Paris, le 20 mars 2013

La scène est à Paris, à l’Ecole normale supérieure, 45, rue d’Ulm, salle Cavaillès. Devant un parterre médiatico-mondain attentif, deux philosophes débattent de la question qui agite les cercles de l’intelligentzia progressiste : « L’insulte est-elle possible ? » Le professeur Alum Goodme soutient que non. Le professeur Jean-Albert Lignorantin, rebouteux diplômé, soutient que si.

L’organisatrice du débat est une « golden girl » de 35 ans, Thanh Peht Danhzun-Verdoh, ancienne élève de l’ENS, agrégée de philosophie, diplômée de l’Institut International d’Administration des Affaires. Elle a commencé sa carrière comme “partner“ Asie du Sud-Est et Belgique, chez McRoh, qui la nomme directeur business développement en 2001. Elle quitte peu après le monde des affaires pour entrer au service culturel du Nouveau Conservateur. Elle passe ensuite à Mariole. Parallèlement à sa carrière de journaliste, elle vient de créer Demonius, un incubateur de projets destiné à favoriser des modes de vie durables, en accord avec la planète. Aller du business à l’humanitaire en passant par la culture : beaucoup en ont rêvé, peu l’ont fait !

Toute ressemblance avec des personnes existantes, ayant existé, ou appelées à exister un jour dans un monde possible ou un autre, ne serait que pure coïncidence.

 

Danhzun-Verdoh

Bonjour ! Je suis Thanh Peht Danhzun-Verdoh, de l’hebdomadaire Mariole et de la Fondation Demonius. J’ai le plaisir de vous accueillir dans les murs d’une Ecole qui s’enorgueillit d’avoir eu successivement pour élève et pour maître de philosophie Alum Goodme.

Nul n’est prophète en son pays. A ses débuts de caïman, régnait dans ces murs le post-structuralisme althusséro-derridien. A son départ, tout le monde était cognitiviste. Mais désormais, son pays, c’est le monde ! On s’arrache Alum Goodme. Et il parle de tout, partout. On l’applaudit ! (Tonnerre d’applaudissements.)

Un archicube demeurant à Romorantin-Lanthenay en Sologne, rebouteux diplômé, est récemment sorti de sa tanière pour contester une thèse de son brillant aîné. Goodme a en effet prouvé par raison démonstrative l’impossibilité structurale de l’insulte. Jean-Albert Lignorantin ne l’admet, ne le comprend, le nie. C’est toujours instructif, le ver de terre qui, tel l’Insensé du Proslogion, bave sur la splendeur du vrai. Alum Goodme a bien voulu voisiner avec Lignorantin sur cette estrade, à condition d’être assis sur son piédestal portatif.

Jean-Albert, à vous ! Essayez de ne pas vous ridiculiser trop vite, dans l’intérêt du spectacle. Et n’oubliez pas : lisez Mariole !

Lignorantin

La thèse d’Alum m’a étonné, je l’avoue. En effet, la vie quotidienne, sans parler de l’histoire de l’humanité, donne l’exemple de multiples provocations et offenses par le biais de la parole et de l’écriture. Certaines ont eu des conséquences désastreuses. Est-il besoin d’évoquer la dépêche d’Ems ? Prenons la guerre de Troie.

Elle a bien eu lieu, malgré la tentative de Giraudoux de désamorcer l’affaire. Dire que Ménélas était cocu était sans doute une description. Qui plus est, celle-ci était exacte, au moins depuis la corruption d’Hélène par le prince troyen. L’universel des Grecs ne s’en est pas moins senti offensé. Et ce, alors même que, as a matter of fact au sens logico-philosophique du premier Wittgenstein, Pâris était tout de même très loin d’avoir copulé avec toutes les Grecques.

Danhzun-Verdoh

Je vois beaucoup de machisme dans votre position, Jean-Albert. Ce n’est pas clair. Le professeur Goodme va certainement remettre les pendules à l’heure.

Goodme

Merci, Thanh. L’erreur de Jean-Albert tient à une surestimation du factuel qui est courante chez les penseurs insuffisamment platoniciens. Lénine commettait la m^me erreur. « Les faits sont têtus », disait-il. Je dis que les Idées le sont encore plus. Même wittgensteinien, le fait ne saurait prévaloir sur le droit.

Je concède volontiers à jean-Albert que les hommes manifestent une propension à prendre des descriptions pour des insultes. Mais celle-ci ressortit à l’éloignement où ils sont du monde des Idées. Ne l’oubliez jamais, l’histoire de l’humanité se déroule dans l’obscurité de la Caverne. A l’air, ces miasmes s’éventent.

Je donnerai bientôt à connaître ma Polémologie thermodynamique, renouvelée de Platon via Carnot et Carnap : De la puissance motrice du feu…, 1811 ; Logische Syntax der Sprache, 1934. Je prévois que, exposés un temps suffisamment long à la chaleur du Souverain Bien, les objets-causes de contradictions et de guerres dans le monde sublunaire fonderont comme neige au soleil.

Danhzun-Verdoh

Mais c’est très important pour l’avenir de la planète, ce que vous venez de nous dire là, cher Alum ! Vous envisagez – que dis-je ? vous annoncez un état de l’humanité dépourvu de contradictions. Savez-vous que j’y aspire depuis l’enfance, quand je me rêvais « morte, aimable entre les vierges » ? Ah ! Ah ! c’est loin, tout ça. Vous me comblez, Alum. Mais permettez une question : est-ce bien réaliste ? N’y aura-t-il pas toujours des philosophes ignorants pour vous contredire ? (Elle glisse un regard courroucé vers Lignorantin.)

Goodme

Détrompez-vous, Thanh Peht.  C’est tout le problème d’un traité de paix perpétuelle en philosophie. Il a été posé par Kant, mais celui-ci l’a laissé en souffrance, vu l’insuffisance notoire de la solution qu’il prônait, à savoir la prohibition absolue du mensonge. L’inspiration est juste, mais le moyen est piètre. Pour qu’il y ait paix perpétuelle, non seulement entre les philosophes, mais entre les êtres parlants, il faut et il suffit que ceux-ci consentent à exhiber dans leurs énonciations effectives la syntaxe logique de celles-ci. Et ceux qui n’y consentent pas, me direz-vous ? C’est simple : direction la Loubianka. La thérapie Pol Pot éradique les faux problèmes avec une facilité….

danhzun-verdoh

Mais c’est merveilleux, Alum ! Il suffit d’exhiber sa syntaxe, bien sûr ! J’ai toujours pensé que toutes ces disputes philosophiques, c’est scolastique, c’est moyenâgeux ! Autant retourner à Delphes, ou jouer ça au 421. Non, le mouderne, c’est de faire appel à l’algorithme. L’oracle mouderne, c’est la machine de Turing.

goodme

Vous verrez que le système hypothético-déductif de l’Histoire exposé dans ma Polémologie permet d’affirmer sans crainte d’être contredit, du moins par un être rationnel, la proposition suivante. C’est à savoir que l’Internationale sera le genre humain quand le Livre dudit genre humain, comme celui de la Nature, s’écrira en langage mathématique.

Danhzun-Verdoh

Cher public, nous venons d’assister en direct à la formulation de la Conjecture de Goodme ! Génial ! Merci, Alum, de tout mon cœur, pour ce scoop philosophique de première grandeur !

Goodme

Je ne vous le fais pas dire. Ce Livre, Galileo Galilei échoua même à le concevoir. Ce Livre est celui-là même que cherchèrent en vain à composer et Leibniz et Mallarmé. Borges avec son Aleph, James Joyce avec Finnegan Wake, Flaubert avec Bouvard et Pécuchet, Schelling avec Les Âges du monde, Fichte avec sa Wissenschaftlehre multiple et incertaine : parodies ! dérisions ! Marx a eu tort d’énoncer que l’humanité ne se pose que les problèmes qu’elle peut résoudre, puisqu’elle a manifestement échoué devant celui-ci. Jusqu’à moi.

Danhzun-Verdoh

Enfin Goodme vint !

Goodme

Je ne vous le fais pas dire.

Danhzun-Verdoh

Quel bonheur ! Quel honneur ! Un grand philosophe ! Le plus grand des philosophes vivants !

Goodme

Et morts ! Les morts aussi. Les morts surtout. Car les vivants ne m’arrivent pas à la socquette. Sache, public, que je ne suis pas seulement un philosophe , mais que je suis une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, et dix fois philosophe. 1° Parce que, comme l’unité est la base, le fondement, et le premier de tous les nombres, aussi, moi, je suis le premier de tous les philosophes, le docte des doctes.
2° Parce qu’il y a deux fonctions nécessaires pour la parfaite connaissance de toutes choses : le signifiant et le signifié ; et comme je suis tout signifiant et tout signifié, je suis deux fois philosophe.

Dans le public, Juliette Récamier et Juliette Drouet s’agitent. Ayant le cœur barbouillé de mégalomanie littéraire, elles brûlent de rabattre son caquet au couple à la mode formé de Goodme et Thanh Peht Danhzun-Verdoh.

 

Juliette Récamier

D’accord. C’est que…

Goodme

3° Parce que le nombre de trois est celui de la perfection, selon Aristote ; et comme je suis parfait, et que toutes mes productions le sont aussi, je suis trois fois philosophe.

Juliette Drouet

Hé bien ! Monsieur le Philosophe…

Goodme

4° Parce que la philosophie a quatre parties : logico-mathématique, éthico-politique, physico-métaphysique, et médiatico-publicitaire ; et comme je les possède toutes quatre, et que je suis parfaitement versé en icelles, je suis quatre fois philosophe.

Juliette Récamier

Que diable ! je n’en doute pas. Écoutez-moi donc.

Goodme

5° Parce qu’il y a cinq universelles  : le genre, l’espèce, la différence, le propre et l’accident, sans la connaissance desquels il est impossible de faire aucun bon raisonnement ; et comme je m’en sers avec avantage, et que j’en connais l’utilité, je suis cinq fois philosophe.

Juliette Drouet

Il faut que j’aie bonne patience.

Goodme

6° Parce que le nombre de six est le nombre du travail ; et comme je travaille incessamment pour ma gloire, je suis six fois philosophe

Juliette Récamier

Ho ! parle tant que tu voudras.

Goodme

7° Parce que le nombre de sept est le nombre de la félicité ; et comme je possède une parfaite connaissance de tout ce qui peut rendre heureux, et que je le suis en effet par mes talents, je me sens obligé de dire de moi-même : O ter quatuorque beatum !
8° Parce que le nombre de huit est le nombre de la justice, à cause de l’égalité qui se rencontre en lui, et que la justice et la prudence avec laquelle je mesure et pèse toutes mes actions me rendent huit fois philosophe.
9° parce qu’il y a neuf muses, et que je suis également chéri d’elles.
10° parce que, comme on ne peut passer le nombre de dix sans faire une répétition des autres nombres, et qu’il est le nombre universel, aussi, aussi, quand on m’a trouvé, on a trouvé le philosophe universel : je contiens en moi tous les autres philosophes. Ainsi tu vois par des raisons plausibles, vraies, démonstratives et convaincantes, que je suis une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, et dix fois philosophe.

Danhzun-Verdoh

Dix fois ! Mille fois !

Goodme, exalté

Le communisme sera platonicien, ou il ne sera pas ! Son règne arrivera ! Et il règnera sur toute la terre ! Co-mmu-nisme pla-tonicien ! Co-mmu-nisme pla-tonicien !

 

Les goodmeïstes, nombreux dans le public, reprennent en chœur le slogan scandé par Alum Goodme. Ils lèvent le poing. Joachim de Fiore se dresse soudain. Il flageole sur ses jambes, mais se précipite néanmoins à la tribune pour tomber dans les bras de Goodme. Les trois Juliette, la Juliette de Sade ayant rejoint les deux autres, sortent en manifestant bruyamment leur écœurement.

 

Lignorantin, incrédule

Le communisme adviendra quand tout un chacun s’exprimera more geometrico, c’est ça ? En Begriffsschrift ? En langue des calculs ?

Goodme

CQFD.

Lignorantin, entre ses dents

Quand les poules auront des dents…

Goodme

J’ai l’oreille fine, Jean-Albert ! Bien sûr que les poules auront des dents ! C’est prévu. C’est dans mon hypothèse communiste. C’est une exigence de justice distributive. Pourquoi certaines créatures resteraient-elles le bec dans l’eau quand d’autres jouiraient de la faculté de mordre dans la vie à belles dents ?

Lignorantin, exaspéré

Tourn’ ton cul que j’t’arrache une dent !

Goodme

Tu m’insultes parce tu n’as rien à me répondre. Je ne me bats pas avec les renégats de la logique mathématique. (Il lui fait un pied-de-nez.) Lignorantin tintin ! (Lignorantin se jette sur lui.)

Dans l’assistance, on avait pu remarquer un personnage à perruque griffonnant furieusement sur un minuscule bout de papier. Certains avaient reconnu en lui Gottfried Wilhelm Leibniz, en mission diplomatique à Paris, qui hantait incognito tous les leix où ça pense.

 

Leibniz, s’interposant

Monsieur Goodme ! Monsieur Lignorantin ! Monsieur Lignorantin ! Monsieur Goodme ! Toute rupture de dialogue est fâcheuse et dommageable. Mein Begrifflich Entwickler, actuellement en promotion chez Karfoor, a été  précisément conçu comme un Générateur de mondes possibles, capable de dissoudre des antagonismes comme ceux sur lesquels vous achoppez. Mon appareil assure à l’intelligentzia postmoderne des discussions courtoises et apaisées dans un cadre de pensée providentiel et élégant. Avez-vous notre Cool Concept Card ? Google, Apple, Amazon et Microsoft sont sur les rangs pour me racheter. Voyez seulement.

Depuis le début de la controverse, Leibniz a discrètement mis en marche l’appareil, qui a déjà traité les discours concurrents. Le philosphe-diplomate sort de sa poche son Entwickler, qui prend aussitôt la parole avec le fort accent teuton de l’Ange du Bizarre d’Edgar Poe. Au physique, il ressemble au Hal de Kubrick, son arrière- grand-père, mais en format réduit : il a la taille d’un iPhone.

Best

Mon système est déposé sous le nom de : The Best All Around Multipurpose Everybody’s Friend. Mon créateur est : Gottfried Wilhelm Leibniz. Mes amis m’appellent Best. Mes ennemis m’appellent Beast. Les mauvais esprits m’appellent Belle.

Vous vous accordez tous les deux sur le point suivant : que les poules sont édentées depuis la nuit des temps. Vous, monsieur Lignorantin, vous souhaitez que les choses demeurent en l’état, ce qui vous définit comme conservateur modéré. Vous, monsieur Goodme, qui performez comme le penseur le plus radical des deux mondes sans compter les autres, vous souhaitez voir les poules dotées d’une dentition afin de corriger une injustice de la marâtre Nature, selon l’expression du renégat angevin Joachim du Bellay.

La zoluzion que nous propozons konzilie tous les deziderata de l’élite penzative européenne.

Monsieur Lignorantin verra le monde actuel verrouillé. Toute novation perturbatrice y sera interdite. Ce monde fixiste sera exclusivement régi par les principes du Baron Cuvier.

En revanche, je suis autorisé à générer pour monsieur Goodme et ses amis un monde possible tel que :

a) les poules y auront des dents, malgré ledit Baron Cuvier ;

b) les bourgeois seront gentils hommes, malgré le Duc de Saint-Simon ;

c) la forme des villes changera plus vite que le cœur des mortels, malgré M. Charles Baudelaire ;

d) les homosexuels se marieront entre eux, malgré Mme Christine Boutin ;

e) et ils procréeront à qui mieux mieux par tous procédés naturels et contre-naturels, malgré Mme Sylvie Agacinski de Jospin.

Seront regroupés dans le monde fixiste les susnommés Agacinski, Baudelaire, Boutin, Cuvier et Saint-Simon. Ratzinger y restera pape. Bergoglio sera pape dans le monde transformiste de Goodme.

Leibniz, papelard

Ainsi chacun vivra dans le meilleur des mondes possibles. Le meilleur pour lui en particulier. C’est la nouveauté. Nous ne sommes plus au XVIIe siècle. Le meilleur monde n’est plus défini sur l’ensemble des mondes, mais sur la substance individuelle démocratique. Veuillez noter que mon logiciel Monade Modulo Monde est breveté.

Dans les rangs du public, c’est au tour de la marquise Nina Vézer des Silves de s’agiter. Nous n’avions pas revu l’ancienne collaboratrice du Nouvel Âne depuis le 21 mars 2005. Son article, « …and the whole megilla », faisait alors des vagues dans le Landerneau des déjantés. Elle a toujours 25 ans, elle est toujours très sexe. Elle se lève, regarde par en dessous si elle capte, et lance d’une voix rauque :

 

Nina

Quelle glauquerie ! J’vais t’casser, machine ! D’où je rêve ! Un monde possible ! Du pipeau ! Ce Leibniz est une fausse route ! Ton monde possible, on y est déjà, ma poule, depuis belle lurette. La passionaria des tradis, c’est Frigide Barjot, pas Sœur Sourire. Qui dicte Le Monde ? Natalie, pas Beuve-Méry. Angela leads les Chleuhs. Y a du changement dans l’air, pas vrai ? Et ceux qui dirigent, qui les cheffe ? Viens, mon gadjo, dis-leur ! Vous allez voir : il est mortel, mon minet.

Le minet en question est Jean-Bertrand (JB) Lapontat-Rêche, 26 ans, philosophe membre du comité de rédaction de la revue Les Temps Hypermodernes.


 

Lapontat-rêche

Je dicte le rapport 2013 de The World Gallinaceous Bird Database, de Pondichéry (ou Puducherry) : «  L’acquisition d’une dentition par les femelles gallinacées est d’ores et déjà un processus évolutif largement entamé. Cette mutation a été confirmée par l’équipe du professeur Gilles Lipovetsky. Celui-ci a reçu la Médaille Alfred Espinas 2012 de Zoo-Sociologie pour avoir isolé le type dit de la “Poule Mutante Hypermoderne (PMH)”, présentant une hypertrophie bénigne de la dentition sans dysharmonie dento-maxillaire (phénomène dit vulgairement « des dents à rayer le plancher »). La PMH vit et prospère dans les principales métropoles du monde développé, y compris l’Inde et la Chine.

Le premier spécimen connu de PMH été observé en 1938 par le Professeur Maurice Chevalier sur les Grands Boulevards à Paris, France, dans le même temps où le Professeur Henry de Montherlant et son assistant le Dr Roger Peyrefitte chassaient le garçonnet en culotte courte. Le Pr Chevalier a rendu compte dans les termes suivants de son observation du cas princeps, connu dans la littérature scientifique sous le nom de Galinette 38.

 

Ah ! si vous connaissiez ma poule,

Vous en perdriez tous la boule.

Ses p’tits seins pervers

Qui pointent au travers

De son pull-over

Vous mettent la tête à l’envers !

Elle a des jambes faites au moule

Des cheveux fous, frisés partout

Et tout et tout…

Si vous la voyiez,

Vous en rêveriez !

Ah ! si vous connaissiez ma poule.

 

Professeur Maurice Chevalier
Professeur Maurice Chevalier

« DSK sur le divan » titre Le Figaro de ce matin, p. 32. On apprend sous la plume de Béatrice Houchard que « le thérapeute préféré de la télévision », Gérard Miller, va livrer ce soir à 20h 45, sur France 3, son diagnostic sur le cas d’un directeur du FMI qui défraya la chronique en France dans la seconde décennie du XXIe siècle. Il était réputé pour sa débauche. Il s’adonnait à des orgies aux cours de petits soupers en compagnie de ses roués, et souvent de sa fille, la plantureuse Joufflotte, qui avait une réputation de Messaline. Il eut en 1688, alors âgé de quatorze ans, une fille avec une certaine Éléonore, fille d’un concierge. Les chansons satiriques de l’époque lui prêtent une relation incestueuse avec sa fille aînée, qui, après la mort de son mari, accumula les amants et les grossesses illégitimes.

Erratum. Par suite d’une erreur dans les transmissions, l’item précédent a subi une regrettable interpolation. A partir de la phrase « Il était réputé pour sa débauche », le texte est emprunté à la notice Wikipédia consacrée au « Régent », Philippe d’Orléans 1674-1723, régent du royaume de France durant la minorité de Louis XV. De la France de Philippe au monde de Dominique : progrès ou déclin ?

Le « Régent » Philippe d’Orléans.
Le « Régent » Philippe d’Orléans.

– « Paris pense-t-il ? » demande Le Figaro. Sébastien Lapaque répond brillamment à la question en commentant, page 8, les photographies des 7 « Petits Princes de Saint-Germain-des-Près ». Mais pourquoi 7 ? 7 comme les 7 Nains, ou comme les 7 Dormants d’Ephèse ? Beaucoup de normaliens et agrégés de philosophie. Deux femmes : Chloé Delaume, « la postmoderne », et Aude Lancelin, « la guerrière ».  Mais pas trace de Thanh Peht ! Tant pis !

Mutilations. J’ai évoqué hier, en deux mots, ma rencontre avec Serge Lebovici lors d’un colloque sur les mutilations. L’organisateur m’adresse son témoignage à ce propos.

Fernando de Amorim. Le colloque avait pour titre : « La mutilation du corps dans la clinique et ailleurs ». Il se tenait à la Faculté de médecine Léonard de Vinci, à Bobigny. C’était le vendredi 22 novembre 1996.

Mon idée était de discuter sur un thème qui concerne le quotidien des médecins et des chirurgiens, tout en faisant appel à des psychanalystes. Ainsi je m’étais adressé à Serge Lebovici et à Jacques-Alain Miller pour participer au colloque où les deux hommes défendraient les idées qui étaient les leurs sur ce sujet de la mutilation. Cependant je savais, et à vrai dire toute la communauté psychanalytique le savait, que c’étaient deux orientations opposées que j’allais faire discuter.

D’ailleurs quand le programme de ce colloque fut connu, un nombre important de personnes, particulièrement les psychanalystes de l’IPA, tout comme les lacaniens, m’ont prévenu qu’ils viendraient assister au « spectacle », pour voir la « bagarre » ! Immédiatement je signalai à ces personnes – je me souviens notamment d’un collègue très excité qui parla de « cassage de gueules » ! – qu’il n’en serait rien. Je leur dis que j’avais invité des psychanalystes, des gentilshommes, pour un débat sur un thème qui concerne la psychanalyse et la médecine, et que s’ils venaient dans « l’espérance » de voir un pugilat, ce n’était pas la peine qu’ils s’inscrivent.

Je me souviens de la modestie et de la gentillesse de mes deux invités à des moments différents de cette journée. Première anecdote : je suis allé chercher Miller chez lui, et devant le Louvre il m’avait proposé discrètement de payer le taxi. Bien sûr, j’ai refusé, lui rappelant qu’il était mon invité. La deuxième : Serge Lebovici quant à lui, m’avait invité à le rencontrer chez lui ; une fois dans son bureau, il a voulu m’offrir son dernier livre. J’ai refusé en disant que je l’avais déjà acheté et déjà lu. Quelques années plus tard, je me suis interrogé sur ce refus ou, à tout le moins, sur le fait que je ne lui avais pas demandé de dédicacer mon exemplaire. La réponse m’est venue quelques semaines, quelques mois plus tard : une fois devenu psychanalyste, j’ai perdu la tendance à l’idolâtrie.

Donc, le jour du colloque, Lebovici a fait d’abord son intervention. Eu égard à son âge, il me semble que Miller et moi, d’un accord tacite, avions laissé le monsieur âgé, professeur émérite de psychiatrie, exposer ses pensées. Il était charmant. Son exposé sur la mutilation révéla de profonds désaccords avec les lacaniens en général et moi-même en particulier, mais il le fit avec l’élégance de psychanalyste et de gentilhomme. Miller fut plus pédagogique. Il fit plusieurs références à Lacan et une remarque visant directement l’intervention de Lebovici. Les deux interventions ont été publiées dans le n° 1 de la « Revue de psychanalyse et clinique médicale ».

A la pause, la salle frémissait sympathiquement. Pour quelques-uns, s’en était fini de la confrontation imaginaire entre les membres de la SPP et les lacaniens. Quelques-uns m’avaient alors parlé d’une réunion tout à fait importante pour le rassemblement de la communauté psychanalytique. J’étais alors d’accord avec eux et le suis toujours ; je pense que les psychanalystes français vont vers cette rencontre, rencontre qui n’effacera pas les différences, mais qui dégonflera, je l’espère, l’imaginaire de tout un chacun.