Peu de mots existent pour décrire le viol ignoble de cette étudiante indienne brutalisée jusqu’à la mort dans les rues de New Delhi. Son histoire, celle d’un énième fait-divers sanglant visant les femmes, constitue l’épisode de trop pour des millions d’indiennes toujours plus menacées dans leur intégrité. Au-delà des mots, un dessin paru dans China Daily illustre pudiquement le malaise. L’artiste By Li Feng y présente une Indienne en habit traditionnel, visiblement ballottée de tout côtés sur fond d’arrière-plan présentant une carte de l’Inde dont l’encre pleure.
Mais si l’Inde pleure, elle combat aussi. Suscitant l’intérêt des médias du monde entier, les milliers de représentantes d’un féminisme courageux et souvent improvisé se rassemblent, témoignent et font pression sur le gouvernement indien pour que ce dernier prenne des mesures radicales. La presse craint de son coté que les réponses apportées pour calmer la colère ne soient pas les bonnes. Dans un éditorial publié dans The Times of India, Swagato Ganguly avertit ainsi du danger d’un retour du puritanisme par le biais législatif. Rappelant que personne ne devrait contraindre une femme à avoir des relations non consenties, Ganguly explique qu’empêcher les femmes de s’habiller de façon sexy ou supposément provocante n’est pas la solution aux problèmes des viols. Interdire la minijupe comme certains le réclament aujourd’hui en Inde, constituerait, il est vrai, un incroyable non-sens.
Observée par le monde, l’Inde, pays de paradoxes où plusieurs femmes présidèrent jadis aux destinées nationales, sait qu’elle devra prendre des mesures tant le pays propose un bilan catastrophique en matière de protection des femmes. En juillet 2012, une journaliste du Guardian proposait ainsi un bilan non exhaustif des violences faites aux femmes rapportées dans la presse nationale. Son rapport fait froid dans le dos : « Un coup d’œil aux médias nationaux révèle toute l’étendue des sévices quotidiennement subis par les femmes indiennes. Aujourd’hui, il a ainsi été rapporté qu’une femme avait été dénudée puis eu la tête rasée par des villageois près de Udaipur en guise de punition pour une liaison extra-conjugale. Les villageois ont lapidé la police quand les forces de l’ordre sont venues à sa rescousse. Dans l’Uttar Pradesh, une femme dit avoir subi un viol dans un poste de police. Mercredi dernier, un homme a été arrêté à Indore pour avoir emprisonné les organes génitaux de sa femme derrière une ceinture de chasteté. Avant de se rendre au travail chaque jour, celui-ci fermait un verrou et conservait ensuite la clef sous ses chaussettes. Plus tôt ce mois-ci, des enfants ont été découverts près de Bhopal jouant avec un foetus féminin qu’ils avaient pris pour une poupée dans une poubelle. Dans l’Etat méridional du Karnataka, un dentiste a été arrêté après que sa femme l’ait accusé de la forcer à boire son urine en raison de son absence de dot. Enfin, dans un village du Rajasthan, un père a décapité sa fille de vingt ans avec une épée, paradant dans le village avec la tête sanglante entre les mains. Il s’agissait d’un avertissement aux autres jeunes femmes tentées par la perspective de tomber amoureuses de jeunes hommes de castes inférieures ».
La revue de presse est macabre. Toutes les vingt minutes en moyenne, un viol est signalé aux autorités indiennes…