Entendu, que l’État n’a pas à être un pionnier en matière de mœurs ; qu’il doit se contenter d’écouter « les revendications fortes dans la société française » ; et qu’il doit s’aligner sur les demandes de la population plutôt que d’avoir l’arrogance de rechercher le progrès social ;
Entendu aussi, que la France n’est pas le pays des droits de l’homme ; que la France n’est pas la nation des révolutions idéalistes ; que la France n’est pas l’héritière d’écrivains et de philosophes comme Voltaire, Rousseau ou Hugo ; que la France n’est pas non plus le domicile d’associations comme la LDH ou MSF ; et qu’elle n’a donc pas à s’intéresser aussi vite à une question aussi peu importante ; après tout, d’autres s’en chargeront sûrement plus tard ;
Entendu alors que, puisqu’il ne s’agissait pas là d’une « revendication forte dans la société française », l’abolition de la peine de mort par Mitterrand et Badinter en 1981 relève de la fumisterie ; ces hommes, plutôt que de défendre leurs nobles idéaux, auraient dû écouter leurs électeurs ;
Entendu que la construction européenne, puisqu’elle n’a pas été désirée par les peuples, était (et est toujours) une erreur magistrale ; que Jean Monnet et ses pairs n’auraient jamais dû instaurer un climat de paix en Europe ; et que l’Europe se porterait bien mieux si elle ne s’était pas réconciliée et rebâtie ;
Entendu, rappelons-le, que la priorité de Manuel Valls est bien l’intégration des étrangers ; parce qu’il y a un évident problème d’intégration des étrangers en France ; et que ce problème ne concerne absolument pas la deuxième génération qui est, elle, française ;
Entendu, cela va sans dire, qu’accorder le droit de vote aux étrangers aux élections locales irait à l’encontre de cet objectif d’intégration ; que leur permettre de voter les condamnerait inexorablement à être des parias sociaux, des recalés de la France ;
Entendu donc, que Manuel Valls a raison de nous dire que ce droit ne serait pas un « élément puissant d’intégration », et qu’il faut par conséquent chercher d’autres « éléments puissants d’intégration », si possible très puissants, très intégrants et très élémentaires ;
Entendu, si quelqu’un en doutait, que la cote de popularité de Manuel Valls suffit à lui donner raison ; et qu’il n’y a aucune raison de s’inquiéter de dérives populistes ou égomaniaques liées à ces enquêtes d’opinion ;
Entendu enfin, que Manuel Valls ne fait là que suivre la ligne de son gouvernement ; qu’il ne se contente que de répéter l’engagement pris par Hollande à ce sujet ; qu’il ne se risque pas, en tant que simple ministre, à contredire une promesse de campagne de son président (le contraire serait ridicule !) ;
Entendu tout cela, il apparaît évident que les critiques à l’égard de Manuel Valls sont injustifiées ; et que son exemplarité et son courage méritent d’être loués et même applaudis.
Je vais en profiter pour mettre les choses au point et en même temps faire le point sur un point de vue que je ne partage qu’avec flou. Je ne suis pas certain que le vocabulaire laisse quiconque lui hacher le corpus et en bourrer une série de vessies catégorielles. À ce compte-là, il faudrait que l’on range Ésope, l’auteur anonyme du Roman de Renart, La Fontaine, et pour quoi pas Chagall ou Topor dans la catégorie «FASCISTE» au seul motif qu’ils auraient recouru à des métaphores animalières. Bien des fois, les animaux sont juste rigolos. Bien des fois, le Surmoi se gondole. J’ai lu Freud, je sais qu’un chien courant après un train une pipe entre les crocs s’il ne représente pas qu’un chien courant après un train une pipe entre les crocs n’est pas nécessairement le produit onirique d’un fasciste gay. Les mots n’appartiennent pas à ceux qui les prononcent. Il n’y a que les intentions qui permettent de compter momentanément un mouvement de l’âme au nombre des ceci ou des cela. Or les intentions sont en immersion. Il est donc assez naturel que l’on veuille les retrouver là où elles ont refait surface. Et c’est là qu’il faut prendre garde à ne pas tomber dans le travers du voyeur de travers, à ne pas réduire en l’occurrence le réducteur ontologique à une entité lisible. En outre, je vous défie de supprimer de votre vocabulaire tous les signifiants que vous aurez biffés dans l’œuvre littéraire d’Alfred Rosenberg. Et vous conjure par la même occasion de ne pas laisser Marine Le Pen vous priver de chaque mot qu’elle vous dérobera. Je ne dis pas qu’il faille pour autant négliger le venin que peut à l’occasion contenir une tournure de phrase ou l’usage référencé d’un mot sciemment renfoncé. Ainsi de l’adjectif «anti-Blanc», dont il serait dangereux de pratiquer l’extraction d’un coffre où l’on a pu entasser de l’anti-Jaune sur de l’antisémite et recouvrir le tout d’anti-Establishment, celui d’un anti-universalisme universel, propre à l’hominité en somme, et chez ceux que l’on somme à se soumettre au Même, au rejet de soi. La convocation du fait anti-Blanc n’est acceptable que dès l’instant où il vient réfuter l’idée inductivement raciste que le racisme ne serait qu’anti-Noir, et ainsi renforcer le sentiment d’une humanité une. Le racisme est un phénomène de dédoublement propre à l’Homo demens fondé à repousser une bonne partie de la nature qui lui colle à la peau, il peut survenir en l’espèce dans l’homme de n’importe quelle ethnie. L’anti-Blanc ne serait ainsi qu’un frère jumeau de l’anti-Noir et sa mise en exergue précéderait sa mise en abyme, sa spécificité son caractère générique. Mais alors, ce ne serait pas le mot en soi mais bien la référence qu’il faudrait situer après en avoir détecté la figure géométrique spécifique du langage adoptif. Et même arrivé là, il serait judicieux de continuer à se méfier de soi-même. S’il peut y avoir une idéologie sous un discours, cette idéologie se tient le plus souvent debout en train de danser derrière les lettres et non recroquevillée dedans. Quand un fasciste vous dit : «Je vous aime», ce ne sont pas les mots qui sont en cause, mais le fait que ces derniers en masquent d’autres, l’antifasciste n’étant plus simplement convié à se contenter de retracer la documentation du bonimenteur, mais contraint de s’atteler à trouver des moyens efficaces à même de faire sortir de son cocon la Bête immonde.
J’aimerais moi aussi revivre dans le 20e de Pierre Barouh. Avec le vendeur arabe de mixeurs Moulinex perché sur sa dune de cageots qui vous quichottisait une foule en moins de deux. Ça enchante le bitume. Ça remet du haillon et du graillon dans l’asepsie de l’entonnoir social. L’achète-le-moi offre le choix entre un moi-j’en-veux-un et un moi-j’en-veux-pas là où l’absence de dialogue laisserait l’à-moi! strident s’intérioriser depuis l’extérieur au lieu de s’extérioriser depuis l’intérieur. Le marché de Belleville, guitare sur l’épaule, sans house! provenance aléatoire, destination superflue, barbe d’un jour, sous-vêtements de la veille, cheveux collants, et sourire… odeur de clope au bec, pas la mienne! J’aimerais rebâtir ce monde qui n’existait pas, repartir au zéro qui me pointait du doigt, repasser sur ma chemise comme au grand soir de la mer des Joncs, rêver éveiller à la révolution sauvage. La sauvagerie n’est pas mauvaise. Bon, elle n’est pas bonne non plus, sauf à tout faire foirer dès lors qu’elle n’emplit plus que l’outre d’un tityran renâclant à offrir ses services à quiconque dans les rets du refus de servir Rotyran. Aussi, l’idée d’une diversité vouée au bien par nature affleure l’idéal Banania. «Y’a bon l’étranger!» se masse le ventre le colon cannibale. Mais est-ce que le migrant partage son naufrage avec le borgne qui lorgne sur la plage son bagage de charogne? Dix naufragés, dix individualités, dix destins à forger, peut-être même à forcer, dix histoires, dix mémoires, dix foutoirs. On aimerait tant que tout cela ne rime à rien. La désidentification humaniste peut confiner à la déshumanisation. Où l’universalisme se mord la queue à nier l’universalité du génie créateur. Or le principe de création induit à la formation et donc, à la matérialisation d’une unité, d’un effet devenu cause, d’un être devenu chose suite à son extraction de l’océan informel du néant. L’existant poursuit son combat contre la mécanique totalitaire de fusion de l’étant dans la cuve d’un altruisme réduit à son truisme le plus déréaliste. Car s’il est évident qu’un grand chose au même titre qu’un petit ne vivra pas une vie hors-monde, il n’est pas aberrant que l’autrui d’un autrui repousse l’homologie dès l’instant où l’effacement du différentiel qui le fonde est censé entraîner sa disparition pure et simple de l’espace-temps. L’altérité implique la réciprocité. La chaise vide d’un Eastwood, loin de m’anéantir, me rappelle que mon adhésion à Obama n’étaie pas une ferveur brute de soviet, mais bel et bien le bien d’un État distinct de mon état. Sur ces questions de soubassement, où en sommes-nous, nous la gauche pimprenelle, qui n’avons rien à envier à la droite nicolasse en terme d’évitement de l’opposition qu’on nous manifeste, et quand je dis «on», j’entends par là «autrui», à savoir, «moi»? Au pile-poil de la doxa intellicide, j’oppose le pilpoul de l’intelligence paradoxale. Le dénominateur universel, je le trouve par induction, par recoupement des indices liés au crime de scène. Encourager par des applaudissements la multitude aveugle à tituber torse bombé vers une fosse d’orchestre serait tout aussi brutal que d’imposer le port de l’uniforme à la pluralité des singularités. Cela reviendrait à pousser l’entièreté de la faune dans un enclos unique. Boucherie assurée. Je ne vois qu’un seul moyen d’aboutir à une polyphonie contemporaine capable de souffrir la dissonance, et c’est l’embranchement simultané à un tronc culturel, de la nature que l’on voudra, mais suffisamment intelligible pour que l’infinité de directions procédant de son rayonnement n’empêche pas les êtres les plus distants de ce canon civilisationnel de se rattacher à lui, au premier vis-à-vis. Refuser par principe de s’interroger sur la faculté d’embranchement du ressortissant d’un pays où l’on pratique l’autodafé en signe de protestation relève d’une méconnaissance profonde de l’art de la guerre souterraine. La propagande fascislamiste manie les modes modernes de communication avec maestria, – cette donnée ne peut pas être occultée sinon par des complices volontaires ou involontaires du Jihâd, – les revendications d’une partie de la population placée sous l’influence de son ciel en trompe-l’œil ouvriront dans la porte ultrablindée de la DUDH une brèche aux fous d’Allah par laquelle s’immisceront leurs poignards vers le contrat social tubard du peuple sans-culotte. Être ou ne pas être élu, telle sera la question du perdant d’avance qui aura rechigné à lécher les parties de son électorat issues de divers groupes ethnolinguistiques frappés de surdité cacophonique, emmurement orwellien idéal pour opérer sur eux un bourrage de crâne sur mesure effectué depuis leurs pays natals et offrant l’avantage du véhicule de la langue maternelle se déplaçant à la vitesse du son. Ignorer un tel paramètre de notre globalisation ne me semble pas des plus malin. Et en même temps, si nous nous montrons incapables d’exporter nos valeurs auprès des étrangers de l’intérieur, comment pouvons-nous espérer nous battre efficacement aux côtés des antifascistes syriens ou nord-coréens? Loin de se braquer face à l’autre bord d’une crevasse que l’on a vu sa femme et ses enfants atteindre avant que le pont de cordes inca n’ait cédé sous leur poids, il y a une troisième voie située à équidistance de l’attraction du vide et de la crise de tétanie au bord de la falaise : construire un autre pont.
Il convient de doter d’un tronc l’arbre social du nouveau type. Un tronc que l’on pourvoira de nouveaux modes d’embranchement compatibles avec le processus structurel de développement de ses formes de vie collective. À l’ère de la transplantation d’organe, il est peut-être temps de saisir les notions de compatibilité ou de rejet consubstantielles du principe de viabilité. Or à la différence des tissus cellulaires pris dans leur acception physique, les organisations psychiques sont des métamorphes, et les phénomènes d’incompatibilité peuvent s’y résoudre par quelque accident de la conscience que l’on pourrait apparenter à la transmutation nucléaire. Quel serait alors le psychoréacteur qui se substituerait à la chaîne de désintégration naturelle d’un élément de la psyché au bout de laquelle s’opérerait la modification du nombre de psychomasse et du numéro psychoatomique d’un psychoïsotope? Il nous faut pour ce faire poser d’une part un accélérateur, de l’autre un mur, et les faire avancer l’un vers l’autre, l’immobilité du second étant toute relative. L’accélérateur de psychoparticules, parallèlement au fait qu’il leur fournit l’énergie qui les mène au Minibig Psychobang, forge chez elles un caractère de personnage. Ce fictionalisme est dû au fait que le problème s’est posé à l’envers dans l’esprit passe-muraille. En fait, ce n’est pas l’accélération qui crée la pulvérisation des blocs identitaires, c’est le mur existatique s’interposant entre l’être tel qu’il est et l’être tel qu’il devient au contact d’autrui qui va décider de transformer une sensation de vitesse passive en sensation de vitesse active. Donnez au globe terrestre un coup de frein à main, et vous tomberez de votre chaise, votre chaise de votre appartement, votre appartement de votre immeuble, votre immeuble de votre bout de terrain, votre bout de terrain de votre terre, votre terre de votre Terre, votre Terre de votre système solaire. Une bouille informatique victime d’un coup de globe se désintègre immédiatement sous le choc sidérant, j’allais dire sidéral de cet obstacle qu’elle a vu rouler dans une orbite qu’elle avait crue conçue pour elle et elle seule. Je m’expose à la force centrifuge de la révolution désinformatique. Ce n’est plus seulement avec Taubira que Valls doit former un Zivoug, mais avec Peillon, avec Filippetti ou étrangement, avec la seconde moitié de Benguigui sur laquelle repose dans une large mesure l’entente hexagonale. Si la francophonie mérite qu’on la défende partout dans le monde, comment ne pas y œuvrer jusque dans nos rues? Le droit de vote aux étrangers ne donnera pas l’occasion aux émules d’Ayman Al-Zaouahiri de tester la laïcité à la française, c’est à la libre pensée des démocraties modernes qu’il permettra de prendre son propre pouls. Le mur des civilisations se rapproche à vue d’œil. Chacune représente le seul mur pour les autres et fait d’elles autant d’accélérateurs mutationnaires. Mohammed est surveillant à la MJC, euh… qu’est-ce que t’es en train d’faire, là… sa femme n’a jamais porté le tchador de toute sa vie, ce n’est pas une jeune fille, c’est une femme, une mère de famille d’une quarantaine d’années, une Française, une républicaine, une démocrate, une laïque, c’est votre ancienne camarade de classe, on avait dit qu’on n’irait pas sur ce terrain, tu t’rappelles? au bout de quelques semaines de harcèlement, ledit sourire kabyle glisse d’une oreille à l’autre, la femme de Mohammed n’a pas choisi de vivre comme une nonne depuis trois ans, un gardien du néant l’a fait pour elle, bon, tu vas la fermer ou quoi? si vous la croisez aujourd’hui, ne vous faites pas d’idées fausses sur la République voilée. Mais croyez-moi, la ferme!!! il suffira d’un redressement international des acquis du XXe de Pierre Barouh, et le mur changera de bord. Le mur tient debout du fait des pierres qui le composent. Une pierre comme Charles Baudelaire ne prend pas place ici par inattention ni par caprice. Une Simone de Beauvoir aura dû se creuser un passage bien trop immesurable vers son emplacement pour s’y laisser couvrir la langue à la truelle. Si vous vous mettez en tête de barrer la route à son accélérateur, c’est l’inverse qui se produira. Votre mur se verra propulser à proportion de l’élargissement instantané de son bolide crissant, et Beauvoir, soudainement à l’arrêt, vous pulvérisera. Mais permettez, mon cher saumon fumeux, que je vous tienne encore un peu… L’avenir n’appartient pas à ceux qui remontent le Styx à contre-courant. Il faut se jeter comme un chat dans l’avide. La vie de son prochain donnant un aperçu de sa prochaine vie, ne pas hésiter à créer autour de soi les conditions violentes d’une suite de renaissances. Voulez-vous vraiment vivre? C’est à moi que vous parlez? Il n’y a que nous deux. Est-ce que je veux vivre, moi? Plutôt sept fois qu’une!