Le mardi 21 janvier prochain, nous fêterons la troisième édition du Prix Saint-Germain, dont j’assumerai la présidence.
Le cru des sélections 2013 nous a passionné et établir une liste finale de douze films fût un vrai déchirement. Mais c’est jeu. Et la loi du jury.
On ne peut pas embrasser toute la terre. Un long métrage qui vient de loin c’est comme la carte postale d’un ami que l’on n’a pas vu depuis longtemps.
Écrire et tourner une œuvre cinématographique, la présenter au public des festivals et des prix, s’avère être une aventure teintée d’espoirs harassants et d’amertumes abyssales. « Vont-ils aimer mon enfant ? »
Le travail de critique ne doit jamais être injuste. Il est important de remettre son compteur créatif et sensoriel à zéro. Face à une œuvre. Dérangeante, déplaisante, attendue, inégale ?
Qu’a voulu nous dire son auteur ? Quel sentiment veut-il nous laisser ?
Il nous présente un travail. Parfois l’œuvre de toute sa vie. Il y a les débutants. Les premiers films. Les Ovnis. Les vieux routiers… Et puis, parfois, la grâce…
La comédie reste un art difficile. L’écriture, les dialogues, le ton, le rythme tout cela doit être invisible mais ciselé au cordeau. J’ai toujours pensé et constaté qu’il était plus facile de faire pleurer. Il y a une logique humaine.
Comme dans les chansons d’amour. Celles qui pleurent l’être aimé, délaissé, oublié, sont des tubes interplanétaires.
D’ailleurs, regardez autour de vous. Les gens qui incarnent une vraie joie de vivre sont rares. Donc précieux. Il en est de même pour les comédies, folles, burlesques, désenchantées. Quand avez-vous ri pour la dernière fois ?
Il y a aussi le poids du temps, la mémoire, les références, les écoles. Imaginez le nombre de films visionnés depuis ma tendre enfance. Les milliers d’images, de visages, de sons … Et les musiques, les acteurs…
Aahh ! Les actrices… Leurs souvenirs de leurs anatomies brûlantes, en panavision et en technicolor peuplent toujours mes insomnies. Aujourd’hui aussi. Une belle comédienne que l’on découvre en ouverture d’un film est une émotion palpitante. Le contraire est pénible. C’est comme se retrouver coincé à un dîner de mariage à côté d’une vieille tante.
« Il y a tant de films » je disais. Et tant d’autres que l’on n’a pas encore vu. Et cela ne s’arrête jamais. Tant de pays. Tant de nouveaux talents qui se révèlent. Mon cerveau est un gigantesque mille-feuille avec un tiroir spécial pour les pépites jubilatoires. Les films des années 1950 et 1960. La mode, les décors, l’éclairage, les voitures, et les filles … blondes, brunettes, rousses, métissées, si féminines, si élégantes, si glamour, dessus, dessous.
New York, Rome, Broadway… Les scores orchestrales de Cole Porter, Bernstein, Gershwin, Legrand, Jarre, Lai…
Ma disquette ne sature pas. Dans le silence d’une salle noire où débute la séance, je garde le cœur toujours ouvert pour la surprise. Comme en amour. Celui qui s’ôte cet émerveillement est à plaindre. Je suis parfois un homme-enfant. J’aime que l’on me raconte de belles histoires. Pour trouver l’apaisement, le sommeil, la connaissance, la joie.
Une seule règle radicale me guide sur les choix de films : l’écriture. Le script, les dialogues mais également l’ensemble des composantes de la narration cinématographique. L’image, le découpage, la dramaturgie, le casting, le score, le montage. Quel boulot ! Alors, ne soyons pas trop impatients avec nos réalisateurs. John Ford a fait soixante dix films, Stanley Kubrick treize !
Cette année, je veux avec mes camarades jurés, rendre hommage à l’attelage magnifique de la littérature et du septième art. Du roman adapté au film.
Du best-seller au box office. Parfois, le succès se pointe avec des décennies de retard.
Mais je défends toujours l’auteur, l’écrivain : celui qui est à la source.
Je serai toujours de son côté. Après, le scénariste, le réalisateur réalisent leurs coupures, déchirent les pages, soulignent les scènes fortes, éclipsent des personnages secondaires… Trahissent parfois l’auteur. Ce dernier peut crier sa colère et son désarroi à la face du producteur ; le succès sur l’écran et dans les salles le calmera-t-il ? Les royalties d’or et de platine, d’Oscars, d’Emmy Awards et de Bafta qui tombent du ciel, arrosant son jardin et sa piscine hollywoodienne ne sont pas pour autant des bonbons d’endomorphines.
Heureusement, les livres comme les films peuvent se relire. Et renaître.
C’est le cas de Lolita, Plein Soleil et Le Talentueux Mister Ripley, En cas de Malheur, Gatsby, le Feu Follet…
Il y a donc une éternité de vérité qui se joue là et rend justice à des écrivains, parfois oubliés.
C’est un petit peu l’une de ces missions affectueuses envers nos auteurs, que nous évoquerons lors de la prochaine édition du Prix Saint-Germain…
Je vous en parlerai donc lors de cette soirée là. En janvier.
Vous-y verrais je ?
Informations
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Pour découvrir la sélection des douze films de la troisième édition du Prix Saint-Germain, cliquez ici.
La soirée de remise du Prix Saint-Germain aura lieu le mardi 21 janvier 2014 à 21h
Au cinéma Saint-Germain-des-Prés
22 rue Guillaume Apollinaire
Paris 6ème.
Métro : Saint-Germain-des-Prés
Réservation :
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01 45 44 98 74