Ainsi, toute la vie de notre société, dans laquelle règnent les conditions modernes du spectacle ,s’annonce comme une immense accumulation de zappings. C’était vrai dans le domaine culturel (Paulo Coelho remplacé par Marc Lévy, Marc Lévy remplacé par Guillaume Musso), puis dans ce domaine pseudo-culturel s’étendant de Yann Arthus-Bertrand à Christophe Maé (où chaque tube est instantanément oublié, puis ressorti trois ans plus tard sous forme de « culte »), c’est donc vrai désormais dans le domaine politique et les élections législatives qui viennent de se dérouler en sont la preuve.

La star-académisation de la France est en marche. Désormais, dans une même tension axiologique, qui subsume des critères éthiques et des pulsions affectives, par un même geste, et indifféremment à toute différence de niveaux entre les champs de l’action, vous et moi pouvons choisir entre Jennifer et Laëticia (qui, en fait, est strip-teaseuse ou la fille cachée de Line Renaud) dans Secret Story, et voter pour ou contre Ségolène Royal. Personnellement, j’attends le jour, prochain assurément, où nous supprimerons ce fastidieux exercice du bureau de vote et où nous élirons notre Palais Bourbon par SMS.

Ce dimanche, dans Politic Academy, se jouait le destin de l’exaspérante Ségolène (une people de la politique : plus de légitimité, mais connue donc indispensable), du vilain Claude, de la jeune Marion (à l’histoire familiale difficile), du vieux Jack. On devait choisir qui quitterait l’aventure entre la gentille Marie-Arlette, la pimpante Aurélie, l’ennuyeux François, la tunisienne Michèle, bref, tous nos pensionnaires de cette case de dix minutes environ, vers 19h20 et 19h30 ? entre Arianne Massenet et Mouloud Achour que le Grand Journal, soucieux de la chose publique, réserve à la politique. On ne sait pas très bien, qui de Ségolène Royal ou Olivier Falorni est plus kantien que marxiste, écologiste que souverainiste, et à vrai dire on s’en fout pas mal. Dans l’épisode de cette semaine, Ségolène et Olivier sont les deux candidats nominés pour le prime de dimanche soir : pour battre Ségolène ,tapez 1, pour battre Olivier, tapez 2. D’où, de Guéant à Morano en passant par Lang et Bayrou, un étrange sentiment d’assister à une scène finale du Parrain, façon « grand nettoyage », mâtinée de Lipovestky, ce grand penseur de « l’ère du vide » et de la dictature de l’éphémère. Ségolène ? Morano ? Mélenchon ? Tellement has been… Zappons sur autre chose, Filipetti, Le Foll ou NKM.

Le Palais Bourbon est devenu la Ferme Célébrités. Nikos Aliagas a remplacé Alain Duhamel. On aura rarement, lors d’une campagne présidentielle, parlé aussi peu de projets et de politique : seulement des histoires, des duels, des battles, comme dirait l’autre. Olivier vs. Ségolène, Renaud vs. Marie-Arlette. C’était là tout l’enjeu de la normalité façon Hollande : rebâtir ce mur étanche entre la politique, la res publica, et les différents secteurs où gambadent des artistes sans talent et des stars sous CDD. Après les années Fouquet’s, place à Jean-Marc Ayrault, qui est à Silvio Berlusconi ce que Tchernobyl est à Ibiza.  On allait voir ce qu’on allait voir.

Un tweet et un mois de paresse médiatique plus tard, cette longue parenthèse sarkozyenne s’est réouverte, les digues sont rompues. D’ailleurs, vous n’en avez pas marre, vous, tout à coup de François Hollande ? Et si on votait pour le retour de Sarkozy, avant la pub ?