Les autorités turques sont-elles derrière le dynamitage le 18 septembre dernier du mémorial du génocide arménien de Deir Es-Zor dans le Nord de la Syrie ? La main djihadiste qui a détruit l’unique lieu de mémoire dédié aux Arméniens sur les terres où ils ont été massacrés a-t-elle obéi à un cerveau ottomaniste ? Les fanatiques religieux n’ont certes pas besoin d’être poussés pour aller toujours plus loin dans l’horreur. Ils se débrouillent très bien tout seuls. Mais comment oublier le précédent du bourg arménien de Kessab en Syrie le 21 mars dernier, où a été clairement démontrée, cartes à l’appui, la complicité de la Turquie dans cette opération de nettoyage ethnique lancée par le Front al-Nosra, branche syrienne d’Al Quaïda ? Comment ne pas noter la coïncidence entre ces exactions antiarméniennes perpétrées par des organisations qui bénéficient jusqu’à aujourd’hui d’un soutien de l’État turc, et la recrudescence des provocations négationnistes de ses plus hauts dirigeants, comme en témoigne cette déclaration de Movlud Cavusoglu, son ministre des Affaires étrangères, le 2 septembre à Bakou : « Nous allons lutter ensemble avec l’Azerbaïdjan contre le soi-disant «génocide arménien» ? Comment faire abstraction des multiples indices qui attestent de la connivence entre l’islamisme turc au pouvoir, et ces forces djihadistes qui labourent en pays voisin le terrain de ses ambitions ottomanistes à peine voilées ? La non-participation de la Turquie, pilier revendiqué de l’OTAN, aux frappes antiterroristes en Irak, doublée de son veto à l’utilisation de la base américaine d’Incirlik, donne foi aux propos de Francis Riccardione (ex-ambassadeur des États-Unis en Turquie), qui dénonçait «la coopération de la Turquie» avec les différents groupes djihadistes dans une interview publiée par The Telegraph le 12 septembre.
Les officiels Turcs s’en défendent d’ailleurs à peine, justifiant de leur position par la nécessité de garder langue avec ces égorgeurs qui, volens nolens, servent tout de même leurs intérêts dans la région.
Ainsi, cent ans après le génocide, les victimes auront non seulement été exposées pendant des décennies au négationnisme d’État de leurs bourreaux, mais il leur aura été infligé de surcroît cette sorte de nécrophagie, de boulimie mortifère qui les traque jusque dans leurs ossements, dont quelques-uns avaient pu être arrachés aux sables du désert et de l’oubli pour être rassemblés dans ce lieu saint qui vient d’être annihilé.
Terrifiante spirale de l’horreur, dont la responsabilité n’incombe pas seulement aux assassins de 1915, mais aussi à tous ceux qui les ont couverts au nom des intérêts du moment. Ce faisant, c’est la logique du crime que l’on a encouragé. Et c’est son effet boomerang qui soumet à nouveau la région et l’humanité à ses conséquences dévastatrices. Dénonçant «l’obstination criminelle de la Turquie à nier le génocide arménien», Bernard-Henri Lévy ne dit pas autre chose dans Hôtel Europe*, lorsqu’il évoque ces morts auxquels on s’en prendra dès qu’on « en aura fini avec les vivants, et qu’on n’aura pas su, eux non plus protéger ». Et aussi « à quoi sert de soutenir la Shoah si ne n’est pas pour empêcher Srebrenica ? » Et à quoi bon lutter contre les djihadistes en Irak si c’est pour minimiser leurs crimes en Syrie, tout en fermant les yeux sur leurs complices ?
Jusqu’à quand ces invariants de la Realpolitik vont-ils continuer à défier nos consciences ?
* Hôtel Europe, au théâtre de l’Atelier et publié chez Grasset.
Génocide : après les vivants, les morts
par Ara Toranian
24 septembre 2014
Les autorités turques sont-elles derrière le dynamitage du mémorial du génocide arménien dans le nord de la Syrie ?
Quelques années auparavant, devant une assemblée de milliers de turcs venus de toute l’Europe au Zénith de Paris afin de l’écouter,Herr Dogan avait promis de tout faire pour éradiquer les Arméniens de la Diaspora, partout où ils se trouvaient.
Il a malheureusement presque atteint son but en Syrie où la Communauté Arménienne était très active et organisée dans le cadre de la défense de la Cause Arménienne, mais aussi par son apport à la Syrie en tant que citoyens fidèles,créatifs et travailleurs…
Aujourd’hui les djihadistes dont la connivence avec la Turquie est évidente(*) depuis tant d’années visent la Jordanie et le Liban. Là encore les Arméniens sont ciblés en arrière-plan par la Turquie.
Et la communauté Internationale lâche comme à son habitude ne dira toujours rien, pour ne pas froisser leur « allié » turc.
(*): A ce sujet, je suis étonné en écoutant les médias français (souvent France 24 et TV5) par les circonvolutions verbales toujours favorables à la Turquie que les commentateurs utilisent quant à son implication morbide dans tous ces évenements.
Rien de nouveau dans le désert, les gouvernements turcs montrent qu’ils continuent de mettre à profit les guerres pour régler les problèmes épineux du moment. Les gouvernements occidentaux assurent le service minimum au nom des Droits de l’Homme, sans renoncer à la priorité de leurs intérêts économiques. Il faut cesser d’être naïfs et agir en conséquence (?).