L’Assemblée nationale vient de voter le projet de loi n° 344 qui ouvre l’institution républicaine du mariage aux homosexuels, garantit, pour les couples de même sexe, le droit à l’adoption et donc la reconnaissance d’une filiation. Par ce texte, qui ne renie à aucun moment le statut de mère ou de père, l’État français proclame l’existence d’un amour homosexuel, et surtout sa possible vocation à composer une cellule familiale dont la nature ne menace en rien le devenir de l’enfant. Il achève ainsi un processus entamé en 1982 par la dépénalisation de l’homosexualité et qui avait connu une étape décisive en 1999 avec le PACS.
Dix jours, soit prés de 110 heures de débat auront été nécessaires pour traiter des 4 999 amendements déposés, dont une grande partie par l’opposition à seule fin de plomber le projet par d’interminables vicissitudes. Jacques Bompard, député d’extrême droite, s’est particulièrement illustré en signant à lui seul 32 amendements, dont la teneur violente semblait placer polygamie et inceste au même niveau que la revendication homosexuelle.
La garde des Sceaux, Christiane Taubira, y a probablement trouvé son grand duel avec l’Histoire. On retiendra son inébranlable volonté ; le regard de l’oratrice qui, depuis la tribune, fond sur l’opposant et, l’instant d’après, retombe en malicieux clins d’œil. On se souvient d’une autre figure. Novembre 1998, Roselyne Bachelot achève son plaidoyer du pacte civil de solidarité sous les acclamations de la gauche, elle regagne sa place émue, et conspuée par sa propre famille politique. Le combat pour le mariage gay est devenu un combat de femmes, il a peut-être ainsi échappé aux manœuvres politiciennes, il est resté ce qu’il devait être : une bataille pour l’égalité.
L’enjeu reste néanmoins de taille pour le gouvernement puisqu’il s’agit de sa première grande réforme sociale, mais surtout d’une promesse phare de François Hollande qui a déjà dû tirer un trait, provisoire ou définitif, sur des engagements symboliques tels le gel du prix des carburants, la fin du cumul des mandats, le droit de vote des étrangers, la non hausse de la T.V.A et surtout la taxation à 75% des hauts revenus.
Le vote de l’Assemblée ne marque pas pour autant la fin du marathon législatif car le projet de loi doit encore être débattu au Sénat à partir du 18 mars. La gauche, qui y dispose d’une très faible majorité (6 voix) devrait faire bloc et limiter ses propositions d’amendements de sorte que le texte puisse être voté plus rapidement. Dans tous les cas la décision finale reste aux mains de l’Assemblée nationale, voire du gouvernement si celui-ci décidait d’en prendre l’entière responsabilité selon le fameux article 49, alinéa 3, de la Constitution.
Pour les opposants au mariage la mobilisation se poursuit, après un appel ce matin à manifester devant l’Assemblé, et finalement interdit par la justice, un nouveau rassemblement est prévu pour le 24 mars.
Le reste de l’Europe continue de suivre avec étonnement les multiples rebondissements du débat français quand des pays réputés conservateurs, comme l’Espagne ou le Portugal, ont déjà ouvert mariage et adoption aux couples homosexuels.
La Règle du jeu, Navarin et Lacan quotidien poursuivent le combat et viennent de faire parvenir leur brochure en soutien au Mariage pour tous aux sénateurs.