Raphaël Haddad, La victoire de la morale, la défaite de la compromission - La Règle du Jeu - Littérature, Philosophie, Politique, Arts

On a rarement l’occasion de voir en politique une démonstration aussi nette de la victoire de la morale et de l’échec de la compromission. Les résultats de cette élection législative ont donc la saveur toute particulière du bonheur, c’est-à-dire de l’éthique conjuguée à la réussite.

Dans un précédent papier publié en septembre 2010, « l’échec annoncé d’une détestable stratégie », j’avais tenté d’expliquer pourquoi la course aux voix du Front National était, à droite en général et pour Nicolas Sarkozy en particulier, une entreprise aussi détestable moralement que vaine électoralement.

La défaite de Nicolas Sarkozy à la Présidentielle a montré qu’à nager dans les eaux brunâtres de l’électorat frontiste, on ne faisait que répandre ses idées nauséabondes, sans convaincre suffisamment ceux qu’on allait chercher. Quoi qu’en dise Buisson, creuser vers l’extrême-droite, c’est creuser son tombeau politique.

Mais il est une chose de savoir que la compromission est perdante ; c’en est une autre de prouver que le courage est gagnant.

Réjouissons nous donc, car cette soirée de second tour de l’élection législative aura montré que l’autre option, celle du refus tout net des options du Front National est pour l’UMP signe de succès.

Hier soir, tous ceux qui ont voulu compter avec les voix des électeurs FN ont perdu. Hier soir, les rares qui ont publiquement proposé une autre voie que la compromission ont gagné. Guéant ou Morano ont choisi le déshonneur, ils ont eu la défaite. Nathalie Kosciusko-Morizet a choisi le courage du Front Anti-National et elle a gagné.

On perd toujours à reprendre à son compte les « cadrages » que le Front National nous propose. A Longjumeau, malgré les appels frontistes à voter socialiste pour faire battre NKM, cette dernière a été élue. A Toul, les appels du pied de Morano aux électeurs du FN avec qui elle disait, il y a quelques jours à peine, partager des « valeurs communes » se sont révélés aussi honteux qu’inutiles.

Ceci vaut pour la droite, car le bilan est éloquent, mais vaut aussi lorsque la Gauche ne prend pas ses responsabilités. Et la Gauche n’est pas à la hauteur du rendez-vous lorsque, malgré la demande claire de Martine Aubry, la candidate socialiste arrivée 3ème au premier tour à Carpentras choisit de se maintenir, permettant ainsi à Marion Maréchal-Le Pen d’entrer à l’Assemblée Nationale.

On dit, à tort, que le Front républicain a vécu, que le cordon sanitaire est une stratégie en échec face au Front National. Je ne souscris nullement à cela. La seule stratégie qui vaille contre le Front National reste la délégitimation de ses idées. Je crois que l’on peut sérieusement penser qu’un parti familial et qui défend la préférence nationale, la sortie de l’euro, le déremboursement de l’avortement, le rétablissement de la peine de mort, la promotion du climato-scepticisme est un parti qui n’est pas légitime dans la République. Si le Parti Socialiste et l’UMP s’étaient entendus pour un Front républicain face au FN, les 2 partis républicains auraient sans doute chacun compté un élu de plus à l’Assemblée Nationale (Ferrand pour l’UMP à Carpentras et Guyot pour le PS dans le Gard), et, surtout, le Front National ne serait pas de retour à l’Assemblée Nationale.

A bon entendeur, rendez-vous aux prochaines échéances électorales.

Un commentaire

  1. Et le gargant est…. Florian Philippot! Guéant et Morano, tous deux punis par l’électorat frontiste pour avoir honteusement cherché à l’enfumer. Ils ont menti, ouh les vilains! Ils ont traité avec mépris des électeurs qui ne se sont pas trompés sur la marchandise. «Tel est pris qui croyait prendre», disait l’huître bretonne au rat d’eau médusé. Telle fut la politique de feu Dalidarkozy, plus «laxiste» que celle de Jospin en matière d’immigration. «Encole des mots, toujouls des mots, les mêmes mots», se savourait elle-même en pleine campagne cette candidate, recalée par Katché. C’est exactement cela, j’ai presque honte à tomber d’accord avec lui, mais je dois dire que monsieur Philippot n’est pas véritablement contestable quand il distribue leurs cartes de membres aux hommes et femmes de son bord. Quand Sarko disait blanc, il faisait noir, – grand bien lui fut fait! Ce qu’il n’a jamais vu, c’est que le Parti socialiste n’allait pas se sacrifier jusqu’au bout du siècle dans le seul but d’étouffer la colère du petit peuple, – grand bien nous fasse! car finalement, nous ne sommes pas mécontents de voir la justice sociale revenir au premier rang des préoccupations de l’État. Mais ne nous y trompons pas! La xénophobie n’a pas baissé dimanche dernier, elle est montée de quelques crans là où Nicolas Sarkozy l’avait forcée à reculer, c’est-à-dire, chez le cake. Et aujourd’hui, Pierrot, Paulo, Jacquot peuvent aller se pendre à leurs vieilles lunes, ils ne surprendront plus personne d’un «Il est pas comme nous, le petit, mais faut reconnaître, y sait y faire», non. Ils nous rejoueront à l’épinette ou à l’accordéon (il y a toute une gamme de cakes dans la pâte desquels un pâtissier confirmé ou improvisé peut fourrer à peu près n’importe quoi) l’«Elle sait y faire, la petite, faut dire qu’elle est comme nous».
    La dédiabolisation du FN a joué son rôle dans la flambée législative. Quatre petits tours, et puis s’en reviennent. Dédiabolisés par des thèmes équivoques faits pour tromper sans se trahir, faits dans l’objectif de réitérer le hold-up de 2007 contre lequel, cette fois, une gauche, outragée du dehors comme du dedans, a trouvé la parade imparable, mais à quel prix? Au prix de la diabolisation de la droite, car en fait de morale, qui des uns ou des autres aura été jusqu’à larguer une Marion Maréchal-Le Pen sur l’Assemblée national)ist(e pour le plaisir de se faire un soi-disant ennemi? La politique ne fait pas dans le détail. Elle se délivre un permis de tuer, politiquement s’entend. C’est le jeu, mais s’agit-il toujours d’un jeu quand les tueurs engagés ne tirent plus à blanc? Dédiabolisée aussi par une bonne tranche des médias tombés sous le charme de sa transsexuation, Le Pen a pu s’avancer vers nous, la nation au sens démocratique du terme, telle une figure de proue fendant nos résistances. Brunehilde a fasciné, elle a réveillé le feu tellurique tapi dans l’herbe de la conversion aux universaux judéo-helléniques. Ça fait toujours cake chose de se trouver devant son ancêtre. Et là, téléporté sous Ouerkingetorix! Hélas, hélas, humour de l’humeur, et humeur de malheur. Le «tous pourris» de l’entre-deux-guerres, vous l’avez chez le nouveau Maurras et chez le nouvel Apache. Et quand l’un invite l’autre sur son plateau, ça fait péter l’audimat. Vous me direz, le quatrième pouvoir n’a pas vocation à nous représenter, mais n’est-il pas convié à nous présenter les faces qui prétendent nous représenter? Il se devrait alors de révéler la vraie nature de Guéant au frontiste. Il se devrait alors de révéler la vraie nature de Philippot à l’antifrontiste. Si Nadine Morano était une vraie fasciste, elle n’aurait pas été non seulement capable de souffrir la présence de celui qui incarna peut-être à lui seul tout ce que le sous-lieutenant Le Pen et sa troupe abhorrèrent dans le trop-humain, mais qui plus est, d’assurer cinq ans de suite la présidence de son fan club. Montrer le visage sous la grimace. Le biopic de Le Pen devrait être calé dans la régie mentale de tout journaliste qui se respecte. Cela suffirait à rendre répugnante la moindre tentative d’une fille de la Bonne Famille de baiser avec nous, la nation au sens baisable du terme. Une vie est une masse de preuves, et l’on doit «faire la politique par la preuve», disait une victime récente de la même politique.
    Aussi bizarre que cela puisse paraître à ceux auxquels la simple évocation d’une seule démesure de son programme suffirait à en rendre l’ensemble rédhibitoire, la marinade n’a pas versé dans la mâchoire déboîtée de Pandore en vue d’anéantir l’euro, la loi Veil, l’abolition de la peine de mort, les multiples théories sur le dérèglement climatique ou un droit du sol dont une bonne portion des ingrédients qui font prendre sa sauce bénéficie à coup sûr. Les deux sujets principaux pour lesquels ces enfants perdus de Georges Marchais font aujourd’hui encore, vingt-deux ans après l’effondrement du rêve rouge, le choix de l’affrontement national, sont 1 : l’absence de protectionnisme économique; 2 : la montée du communautarisme. Le premier flingue la justice sociale, le second déglingue la citoyenneté. Si l’Europe les protège, leur euroscepticisme s’évanouira aussi vite qu’un esprit frappeur se désagrège sous le stylet de Tertullien. La sarkozystique telle que nous l’avons connue ne fonctionnera plus pour avoir trop bien fonctionné. Son coup du parti en latex étirant le masque de Céline jusqu’à ce qu’il en épouse le visage de Blum pouvait tuer d’une seule balle une brochette d’adversaires piégés dans l’axe où un même paragraphe les plaçait, de façon purement et simplement arbitraire. Un fusil à un coup n’atteignant ses cibles qu’une fois, non pas qu’il manque de munitions, mais l’instinct de survie d’une proie augmente à proportion de la menace que fait planer sur elle la présence d’un grand aigle que des années d’évolution auront mené à un stade de quasi perfection en son genre. Le sarkozysme, lui, ne mourra pas en ce qu’il aura fait entrer la classe politique française dans le XXIe siècle, détachant au couteau les derniers résidus d’Ancien Régime à s’accrocher au fait-tout-va-tout de la nation en réconciliabullition. Il aura de surcroît redonné des couleurs à un parti monochromé par le mimétisme auquel le condamnait son obéissance filiale d’un autre temps où les garçons entraient dans l’âge adulte dans les pas de leur père. Le premier président de la République française qui ait eu les cheveux longs à vingt ans. À convier la diversité à la longue table et à la Table ronde. Sarkozy malgré lui, d’où la puissance d’une révolution d’autant plus désarmante qu’elle n’avait pas été armée, aura soixante-huitardisé l’édifice démocratique de haut en bas, j’allais dire du plus haut au plus bas. Mais pour l’heure, au lieu que d’interminablement rejeter sur d’autres que soi l’entièreté de la faute, peut-être pourrions-nous jouir d’un état de grâce où les partis républicains viendraient nous proposer leurs propres solutions pour combattre une bestiole immonde que guette le mal des sociétés de services, l’obésité. Il est impossible et sera donc impossible à quiconque de combattre le mal sans être amené soi-même à en-faire contre lui. Shimon Peres, forcé à invoquer la chute des Raisins de la colère au Sud-Liban suite aux tirs de missiles d’un mouvement chiite, armé par sa matrice, qui avait reçu d’elle des instructions comprenant le sabotage des Accords d’Oslo par des attaques aveugles sur la polulation dont le Prix Nobel venait d’être élu vitalement responsable, ressortit des combats qu’il avait ordonnés «les mains couvertes de sang», ce sont ses mots. Il ne s’expliquait pas sa situation sinon sous l’angle d’une malédiction. Le combat politique est une malédiction. À présent que le mal est fait, reste le bien.