Les députés ont adopté hier solennellement le projet de loi ouvrant le mariage aux couples homosexuels. Tous les groupes de gauche ont voté la réforme. Après des mois de débats, le projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples homosexuels a été définitivement voté à l’Assemblée, par 331 voix pour et 225 contre.

Au total, pour l’un des projets de loi les plus discutés : 170 heures de débats au Parlement, 5118 amendements déposés en première lecture à l’Assemblée Nationale, 126 rappels au règlement lors des débats, les expressions GPA et PMA prononcés 2045 fois alors que ni l’une ni l’autre ne figuraient dans le texte…

Ci-dessous, la timeline présentée sur le site du gouvernement :

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L’aile gauche de l’hémicycle s’est levée comme un seul homme, scandant “égalité”, après que le président de l’Assemblée, Claude Bartolone, a annoncé la victoire du « oui ».

Mme Taubira, s’est dite « submergée par l’émotion » et a livré un discours touchant :

La France est ainsi devenue le quatorzième pays au monde à légaliser le mariage gay, soit le neuvième en Europe. Loin de faire figure de précurseur en la matière, elle aura attendu douze ans avant d’imiter les Pays-Bas, le premier Etat à avoir franchi le pas. En Europe, la Belgique en 2003, l’Espagne en 2005, la Suède et la Norvège en 2009, le Portugal et l’Islande en 2010, ainsi que le Danemark en 2012 ont déjà dit « oui ». Parmi eux, seul le Portugal n’accorde pas le droit à l’adoption aux couples homosexuels.

Le Canada a été le premier pays non-européen à voter le mariage et l’adoption, en 2005, suivi de près par l’Afrique du Sud en 2006. En Amérique du sud, deux Etats l’ont fait : l’Argentine en 2010 et l’Uruguay début avril 2013.

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Bleu foncé : le mariage et l’adoption légalisés
Bleu clair : le mariage légalisé, mais pas l’adoption
Gris : le mariage légalisé dans une partie du territoire seulement

François Hollande a déclaré, à la sortie du Conseil des Ministres, le 24 avril 2013, que la réforme du mariage pour tous représentait « une étape vers la modernisation de notre pays, plus d’égalité » :

Le jour du vote, Libération a mis à l’honneur le célèbre couple d’artistes Pierre et Gilles, avec cette une kitsch :

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Ce vote met fin à un long marathon parlementaire engagé le 7 novembre 2012 par la présentation du texte en conseil des ministres, son examen du 29 janvier au 12 février par les députés en première lecture, puis l’examen du 4 au 12 avril au Sénat et enfin la seconde lecture par l’Assemblée du 17 au 22 avril.

Les débats furent émaillés d’incidents, provoqués en séance principalement par des députés UMP, et par des manifestations dans les rues des opposants, qui se sont radicalisées au fil des jours, comptant de plus en plus de membres du Front national, notamment les catholiques intégristes de Civitas, parmi leurs rangs. La porte-parole des anti-mariage pour tous, la dérangeante Frigide Barjot, a ainsi affirmé lors d’une manifestation : « Hollande veut du sang, il va en avoir ! » (lire notre article)

Frigide Barjot, porte-parole dérangeante des anti-mariage pour tous.

Christine Boutin, présidente du Parti chrétien démocrate, aux côtés du député FN Gilbert Collard.

Ci-dessus, Christine Boutin, présidente du Parti chrétien démocrate, défile aux côtés du député FN Gilbert Collard à la Manif pour tous du 21 avril.

Claude Bartolone, président de l’Assemblée, qui avait reçu il y a quelques jours des lettres de menaces contenant de la poudre de munitions, a ainsi déclaré que le bureau de l’Assemblée nationale a voté à l’unanimité, mercredi 24 avril, des sanctions envers trois députés UMP pour des incidents survenus dans la nuit de jeudi à vendredi, lors du débat.
Ces députés, Yves Albarello, Daniel Fasquelle et Marc Le Fur, se voient infliger « un rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal », ce qui implique la privation pendant un mois du quart de leur indemnité parlementaire (environ 1 400 euros).

« Sortez moi ces excités ! Ces ennemis de la démocratie ! » s’était indigné Claude Bartolone.

Durant ces semaines de débats, on a pu entendre des arguments ou des positions parfois surprenantes. C’est le cas de François Bayrou, président du Modem, qui a déclaré être contre le mariage gay, mais pour l’adoption par des couples de même sexe ! « Parfois, une famille, ce n’est pas un papa et une maman », peut-on trouver sur son site.

Acte manqué ? Les députés UMP Luc Chatel et Henri Guaino, farouches opposants au projet de loi du mariage pour tous, ont voté « pour », avant d’indiquer que leurs doigts avaient dévié par inadvertance… Au total, ce sont six députés UMP qui ont voté pour la loi. Rappelons que Henri Guaino avait lancé sur France Info : « Un changement de civilisation, ça ne se fait pas par une loi ordinaire comme on change un taux de TVA ». On saura par conséquent apprécier avec quel sérieux et quelle concentration il s’est présenté au vote…

L’exploit lui a cependant valu d’être cité par CNN sur Twitter, et a même donné naissance à un hashtag : #HenriGayno !

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Hala Goloni, journaliste à CNN, écrit : « Un éminent député français anti mariage pour tous appuie sur le mauvais bouton et envoit un vote en faveur de la loi à laquelle il est opposé ».

Pour la commauté gay, la journée du 23 avril a été célébrée partout en France… A Paris, à proximité de l’Assemblée nationale, le « Collectif oui oui oui » avait organisé un mariage fictif. On a pu entendre des cris de joie : Fierté !, Egalité !…

Cependant, à quelques mètres de là, les forces de l’ordre et les opposants au mariage gay se sont livrés à de violents affrontements. Des incidents ont éclaté dans le centre de Paris à la suite de l’annonce du vote. 3 500 personnes ont manifesté leur colère sur l’esplanade des Invalides, selon la préfecture de Paris. Certains, masqués, ont provoqué CRS et gendarmes mobiles, interdisant l’accès à la rue de l’Université, où se trouve l’Assemblée nationale. Des pétards, bouteilles et autres projectiles ont été lancés sur les forces de l’ordre qui ont répliqué par des jets de gaz lacrymogène.

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Quels changements dans le texte de loi ?

Après avoir envisagé trois types de livrets de famille en janvier dernier, le ministère de la Justice a déclaré vouloir garder un livret unique, dont les mentions seront laissées en blanc pour être remplies à la main.

Le premier changement majeur est l’ajout d’un article, le 143, au Code civil, en préalable au chapitre « Du mariage ». Il stipule que « le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ». Auparavant, la loi ne précisait pas que le mariage supposait l’union d’un homme et d’une femme, car cela semblait alors évident aux législateurs.

La loi prévoit un article inscrit en tête du code civil précisant que « le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois […] que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe ». Autrement dit, la nouvelle loi va simplement autoriser les couples homosexuels, qui pouvaient déjà adopter en tant que personnes seules, à le faire en couple.

Au sujet de la gestation pour autrui (GPA), que la droite ne cesse de brandir pour s’opposer au mariage pour tous, la ministre de la famille Dominique Bertinotti a rappelé : « La position de François Hollande est claire : il n’y aura pas d’ouverture du débat sur la GPA pendant son quinquennat. »

En aucun cas les mentions « père » et « mère » ne seront rayées du code civil. « Les termes de « père » et « mère » restent inchangés pour les couples hétérosexuels, a insisté la ministre de la famille, Dominique Bertinotti. La notion de parent est simplement ajoutée quand cela permet d’éclairer la lecture d’un certain nombre de codes. »
Le texte réécrit cependant un certain nombre d’articles portant les mentions « l’homme et la femme » ou « le père et la mère ». Comme l’article 144 du Code civil (portant sur l’âge minimum requis pour se marier) : la nouvelle loi remplace « l’homme et la femme » par la mention « le mariage ne peut être contracté avant dix-huit ans révolus ».

Concernant le nom de famille, deux personnes de même sexe mariées pourront prendre le nom l’un de l’autre ou accoler les deux, de même que pour les personnes de sexes opposés. Pour les enfants, jusqu’à aujourd’hui, en cas de désaccord, le nom du père était automatiquement attribué à l’enfant. Désormais, les noms de chacun des parents seront accolés dans l’ordre alphabétique s’ils ne s’entendent pas sur le nom à donner à leur progéniture.

La Garde des Sceaux, Christiane Taubira, a annoncé que les premiers mariages du même sexe pourront avoir lieu dès le mois de juin, ce qui promet de splendides mariages ainsi que des voyages de noces ensoleillés !

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Pour en savoir plus

couverture-brochureRetrouvez en librairie la brochure créée par La Règle du jeu et Lacan Quotidien, compilant de nombreux textes de psychanalystes sur les enjeux du mariage pour tous. Avec une préface de Bernard-Henri Lévy et Jacques-Alain Miller.

La Règle du jeu, Navarin, Le Champ freudien

88 pages, 10 euros