L’écrivain algérien censuré dans son pays vient de remporter le prix littéraire Roman-News pour son roman « Rue Darwin ».

Un écrivain courageux. C’est sûrement ce qui peut le mieux définir l’écrivain algérien Boualem Sansal. Ingénieur de formation, éminent produit d’une Algérie otage de son passé, Sansal est ce qu’on appelle une figure émergente de l’Islam des Lumières, cette notion chère à Malek Chebel. L’auteur vient à l’écriture sur le tard et s’empare immédiatement de sujets aussi lourds que le terrorisme, l’impasse politique et la dérive de l’islam. Très critique envers les dirigeants algériens, Sansal, qui est censuré par le pouvoir d’Alger, marque incontestablement ceux qui le lisent. Et pourtant, en dépit de plusieurs prix littéraires glanés en France et en Allemagne, on ne connaît que trop peu son œuvre. Pour réparer cette injustice, le jury du prix Roman-News recompensant une œuvre de fiction française qui s’inspire de l’actualité et la traite comme un roman a décidé d’honorer Sansal. Pour Laurence Benaïm, directrice du magazine Stiletto et coorganisatrice du prix littéraire Roman-News, « en récompensant Boualem Sansal pour « Rue Darwin », le jury révèle l’émotion ressentie à la lecture d’un roman puissant, chronique de l’Algérie des années cinquante à nos jours, où l’Histoire et le destin d’une famille scellent leurs noces singulières, ici magistralement mises en scène par un œil plume. Boualem Sansal, qui a rencontré sa mère à l’âge de huit ans seulement, accomplit une œuvre de mémoire, dans laquelle chacun pourra retrouver une part de lui même, le « message indéchiffré et indéchiffrable » qu’il nomme la Vérité. ».
Ce prix arrive à point nommé pour un auteur qui subira très certainement, une fois encore, les conséquences de son courage… Nous l’avons dit plus haut, pour avoir décrit la réalité algérienne avec des mots justes, Sansal se trouve aujourd’hui censuré par le pouvoir d’Alger. Depuis 2006 ses livres – tous écrits en français – ont été interdits en Algérie. Certains férus de littérature se rappelleront sûrement qu’il a fait, voilà quelques années, en dépit du boycott de certains auteurs, le choix de participer au Salon du Livre de Paris l’année même où l’on y célébrait l’Etat d’Israël. Ainsi Sansal fronde et ne cache rien de son orientation de laïc convaincu dans un pays où il est souvent plus commode de faire profil bas lorsqu’on en vient à parler d’Islam. Libre penseur et apôtre du rapprochement des peuples, Boualem Sansal revient d’un voyage en Israël où il participait au festival international des écrivains de Jérusalem. Accompagné de ce monument de la littérature israélienne qu’est David Grossman, on rapporte qu’il y a enthousiasmé l’auditoire. Sansal est en passe de devenir crucial ; ce n’est que justice et voilà donc que le front des lumières s’internationalise. Il prouve que l’on peut tout à fait être algérien, célébrer la mémoire d’une grand-mère maquerelle, écrire en français et se rendre en Israël pour parler non pas de guerre, mais de paix !
Il faut se battre pour que Sansal puisse influencer et entraîner dans son sillage le flot de ceux qui n’osent pas encore prendre les mêmes risques que lui. La tache est ardue, elle sera longue, mais il se pourrait bien que Sansal et d’autres, par leurs mots, arrivent à poser les premiers jalons d’un monde nouveau.