Grande mobilisation des écrivains et intellectuels en soutien à Christiane Taubira, ce dimanche 17 novembre, en partenariat avec SOS Racisme.
Christine Angot, Yann Moix, Bernard-Henri Lévy, Dominique Sopo, Caroline Fourest, Tahar Ben Jelloun, Scholastique Mukasonga, Daniel Lindenberg, Karine Tuil, Cindy Léoni, Maurice Szafran, Patrick Klugman ont fermement exprimé leur indignation suite aux divers propos infamants à caractère raciste dont la Ministre a été la cible.
A son arrivée, Madame Taubira a été accueillie par une longue ovation du public qui a fait salle comble pour la saluer. « Nous sommes là, Madame, pour dire notre colère, bien sûr, face à cette montée, ce retour de l’infamie et du racisme, et face à tous ces propos qui sont en train tout doucement de justifier, ou d’expliquer, ou d’excuser partiellement ce qui vous a été fait. » a déclaré Bernard-Henri Lévy, le directeur de la revue. Il a dit son « admiration » pour Christiane Taubira, par « la façon dont [elle a], à chacune de [ses] interventions […], refusé toute espèce d’utilisation politicienne de l’affaire », donnant là un grand et bel exemple de morale républicaine.
Le philosophe est revenu sur les attaques visant ces dernières semaines la Garde des Sceaux, qui a été comparée, à plusieurs reprises, à un singe, notamment par une enfant lors d’une manifestation d’opposants au mariage pour tous et par l’hebdomadaire d’extrême droite Minute.
« Ce qui nous a stupéfiés, c’est cette très étrange léthargie républicaine, comme si elle était elle- même stupéfiée de voir que les vieux ennemis de la République, qui avançaient jusque là à couvert, attaquent soudain à découvert, comme si les ressorts de la République s’en étaient trouvés grippés. Quand le racisme s’exprime, c’est le pacte républicain qui est ébréché. »
La ministre a salué l’élan de solidarité et de sympathie en sa faveur et s’est déclarée « émue » et « reconnaissante ».
« Je suis profondément émue car j’ai l’impression d’être malgré moi le vecteur, le motif, d’un grand moment d’interrogation sur nous-mêmes. Ce moment d’interrogation, doit effectivement être symbolisé, c’est ce qui se passe cette semaine à travers les mots des tribunes des artistes, des écrivains. »
Elle poursuit : « Je crois que le sujet est profondément politique, au sens noble du terme: comment vivons-nous dans la cité, quels sont les interdits, quelles sont les lignes à ne pas franchir dans la cité. Il s’agit d’une question éthique, de la vie que nous conduisons ensemble dans la cité et donc des règles qui indiquent clairement que nous ne vivons pas sous la loi de la jungle, sous la loi du plus fort, sous le règne de la domination, sous le sauve qui peut individuel, sous le vis-à-vis, sous l’empire de la force. Nous vivons dans l’empire du droit, et le droit énonce un certain nombre de règles, et parmi elles le refus du racisme, de l’antisémitisme, de la xénophobie, le rejet de toute discrimination. La République ce n’est pas l’empire du nombre mais du droit, et c’est cela qui a été transgressé, et c’est à cette hauteur qu’il fallait l’entendre, le ressentir et le dire. Tout ce qu’on a entendu nous sidère profondément et nous transforme en singes muets. Cette enfant, j’ai envie de la couvrir, de la protéger de mon affection, car à cette âge-là elle n’est pas tout à fait responsable de ses propos. Qu’elle puisse formuler ces mots, cela en dit long sur ce que pense une partie de la société. »
L’une des premières voix à avoir brisé le silence aura été Christine Angot dans une tribune publiée dans Libération. A la question d’Alexis Lacroix, qui insistait sur le fait qu’elle n’ait pas hésité à s’engager, l’auteur répond :
« Bien sûr que j’hésite. J’hésite, toujours. Christiane Taubira a exprimé des réserves, disant quelle aurait préféré laisser les écrivains s’exprimer avec des beaux mots, mais nous aussi on a une réserve par rapport au pouvoir politique, car moi je ne sais pas dire des choses pour changer le monde, je suis écrivain. En revanche il peut m’arriver de trouver des mots pour dire ce que j’entends et ce que je vois. »
Yann Moix, prolongeant le soutien qu’il avait formulé au lendemain de la parution de l’entretien de la ministre dans Libération, à travers une lettre ouverte publiée par La Règle du jeu : « En ce moment ce ne sont pas les racistes qui sont en train de prendre le pouvoir, ce sont les bouffons, c’est par les simagrées, les jeux de mots, le simiesque langage, qu’on devient intelligible, c’est par la grimace qu’on devient intellectuel, c’est par le zoo qu’on devient le penseur, il y a une véritable inversion des valeurs. L’insulte a pignon sur rue, et celui qui représente la force et la légitimité républicaine devient le faible et le vilipendé. Dans ces cas de rupture, d’inversion, de brouhaha, l’écrivain doit dire « assez ». La France n’est pas un pays raciste, et les singes ne sont pas là où on le pense. La République bananière existe parce que ceux qui lancent des insultes sont ceux qui précisément appartiennent à un zoo que nous ne pouvons plus continuer à entretenir. »
Caroline Fourest, essayiste et féministe, rappellera le combat de Christiane Taubira contre le racisme et pour l’ouverture du mariage aux homosexuels : « On s’est tous sentis insultés et humiliés. On s’est tous dit que ces crachats ne méritaient même pas de s’abaisser à les regarder. En même temps, ils sont révélateurs d’un climat qui constitue un vrai problème de démocratie […] Cette droite extrême nous a enragés et nous a réveillés. Il va falloir marcher encore beaucoup, mais nous somme réveillés. »
Dominique Sopo, ex-président de SOS Racisme, a rappelé quant à lui que « le silence ne peut pas tenir lieu d’action. » Par ces attaques racistes, « on a l’expression des préjugés légués par le colonialisme et par l’esclavage » qui « n’ont pas été totalement extirpés de la société », avant de conclure : « Moi je n’ai jamais honte d’être français. En revanche, la France doit avoir honte de ses racistes. »
L’écrivain rwandaise Scholastique Mukasonga, prix Renaudot 2012, s’est interrogée : « Comment ne pas se sentir écorchée vive quand quelqu’un est traité d’animal ? »
Tandis que Karine Tuil, rappelait le rôle des écrivains lors de semblables débordements, et affirmait que : « Toute la République est attaquée dans ses valeurs. Les écrivains seront toujours là pour lutter. »
Patrick Klugman, avocat et élu de Paris, a pris sa part de « responsabilité » avant de regretter le silence des siens : « Je suis avocat. Où étaient les avocats quand notre ministre a été insultée ? »
Le philosophe et historien Daniel Lindenberg a défendu qu’« il faut arrêter de culpabiliser d’être antiraciste, les antiracistes n’ont pas à raser les murs. […] Les intellectuels doivent reconstruire un véritable antiracisme. »
L’écrivain Tahar Ben Jelloun a souligné l’importnce de l’école : « Il faut faire un travail pédagogique et impliquer l’Éducation Nationale pour qu’elle s’occupe du problème. »
Cindy Léoni, présidente de SOS Racisme, a conclu en appelant les Français à rejoindre la manifestation du 30 novembre pour « faire barrage au racisme».
Christiane Taubira, interrogée à sa sortie du séminaire, a conclu : « Je repars avec un renforcement de ma conviction que ce pays a de belles intelligences, une immense générosité, et de grandes énergies. Finalement, tout cela est invincible. C’est une péripétie dont nous devons tirer des enseignements. Finalement, il y a des parenthèses hideuses dans l’Histoire de ce pays mais ce qui est permanent, c’est sa grandeur, sa générosité, sa force ».
Ce qui me sidère toujours dans ce genre de déclarations généreuses et nécessaires, c’est leur naïveté, telle la déclaration de Tahar Ben Jelloun. M. Tahar Ben Jelloun présuppose par sa déclaration que l’Education nationale ne se serait pas « impliquée » par quelque travail pédagogique du problème du racisme. Mais dans quelle France vit M. Tahar Ben Jelloun ? Je suis enseignant, professeur de lettres dans le secondaire, et mes collègues et moi nous préoccupons chaque jour du problème. C’est faire insulte aux professeurs et à l’Education nationale de prendre les enseignants pour des ignares et des incompétents qui ne feraient pas leur travail ! Ce sont des propos qui sont non seulement idiots mais insultants. C’est surtout n’importe quoi !
bravo pour cette initiative
pourquoi ne pas lancer une grande pétition citoyenne de soutien à Mme Taubira ?