Christiane Taubira a été, à de nombreux moments pour moi, la plus belle incarnation de l’incandescence républicaine dont elle vient de parler.

La première fois que je l’ai entendue à une tribune, c’était en Afrique du Sud, en 2001, à la conférence de Durban contre le racisme. Une conférence assez tragique. Sortant du combat pour le PACS que j’avais mené avec d’autres, j’espérais une conférence contre le racisme magique, où l’on irait vers la fin de toutes les discriminations, vers l’union des luttes… Malheureusement, nous étions entre la seconde intifada et le 11 septembre. Les confusions commençaient à diviser l’antiracisme, tiraillé entre des gens qui trouvaient des circonstances atténuantes à l’islamisme et ceux qui le refusaient.

Dans une salle, j’ai trouvé un peu de repos et de réconfort en écoutant Christiane Taubira parler du racisme. Elle en parlait avec les mots qui sont les siens, avec les mots qui dansent, avec des mots d’écrivain, de poète, avec force, sur l’esclavage, sur l’héritage… Je me suis sentie lavée de ce qui se passait dans les coulisses, qui défigurait cette conférence, et je me suis sentie portée.

Puis, après la conférence de Durban, il y a eu le 11 septembre, il y a eu le 21 avril, une dizaine d’années où nous nous sommes tous battus pour essayer de faire en sorte que l’on ne justifie pas l’intégrisme à cause de l’antiracisme, ou que l’on ne justifie pas, à l’inverse, de fermer les yeux sur la montée du racisme sous prétexte de résister à l’intégrisme.

Quand le débat du mariage pour tous a repris, j’ai revécu une incitation à la haine que je pensais éteinte au moment du PACS. Je ne pensais pas être encore atteinte par cette folie. Mais quand, sous les bottes de quelques nervis j’entendais « sale pédale », et qu’ils essayaient de me mettre à terre, qu’ils essayaient même de me mettre quasiment à mort, et en tout cas de me sortir de la communauté des citoyens et même de la communauté des humains, pendant ce temps, à l’Assemblée nationale, la Garde des Sceaux de mon pays me rendait mon humanité, ma dignité. En ferraillant d’une main de maître, avec les mots encore une fois qui sont les vôtres, avec une force, une dignité, avec cette incandescence qui faisaient que, au fond, ces coups de bottes ne font pas si mal.

Plus ces gens s’acharnent à vouloir nous sortir tous ensemble de l’humanité de façon bestiale, plus – au fond – cela donne du corps et du sens à votre courage, à votre dignité, à notre combat pour l’égalité et pour la fraternité. Et c’est parce que nous gagnons ce combat, qu’ils sont dans cet état de nerfs.

Vous avez raison, il y a quelque chose de bon qui va sortir de tout ça. Je ne sais pas si c’était une léthargie, peut être aussi y a-t-il eu un moment où l’on s’est demandé si ces crachats tellement bas – vous êtes tellement au-dessus de ça, la République est tellement au-dessus de ça – est-ce qu’il fallait s’abaisser jusqu’à les considérer ? Oui, il fallait le faire. Car ils disent beaucoup plus que cette obsession, cette folie qui peut se cristalliser sur vous ou sur d’autres en ce moment. Ils nous disent que monte dans ce pays une droite extrême qui a franchi toutes les limites de l’entendable, qui est en train de sortir les uns après les autres, des groupes entiers de personnes de la communauté des humains, avec une rage décomplexée qu’il faut recompléxer, absolument.

Et si c’est de la « bobocratie » [le mot de Florian Philippot, numéro 2 du Front national, employé dans un tweet pour qualifier les intervenants et organisateurs du séminaire en soutien à Christiane Taubira, ndlr] que de défendre la démocratie, alors oui, nous sommes fiers d’être des démocrates. A l’inverse, on ne va pas les laisser déguiser leur pensée antihumaine en pensée « antisystème ». Cette pensée « antisystème » réunit aujourd’hui toute sorte d’extrêmes droites, qui ont des visages très différents, allant d’Alain Soral à Dieudonné, et bien d’autres, et qui peuvent aller de certains torchons commeMinute, jusqu’à des magazines qui causent beaucoup, de façon plus respectable. Ce discours décomplexé nous fait honte, il est temps de le dire, et nous met en colère. Il a nous enragé. La façon dont ils s’en sont pris à vous nous a enragés et nous a réveillés. Tant mieux. Le 3 décembre, il y aura l’anniversaire de la marche pour l’égalité. Il va falloir encore marcher, nous le savons, mais nous sommes réveillés.

 

6 Commentaires

  1. QUI ES TU ETRANGER ?

    Qui es tu étranger, toi cet autre que moi ?
    Que personne ne veut et qui n’a pas de toit.

    Tu es parti confiant de ta terre natale,
    Pour être condamné aux supplices de Tantale.

    Où sont dans cette France, nos valeurs passées ?
    Le jour où nous avons, la couronne, chassée.

    L’autre était accueilli sur cette terre d’asile,
    Sans distinction de race, de peau ou de profil.

    Les révolutionnaires luttèrent sans compter
    Pour installer l’idée de solidarité.

    Qu’en est il aujourd’hui de cette humanité ?
    Pour accueillir nos hôtes avec tant de dureté.

    Notre hospitalité, ne faut-il pas revoir ?
    Plutôt que de pousser nos frères au désespoir.

    « Je suis de ta fratrie » : répondit l’étranger.
    « Et promis, comme toi, aux mêmes destinées ».

    Si tu n’y prends pas garde, il se pourrait qu’un jour,
    Les rôles soient inversés, et que se soit ton tour,

    D’être bientôt en quête d’une terre d’accueil :
    « Je serai là alors, t’attendant sur le seuil ».

    Maurice COUBLE

  2. Oui Caroline Fourest, nous sommes réveillés ,

    Nous vivons depuis trop longtemps inconsciemment comme si cette extrême droite avait déjà gagné, comme si elle avait raison, comme si ses électeurs étaient les seuls à souffrir de la crise. Nous sommes complexés et tétanisés par ces bêtises entendues au quotidien, qu’on traite avec mépris au lieu de les combattre.
    Nous sommes debout mais jusqu’ à quand ?

  3. Bonjour Caroline,

    J’aimerais juste vous dire que je vous aime. Un de mes rêves serait de vous rencontrer.

  4. Désolé mais on ne nous y prendra plus. On s’est fait avoir une fois. Nous avons marché une fois, voyez la prix que vous et vos semblables, nous avez fait payer. Plus de trente ans d’assignation à identité. Nous sommes toujours issus de l’immigration, pire encore nous sommes devenus les nouveaux juifs. Selons vos dires, nous serions en train de comploter je ne sait quels plans pour islamiser, halaliser le monde entier.
    Je vous le dis très amicalement. On n’a pas besoin de vous. Merci de ne plus parler de nous ou à notre place

    • Non au contraire, continuez Caroline, à vous battre contre le fascisme des islamistes de tout poil (et les autres fascistes, comme Soral, Ayoub et la clique des révisionnistes de l’histoire reconvertis dans la haine des habitants d’Israël) . Ces barbus qui utilisent l’Islam pour conquérir le pouvoir pour eux-mêmes, qui musèlent les femmes, qui asservissent les hommes, qui encadrent militairement la société et les comportements… Quelle plaie ! Nous avons la peste FN, ils ont le choléra du Hamas et des Frères. Dieu, reste dans la maison, surtout ne vient pas nous emm….der dans la rue, encore moins dans la politique.
      Y’en a marre des barbus et des intégristes, de l’islam, du judaïsme et du christianisme!!!
      Les monothéismes ont plongé l’humanité plus d’une fois dans la guerre et le sang. Et le paganisme supposé du nazisme ne nous fera pas oublier le national-catholicisme de Franco et les silences de Pie XII concernant les camps.
      Quand à Aliti, qui compare les beurs à des « nouveaux juifs », c’est du grand n’importe quoi ! Si la Palestine n’existait pas, qu’iriez-vous chercher pour justifier l’incompétence et la corruption massive des élites acquises à la Charia, cette loi moyen-âgeuse -archaïque ?-, pivot simpliste du système fasciste que veulent imposer les frères et leur beaux-frères, qui rêvent de vivre sans travailler, en prêchant, aux crochets de ceux qui produisent des richesses, qui travaillent -in fine- pour eux !

  5. Encore et toujours merci pour l’intelligence de vos analyses et de vos propos. Votre langage clair, net et précis qui ne cherche pas à divertir (ras le bol de l’humour à mauvais escient ou de la violence verbale gratuite et stérile) est salutaire.
    Et tout à fait d’accord avec vous en ce qui concerne Madame Taubira. Elle rend fier d’être démocrate, républicain et français.
    Continuons à « vigiler » comme disait Barbara (désolé pour mes références mais on ne se refait pas) et restons éveillés, l’esprit clair en ces moments d’obscurantisme effréné !