Cela fait du bien d’écouter un authentique spécialiste cerner avec clairvoyance, simplicité et intelligence les dangers que représente Daech. Son approche est à la fois sereine et ferme, loin des réactions extrémistes ou lâches qu’on a pu entendre ça et là. Ce directeur du département dédié à la lutte contre le terrorisme de l’Institut pour les Etudes de la Sécurité Nationale (INSS) à Tel Aviv est un ancien lieutenant-colonel de l’armée dont il a dirigé la section consacrée au contre-terrorisme international. Bref, voilà quelqu’un qui sait de quoi il parle. Ancien chef de l’unité de recherche des renseignements militaires (AMAN), Yoram Schweitzer a logiquement eu une brillante carrière académique et conseillé plusieurs premiers ministres et ministres de la défense ainsi que l’OTAN en matière de lutte anti-terroriste.

Ce jeudi 18 novembre à l’Ecole militaire était prévue depuis plusieurs semaines la tenue d’un déjeuner-débat organisé par Europe Israel Press Association (EIPA) et l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale (IHEDN) portant sur les mutations du terrorisme islamiste, avec la participation de l’expert israélien. Funeste concours de circonstances, cinq jours après les effroyables attentats qui ont frappé Paris au cœur, cet échange est tombé pour nous, malgré nous, à point nommé – état d’urgence. Depuis ce sinistre vendredi 13 novembre la même question nous hante : comment gagner la guerre de terreur qui s’impose au pays et au quotidien de tous les Français ? Les rappels, précautions, éclairages apportés par Yoram Schweitzer dessinent un ordre de conduite que nous sommes déjà plusieurs à préconiser.

 

Ne pas se méprendre sur la nature de Daech…

 

  1. Daech n’est différent d’Al-Qaida ou du Hezbollah et du Hamas que dans la forme mais la psychologie est la même. Entrer dans le jeu de leur rhétorique, notamment en s’imaginant que les attentats suicides s’expliquent par l’intervention militaire extérieure du pays attaqué, serait une grave erreur. Comme s’il y avait une relation de causalité logique possible à la spirale apocalyptique de ces fous furieux… Ce n’est guère qu’un piège tendu par l’Etat islamique : lorsqu’ils veulent frapper, les terroristes trouvent systématiquement un prétexte sur lequel ils pourront communiquer ; lorsqu’ils choisissent un lieu, le seul critère de sélection qui vaille est celui du nombre – le nombre le plus élevé de victimes possible.
  2. Les motivations des cellules terroristes agissantes s’expliquent par différents éléments qu’on aurait tort de confondre avec de l’intelligence stratégique. La détermination mortifère, renforcée sans aucun doute par les séjours passés en Syrie et en Irak, tient à la fois à l’idéologie, à la dynamique de groupe (une fois l’opération lancée, ses membres s’obligent les uns les autres à la mener jusqu’au bout) et au soutien social qui les entoure avant, pendant et après les actes commis (le soutien manifeste et l’admiration des communautés entourant ces « martyrs » les transforment en héros, mourir constitue pour eux l’ultime moyen d’accéder à ce statut, dès lors garanti pour l’éternité…).

 

…Y opposer la force, l’intelligence.

 

  1. S’il s’agit d’une guerre très différente de celles que le monde a connues au XXème siècle, il n’y a pas d’autre moyen à employer que la force pour contrer Daech. L’urgence est à l’empêcher coûte que coûte de garder le contrôle des villes de Raqqa et de Mossoul et d’étendre son pouvoir à d’autres grandes villes de Syrie et d’Irak. La France ne doit pas être seule dans l’intervention contre les positions de l’EI : d’autres pays occidentaux doivent lui prêter main forte et il est essentiel d’inclure dans cette lutte les Etats arabes de la région. Cela étant dit, les alliances ne devraient surtout pas se conclure au prix d’un consentement au maintien au pouvoir du boucher Assad car, ne l’oublions pas, ce dernier est en grande partie responsable de la montée de Daech.
  2. L’accroissement des capacités des renseignements est essentiel pour améliorer l’efficacité de l’anticipation et de la réponse au terrorisme urbain. Les informations recueillies doivent pouvoir être transmises très rapidement et de manière transparente à tous les services concernés (police, gendarmerie, armée, RAID, GIGN, BRI et renseignements). La coordination entre les différents services doit être totale à l’échelle nationale et internationale : l’assurance d’une plus grande fluidité augmentera les chances d’agir à temps face à ces attaques qu’on peut parfois anticiper mais rarement prédire.

 

Et l’unité 

 

  1. L’objectif ultime de l’EI comme des autres groupes terroristes est de pousser la société visée à perdre pied, à rompre son propre équilibre. Les décisions doivent être prises à froid, ce qui évite de commettre les erreurs politiques qui iraient dans le sens de ce que souhaitent les terroristes – que nos gouvernements se retournent contre leurs propres valeurs. A la question de la menace que poseraient les réfugiés, Yoram Schweitzer répond sur le ton de l’évidence qu’établir un lien entre cette donnée et celle du terrorisme serait un cadeau offert à Daech : ce serait l’autoriser à faire croire aux populations musulmanes que l’Europe n’est pas la terre d’accueil qu’ils espèrent mais bel et bien l’ennemi à abattre.
  2. Face à la radicalisation islamiste en France, les communautés musulmanes sont en première ligne et doivent s’unir pour éliminer les fascistes en leur sein et défendre une interprétation alternative de l’islam. Toute la communauté nationale est évidemment concernée, elle doit soutenir les musulmans qui rejettent l’islam radical et combattre à leurs côtés. Enfin, la vigilance face au risque que les franges extrémistes et notamment l’extrême droite puissent tirer avantage de cette situation, cette vigilance est essentielle. Négliger ce danger conduirait aussi à réaliser le vœu profond de Daech – voir les fondements de nos sociétés démocratiques s’effondrer sous le feu des divisions et de la haine.

 

Ces points de vue, si naturellement énoncés par l’israélien Yoram Schweitzer alors qu’ils sont encore loin de susciter l’unanimité en France, invitent à rappeler ce qui suit : Israël est ce pays qui depuis des dizaines d’années fait l’expérience douloureuse du terrorisme islamiste et des défis complexes qu’il lance à la démocratie. L’expérience d’un homme qui a vécu et contré la menace de si près est bonne à partager.

3 Commentaires

  1. C’est clair qu’on a des leçons à recevoir d’Israël quant à la gestion du terrorisme islamique. Bilan : la guerre depuis toujours et pour toujours. Tant qu’à faire autant que cela s’étende au reste du monde. Plus on est de fous plus on rit!

  2. Par contre tre, j’attends de la France une réponse militaire qui ne soit pas disproportionnée
    J’attends de la France qu’elle prenne toutes les mesures nécessaires à la protection des civils, sinon j’attends du conseil des droits de l’homme à l’ONU, une condamnation claire et précise pour crimes de guerre.
    Je recommande bien sûr à la France de la retenue dans sa riposte
    Enfin, le désespoir de ces gens n’est il pas le fruit de votre politique ?
    Blabla….
    Vous avez compris ou je voulais en venir !
    Alors si vous ne comprenez l’exaspération des israéliens à être traité d’assassins qd ils répondent au terrorisme….
    Encore une fois, vous allez vivre dans la peau des israéliens que vous le vouliez ou non
    Mais puisque vous pensez être capable de mieux ….

  3. Madame,Monsieur,je m excuse mais il m est impossible de recevoir des leçons ou des conseils, venant de ce pays, lorsque je lis les commentaires laissés après des articles concernant les victimes des attentats en France sur les sites de journaux comme: Telavivre ou Haaretz .Il m est difficile de croire que ce pays est une démocratie et fait preuve de bonne foi.Veuillez consulter ces sites si vous ne me croyez pas.Cordialement