Hier, dimanche 22 juillet, avait lieu la commémoration officielle de la rafle du Vélodrome d’Hiver (dit aussi Vél’ d’Hiv) des 16 et 17 juillet 1942. Juste, le président de la République, François Hollande, a déclaré que cet événement était un « crime commis en France par la France ». Il en a profité pour rendre hommage à son prédécesseur, Jacques Chirac, qui avait reconnu officiellement la responsabilité de l’État français avec « lucidité et courage » le 16 juillet 1995. Le président Chirac avait déclaré à l’époque : « Ces heures noires souillent à jamais notre histoire et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français. (…) La France, patrie des Lumières et des droits de l’homme, terre d’accueil et d’asile, la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable ».
Pour rappel, les 16 et 17 juillet 1942, 13 152 juifs de Paris et sa banlieue furent arrêtés et parqués, pour la plupart d’entre eux, dans le stade du Vélodrome d’Hiver. Ils furent ensuite envoyés vers les camps de la mort nazis. C’est la police et la gendarmerie française, et non pas les forces nazies, qui se sont chargées de cette arrestation massive. En 1993, le président François Mitterrand avait institué, le 16 juillet, une journée de commémoration nationale à la mémoire de la rafle. Mais l’ancien président socialiste s’était toujours refusé à reconnaître la responsabilité de l’État français.
Étrangement, le discours de François Hollande a suscité des critiques de la part de personnalités politiques. Le député UMP Henri Guaino a déclaré sur RMC et BFM TV, « Ce qu’a dit M. Hollande (…) hier, personnellement, me scandalise, pour une raison très simple : ma France, elle n’était pas à Vichy, elle était à Londres depuis le 18 juin. Il n’a pas parlé au nom de la France que j’aime ». De son côté, le sénateur Jean-Pierre Chevènement a écrit sur son blog : « Les crimes commis par les policiers et les gendarmes français, lors de la rafle du Vel d’Hiv, l’ont été sur l’ordre de l’État français de Vichy collaborant avec l’Allemagne nazie. », « C’est faire comme si Pétain était la France et comme si le véritable coup d’État opéré le 10 juillet 1940 par un gouvernement de capitulation n’avait pas existé ».
Drôle de « polémique », lorsque l’on sait que François Hollande a également précisé pendant son discours, que la rafle « fut aussi un crime contre la France, une trahison de ses valeurs. Ces mêmes valeurs que la Résistance, la France libre, les Justes surent incarner dans l’honneur. » Heureusement, certains n’ont pas hésité à saluer le discours du chef de l’État. Corinne Lepage, présidente du mouvement Cap 21, a déclaré sur twitter : « Très beau discours particulièrement important en ces temps de dérives antisémites banalisées par certains ». Également sur twitter, la ministre déléguée aux Personnes âgées, Michèle Delaunay, a écrit : « Râfle du Vel d’hiv. La vérité ne divise jamais, elle rassemble. »
Commémorant les 70 ans de la rafle, François Hollande a salué le « courage » de Jacques Chirac qui fut le premier Président à reconnaître la responsabilité de l’Etat français tout en reconnaissant à son tour, dimanche 22 juillet, que l’arrestation de milliers de juifs lors de la rafle du Vél d’hiv, en juillet 1942, était un « crime commis en France, par la France « .
A noter au passage l’absence de distinction dans le discours de Hollande entre l’Etat français et la France (1).
Avec cette déclaration, François Hollande s’inscrit manifestement dans la continuité, pas tant dans celle d’un Jacques Chirac – Oui, l’Etat français est bel et bien responsable de la rafle du Vel d’Hiv qui enverra à la déportation 13 152 Juifs ! – que dans celle qui veut que l’on passe à cette occasion systématiquement sous silence le fait que dans une France sous occupation allemande, près de 85% des Juifs (français ou non), ont été « sauvés ».
Un François Hollande dupe et dont « … on ne sait si on doit déplorer une ignorance historique et méthodologique d’un homme qui, comme Sarkozy à Dakar, ne sait ni utiliser ni hiérarchiser les concepts historiques, juridiques et constitutionnels ; symptôme de ces « élites » incapables de défendre leur propre honneur de Français et alors qu’ils occupent la plus haute fonction qui soit. »
Un François Hollande qui, semaine après semaine, s’avère n’être qu’un Président de plus ; et d’aucuns ajouteront, un Président pour si peu, voire pour rien… un Président… que c’est pas la peine comme aurait dit l’autre… cet autre qui sans enthousiasme l’aura élu dans le but avoué de se débarrasser d’un autre Président qui lui… n’avait tout simplement pas idée.
Cette absence d’enthousiasme se confirme donc… Hollande ne sera ni Gambetta, ni Jaurès, ni Mendès France ni de Gaulle… il n’a et ne se fait manifestement aucune idée de la France, de toutes les France, du feu sous la cendre et de ce qui couve – attentes, déceptions, rancœurs, colères ; aussi, risque-t-il à la longue et à la fin des fins de n’être que le Président du 10 de la rue de Solferino ; Président d’un PS âpre à la conservation d’acquis politiques et d’un pouvoir sans vision ni talent ni clairvoyance. Pour s’en convaincre, il suffit de scruter le gouvernement de son Premier ministre.
Le pouvoir ne se possède pas, il s’exerce. Hollande s’y refuserait-il ?
Etait-ce là le prix à payer pour un soutien sans faille des médias et des ténors du PS, son aile droite, à la présidentielle, tous unis comme un seul homme derrière un François Hollande qui, sur la photo officielle, soit dit en passant, a déjà l’air d’un pharmacien (ou d’un notaire) de province aux ordres ?
Un Hollande Président à la Obama ? Un Obama qui n’a eu de cesse depuis cinq ans de rembourser le crédit – crédit d’estime et financier -, qui lui a été généreusement accordé et sans lequel sa victoire à la Maison Blanche eut été impossible ?
L’avenir nous le dira… même si les nominations du Président Hollande ont déjà commencé de nous parler.
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Qu’à cela ne tienne !
Il est assurément grand temps que nos Présidents se détachent de ceux qui n’ont semble-t-il qu’un objectif en tête : trainer la France dans la boue de l’antisémitisme sans espoir pour elle d’en sortir… jusqu’à réduire son Histoire à l’affaire Dreyfus et à cette rafle du Vél’d’Hiv…
Et que nous tous veillons à ce que l’accusation d’antisémitisme (et de racisme) ne devienne, pareilles aux incantations patriotiques et nationalistes, le refuge des crapules et des salauds.
La révision de la Constitution donnant au maréchal Philippe Pétain les pleins pouvoirs constituants, votée par une Assemblée nationale dont la Chambre des députés se trouvait partiellement issue des législatives de 1936, le Sénat pas si réticent que ça si «en toute chose», foi de Bouc émissaire, «il faut considérer la fin», cette représentation tout de même assez complète du peuple malgré l’absence des parlementaires du Massilia ou celle des députés communistes ayant opté plus tôt pour un pacte germano-soviétique dont vous m’accorderez que l’exclusion qu’elle leur vaudra ne fut pas tout à fait anticonstitutionnelle et ne parvient pas davantage à sauver la face de ce Komintern de Front populaire, tout cela, monsieur le sénateur Chevènement, cette majorité large et son invitation au naufrage, est-ce bien ce que vous qualifiez de coup d’État?
À monsieur le député Guaino, je souhaite dire que ma France est la vôtre, qu’elle se trouve dès le 17 juin à Londres avec la vôtre, et à présent que nous y sommes, cela suffit-il à faire de notre France la France de tous et toute la France? La France de la majorité d’entre nous, citoyens d’alors ou d’après, d’ailleurs, est-elle moins légitime que la vôtre ou la mienne? Mais faisons comme si un seul homme, puis quelques autres, pouvaient à eux seuls résumer une nation, et revenons-en à monsieur le sénateur. Le massacre de la Saint-Barthélémy ne reçut pas l’onction d’un vote démocratique. Faut-il en conclure qu’il n’entache pas la France?
Et puis, un renversement de régime se fait d’une manière ou d’une autre par un coup de force. L’érection en Assemblée constituante des États généraux pourrait tout aussi bien être qualifiée dans les manuels d’Histoire de «coup d’État du 17 juin 1789», ce qui ne ferait pas de la nation issue d’un tel événement un élevage hors-sol. Papon avait rencontré Sabatier, futur préfet de la Gironde avec lequel il s’illustra dans le zèle collaborationniste, en 1935, début de sa sinistre carrière dans l’administration, cette belle administration dont on nous vantait au cours de la dernière passation de pouvoir la solide et sécurisante continuité. Les gouvernements passent, l’administration reste. La France demeure, éternelle, nul besoin de renouer avec le principe de Kantorowicz, l’administration tient lieu de corps éternel du roi, sauf qu’ici, c’est le peuple qui est roi. Je me souviens à cet instant de la réaction de Simone Veil au moment du procès de l’Aryen, j’allais dire, le procès du rien, ce rien ambulant, ce néant qui eût été capable de toiser l’Être en personne. Elle s’inquiétait alors de ce que le procès de son (ancien voisin du conseil des ministres, – le sort de nombreux Juifs de l’après-guerre et la percée bruyante d’une génération qui n’avait pas connu la terreur absolue se résume parfaitement dans cette monstruosité), – n’empêchât à terme de faire le procès du régime assassin. J’en profite pour me poser une petite question : que sont devenus les cosignataires des arrêtés préfectoraux autorisant le fichage et les rafles et les déportations? car le départ des convois de la mort ne s’est pas produit à la seule gare Saint-Jean autant qu’il m’en souvienne… Que sont devenus tous les Sabatier, tous les Chapel, tous les Papon de France?
«P.-S.» : J’en oubliais le principal. Il y a deux catégories humaines ici-là. Celle qui sait voir que la «Solution finale au problème juif» est un crime sans équivalent dans l’Histoire de l’humanité ou celle qui ne veut pas le savoir. La première a une conscience. La seconde est restée coincée quelque part entre le cœur et le nombril de sa statue de glèbe. Le nouveau président de la République française appartient à la première catégorie. En ces heures sombres à repousser de notre avenir commun, c’est la meilleure nouvelle qui nous soit parvenue depuis longtemps.
Et puis aussi cela. De Gaulle a sauvé le cul à une France dont il savait qu’elle n’était pas apte à ce moment précis où elle s’était enfoncée si profondément dans sa face la plus sombre, à sauver son âme. Il lui a offert un mensonge. Celui de la France résistante. L’unité nationale prêchée par De Gaulle, dont la présence de Papon derrière lui au balcon du Capitole tout juste un mois après la libération de Paris traduit à elle seule le niveau d’isolement perpétuel auquel la France Libre fut dès alors réduite. Les salopards y virent leur intérêt. Ramper sous leur ennemi n°1 allait leur permettre d’échapper à la férule anglo-américaine et à l’humiliation d’une image de vaincus et d’horribles. Or la France était bel et bien vaincue, et par son action et par sa passion où activement ou passivement, elle venait bel et bien d’être horrible. Soixante-dix ans après. Les traumatisés de la Grande Guerre, ceux qui avaient accueilli avec soulagement l’armistice de Quarante, ne sont plus là pour menacer de rompre une paix gaullienne somptueusement intelligente, forte et néanmoins atrocement fragile, au premier pointement de nez du tribunal de l’Histoire. Un chef d’État français dit enfin une vérité dont ceux que le mensonge a bafoués et trahis ont la plupart d’entre eux attendu beaucoup trop longtemps pour avoir pu en entendre la lettre, celle d’une douleur dont on sait l’importance que revêt sa formulation dans un processus de résilience. Le scandale aujourd’hui est de voir le scandale quand la scansion des plaintes des martyrs nous indique la seule marche à suivre.
C’est fou comme on éprouve bien moins de mal à s’approprier des hauts faits qui finalement, n’appartiennent, eux aussi, qu’à leurs auteurs.
La France n’est pas un, mais une succession d’êtres humains, plus ou moins francs-tireurs de leurs enseignements.
«Mon arrière-grand-père était un assassin. Mon grand-père était un saint. Cela ne fait de moi ni un saint ni un assassin, jusqu’à preuve du contraire. (Clovis XLV)»
Le gaullisme nous rappelle que la France est la meilleure raison de se battre, et que le nationalisme est la pire façon de défendre la nation. Le dépassement de l’État-nation n’en est pas la négation. Il n’implique pas davantage l’immobilisme de son identité souveraine. Sa souveraineté demeure, sa structure biologique se développe. Elle évolue tout le temps, elle peut muter à tout instant. Cela, sans qu’on s’y attende. Mais jamais sans raison. Et la raison fixe l’horizon. Elle projette la cause dans les faits. Et en effet, rien ne se fait sans elle.