Ce moment de magie, cette douce et belle sensation, comme au début d’une histoire d’amour ; promesses d’infinies, odeur du papier neuf, cet instant où l’on ouvre un nouveau livre. Surtout ne rien savoir de l’auteur ni de l’histoire, perdre le contrôle, s’abandonner, faire l’amour avec lui. Espoirs déçus, souvent; révélation, coup de foudre; parfois. La vérité sur l’affaire Harry Quebert, aux éditions de Fallois.
Au départ il n’y avait qu’un téléphone, engin du diable, éternelles vibrations, et une attachée de presse qui me harcelait.
Ca s’appelle la Vérité sur l’Affaire Harry Quebert, c’est un jeune écrivain, 26 ans, il s’appelle Joël Dicker, il est suisse. Ce livre est extraordinaire, Franchement tu vas adorer. Vraiment.
– Oui oui promis je lis, avais-je répondu poliment, inquiet de tous ces superlatifs, vocabulaire angoissant utilisé par tous les attachés de presse de Paris pour vous «vendre» un roman.
Le livre s’était alors retrouvé près de mon lit dans une pile d’ouvrages tout juste sortis de l’imprimerie, nous étions fin août je crois, c’était le début de la fin de l’été, quand nos mains semblent encore avoir le goût du sel de la mer. Le livre était resté là quelques jours, abandonné, tel un inconnu qui pour quelques temps pouvait loger en mon appartement.
Puis un jour, je ne sais plus tellement comment et pourquoi, j’ai attrapé ce pavé, 664 pages. Je me suis dit « Mon Dieu, si c’est rasant je vais souffrir », puis je me suis lancé, frêle aventurier de l’extrême. Dès ce moment je n’ai plus refermé le roman, j’ai vécu hanté par ces personnages et par cette histoire. Celle de Marcus Goldman, jeune écrivain à succès aux prises avec la maladie des écrivains, la panne d’inspiration, dont la vie bascule subitement quand le corps de Nola, 15 ans, est retrouvé enterré dans le jardin de son ami et professeur, l’écrivain Harry Quebert. Marcus va dès lors tout faire pour prouver l’innocence de son ami accusé du meurtre de la jeune fille, trente ans plus tôt…
664 pages haletantes, dans lesquelles apparaissent les multiples visages de l’Amérique d’aujourd’hui. Cette Amérique qui peut en quelques secondes lyncher un homme, briser son existence (ce qui arrive à Harry Quebert), lui enlever tout mérite, gommer jusqu’à son identité, pour ensuite l’innocenter et lui rendre sa vie. Tant pis si celle-ci est à jamais, et si injustement, tachée du sceau de l’infamie.
Ainsi la force de l’histoire réside dans le combat acharné de Marcus Goldman, lui-même écrivain, pour prouver l’innocence de son ami. Une belle leçon de courage dans un monde empreint de lâcheté, si les moutons vont tous dans le même sens, on peut décider, oui décider, de se battre pour faire éclater la vérité. De ce fait Marcus Goldman n’abandonnera jamais son enquête entre Aurora dans le New Hampshire, lieu du crime, au coeur d’une Amérique profonde encore ancrée dans ses préjugés et dans un certain archaïsme et le shining New York pro Obama du milieu de l’édition, mais pas moins dénoué de complexité.
La vérité sur l’affaire Harry Quebert est un page turner à la française, mais aussi une merveille à multiples tiroirs, sorte d’armoire magique menant dans un monde à part, obsédant et terriblement réel, celui de l’amour impossible, entre Harry Quebert et Nola Kellergan (15 ans).
Passionnante méditation aussi sur le succès et la célébrité, et réflexion (à la manière de celle de Boris Cyrulnik) sur ces gens « qui meurent de ne pas dire », sur les non dits et le mensonge, cancers absolus qui font tant de mal et qui gangrènent la ville d’Aurora.
Enfin la vérité sur l’affaire Harry Quebert est un roman sur l’écriture. Joël Dicker, sous la plume du narrateur Marcus Goldman, s’interroge tout au long du livre, disséminant ça et là les conseils de son mentor fictionnel Harry Quebert. Petites phrases sibyllines formant ensemble un petit manuel du jeune écrivain avec par exemple celle-ci:
« J’aimerais vous apprendre l’écriture, Marcus, non pas pour que vous sachiez écrire, mais pour que vous deveniez écrivain. Parce qu’écrire des livres ce n’est pas rien : tout le monde sait écrire, mais tout le monde n’est pas écrivain.
-Et comment sait-on que l’on est écrivain, Harry?
-Personne ne sait qu’il est écrivain. Ce sont les autres qui le lui disent. »
Alors disons le tout net : Joël Dicker est un écrivain, un grand écrivain. Je le sais, j’en ai l’intime conviction. Il y a d’ailleurs un signe qui ne trompe pas, un moment de vérité, je l’ai vécu en refermant le livre; car à cet instant précis ne subsistait en moi que l’émotion, ces petits picotements au bout de mes doigts, tremblant un peu, et les mots qui commençaient à me manquer. Ne plus parler, ne plus réfléchir ; et s’arrêter là pour ne pas faire en trop, pour ne pas faire peur à Joël Dicker, pour qu’il continue à écrire, qu’il ne soit pas abîmé par la célébrité naissante (il vient d’obtenir le grand prix du roman de l’Académie française), et qu’il continue à écrire encore et encore afin de donner naissance à d’autres grands livres, même si cela est douloureux, avec la certitude chevillée au coeur que la vie ne vaut d’être vécue sans écriture.
« Harry, comment être sûr d’avoir toujours la force d’écrire des livres?
Parce que c’est en vous. Un peu comme une maladie, car la maladie des écrivains, Marcus, ce n’est pas de ne plus pouvoir écrire mais d’être incapable de s’en empêcher ». (extrait de la Vérité sur l’Affaire Quebert)
voila 2 jours que je me suis procuree le livre, je ne dors plus…ce livre vous prend par les trippes! Incroyable ce bouquin: tout y est : de la question de la liberte, a la morale et l’ethique, de la place de l’argent, les relations humaines et les contrats sociaux…franchement, ce mec il nous bluffe…et cette Amerique profonde larguee dans son systeme judiciaire unique au monde, qui ne fonctionne qu’aux rythme des medias …tout est bien vu, analyse decortique…je vis aux USA et je peux vous dire que cet ecrivain a l’oeil, pas seulement la plume et la finesse !! a 28 ans, ecrire un chef d’oeuvre pareil, c’est le coup du genie qui n’apparait 1 fois tous les 30 ans! Les suisses n’ont franchement rien capte tant pis pour eux! Vivement le prochain Mr Jo! Je suis mordue…En plus, il est franchement beau garcon …comment il fait??? 🙂
C’est exactement ça, Valentin. Rien de mieux à dire. Tu résumes parfaitement mes sensations de lecteur à propos de ce livre.
Ça fait du bien de se plonger dans un bouquin comme ça. Et on sent que l’écrivain a pris du plaisir à l’écrire. Bonheur.
On en parle ici aussi : http://magpresse.blogspot.com
C’est avec intérêt que je viens de lire vos louanges sur le livre de Joël Dicker. Cela me réjouit car il faut savoir que le petit monde culturel suisse n’est pas tellement enthousiaste. On trouve beaucoup de chroniqueurs patentés qui, tout en admettant que le livre est bien construit, structuré, lui reproche de n’être pas assez littéraire au plan du style. J’ai toujours pensé que le style, c’est d’accrocher le lecteur et qu’il dépend finalement du message que l’on veut faire passer. Et si ça marche auprès des lecteurs, c’est que le style choisi est adéquat.
Et puis sachez qu’en Suisse, on déteste les têtes qui dépassent dans tous les milieux. Cela explique que Joël Dicker suscite quelques commentaires proches de la jalousie.