A propos de l’affaire du Grand Rabbin de France, Gilles Bernheim
Osant fouler les travées que se ratisse, avec beaucoup d’animation, Jacques-Alain Miller, j’ose détourner, en béotien, une formule de son beau-père – la femme n’existe pas, parce qu’il n’y a pas d’autre de l’autre.
Parfaitement incompétent en cette matière originale, je me permets malgré tout d’en user pour affirmer : le rabbin n’existe pas – parce qu’il n’est pas l’autre du curé.
Permettez-moi de reprendre ; certes, il y a de la pantalonnade, là-dedans, et du comique ; mais le comique peut être l’occasion du rappel d’une vérité – qui, cette fois, pourrait faire sens. Par pitié : ignorons superbement cette anecdote du jour qui nous aura motivés à la dire ; vous savez, cette fameuse histoire d’un certain rabbin qui, etc.
Rabbin, d’abord. Vous savez bien, si vous êtes sérieux ou ne l’êtes pas, que seuls les mots comptent. Or rabbin, c’est un mot français, consenti par des juifs à un Napoléon qui décide de conclure clairement les débats qui agitèrent, de Clermont-Tonnerre à l’abbé Grégoire, les contemporains de la Révolution.
« Vous allez vous constituer en une église, avec des hommes de culte, représentants légaux, c’est compris ? Vous allez vous donner des représentants moraux. Vous allez gentiment rentrer dans le rang des religions. »
Solution du problème juif – nous pensons au Milner des Penchants criminels.
Dans le fond, Napoléon comprend parfaitement que le rav juif pose problème. Pardonnez mon impolitesse : j’ai dit un mot hébreu ; rav. Eh bien, de rav à rabbin, il y a un abîme.
Qu’est-ce qu’un rav ? D’abord, ce n’est pas un homme à qui l’on donne un titre (ça, c’est l’influence du rabbin, c’est-à-dire du curé, sur le rav ; attention, l’influence est ancienne, car le Christianisme, tout de même, ne date pas d’hier.)
C’est un homme qui est requis, par un autre que lui, de lui enseigner quelque chose de la parole de Moïse et de sa signification.
Un rav, autrement dit, est un outil de pensée, fondé en intersubjectivité. Outil de pensée pour un sujet juif, supposé savoir, c’est-à-dire supposé fonder en soi–même son accès au savoir.
Que ce savoir requière, pour s’élaborer, un perfectionnement moral, mais aussi physique et sociable, nul doute. Qu’il faille donc que l’homme que j’ai investi, moi, de son rôle de rav doive, afin d’être crédible, avoir tout fait pour perfectionner ses dispositions morales, comme son corps, c’est requis, à nouveau. Le Talmud l’enseigne : « Si le rav ressemble à un ange du Ciel, demande-lui la Torah. Si le rav ne ressemble pas à l’ange du Ciel, ne lui demande pas la Torah. »
Affaire réglée.
Fort heureusement, puisque donc l’on n’est le rav (c’est à dire le maître – non le maestro, hein ? L’enseignant) que d’un autre, on a, fût-on appelé rav, tout le temps de méditer cette maxime des Pères du Talmud : « Hais la fonction de rav. »
Je ne crois pas, hélas, que le rabbin ait ce temps ; puisque, lui, on réclame de lui – je veux dire, Napoléon, depuis sa tombe si animée, continue de réclamer de lui – qu’il soit un de ces hommes sacrés où les bonnes âmes mirent leur propre paresse en y fixant l’image de la perfection – bref, un curé.
C’est atroce, tout de même. Comment peut-on être rabbin ? Comment, par quelle sombre disposition intérieure au malheur peut-on accepter, quand on est doué de raison, de jouer ce rôle de l’autre du curé pour un empereur si splendidement vermoulu ?
Et dire qu’il n’a même pas l’Évangile à brandir, pour être seulement consolé de ces mots si politiques :
« Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre ! »
Quant aux autres, qui croient tenir dans le rabbin démasqué, enfin, le masque honni du juif, eh bien nous sommes navrés de leur apprendre qu’ils se trompent.
Parce qu’il n’y a pas de masque.
Il n’y a que de l’intelligence, dans des textes qui s’appellent le Talmud, où le Juif mire et conquiert tout ce qu’il peut, de sa bêtise à son génie.
Navré de décevoir.
Le Juif, vous ne l’avez pas attrapé ; c’est d’ailleurs pour ça que vous le détestez
Oui. Si j’étais Agrégé_vu mon tempéremment_ je me vanterais_moi_ de n’avoir aucun diplôme. Comme quoi ( le monde est complexe)! Je crois que le rabbin ( qui n’existe pas, selon JAM) a simplement laissé dire… Certains l’ont comparé ( dans la foulée) à … DSK (qui, lui, n’a été nullement condamné… il a simplement sauvé la presse).