansons de son dernier album –, ce compagnon du Christ que celui-ci fit ressusciter alors qu’il était mort depuis quatre jours.
C’est la résurrection que cherchait Bowie : ne jamais accepter la mort, ni même la vieillesse.
Qui aurait pu, en effet, sérieusement envisager de voir un David Bowie transformé en vieillard?
David Bowie a sans doute eu raison de mourir, maintenant.
Mais peut-être n’est-il pas mort et qu’il réapparaîtra, tel Lazare, dans quatre jours, dans quatre ans ou dans quatre siècles.
Jeune et avec une crinière orange.
merveilleux comme histoire de ces propres croyances il est un grand et une légende qu’on n’oubliera jamais car il était unique en son genre de grand talent artistique, qu’il repose en paix maintenant qui sait il va peut être nous revenir merci très belle page
Bon voyage vers les étoiles…
Juste pour info, Berlin est un album de Lou Reed, pas de David Bowie.
David Bowie est l’auteur d’une « trilogie berlinoise » : les albums Low, Heroes et Lodger, mais on voit mal où il y est question de pacte avec le diable.
On ne s’attendait pas à une si triste nouvelle, le choc !
Un génie musical, un charisme incroyable et une créativité sans borne !
Il nous a laissé un dernier album, magnifique cadeau, avant de partir. A écouter en boucle aujourd’hui !
Bravo ! Magnifique hommage à cette légende intronisée de son vivant et qui a maintenant pour lui l’éternité ! Je le considère moi aussi comme le plus grand artiste du 20ème siècle. Je suis convaincue que son oeuvre ne tombera jamais dans les oubliettes de l’histoire. Et si Mozart avait vécu au 20ème siècle il aurait sans doute ressemblé à Bowie.