Les autistes qui écrivent ne sont pas des fous littéraires. Ils ne croient pas comme ces derniers avoir fait une grande découverte. Ce sont des sujets à prendre au sérieux. Ils s’expriment pour faire savoir qu’ils sont des êtres intelligents, pour être traités avec plus de considération, et pour appeler à un respect de leurs inventions élaborées pour contenir l’angoisse. Souhaitent-ils qu’on interdise légalement leur écoute pour les soumettre, le plus souvent sans leur consentement, à des méthodes d’apprentissage ? Faut-il prendre le parti de les écouter ou celui de les contraindre ? Choisir de les écouter expose à se confronter à des opinions dérangeantes.

Une des autistes de haut niveau parmi les plus connues, Donna Williams, n’hésite pas, à l’égard du traitement de l’autisme, à s’engager fortement : « la meilleure approche », écrit-elle, ce serait «  celle qui ne sacrifierait pas l’individualité et la liberté de l’enfant à l’idée que se font de la respectabilité et de leurs propres valeurs les parents, les professeurs comme leurs conseillers »[1]. Une autre confirme : « … les personnes qui m’ont le plus aidée ont toujours été les plus créatives et les moins attachées aux conventions » [2] La psychanalyse n’est pas une, elle est multiple, comme le sont les pratiques psychanalytiques ; elles ont pourtant toutes un point commun : elles sont fondées sur l’écoute de l’autre. Songer à interdire légalement l’écoute d’un groupe humain révèle une idéologie politique sous-jacente des plus inquiétantes. Certes, toute écoute n’est pas psychanalytique, mais comment le législateur fera-t-il la différence entre la pratique psychanalytique nocive de l’écoute et celle bénéfique autorisée? Est-il de surcroît de son rôle de prôner des approches sourdes à l’écoute des singularités du sujet autiste? Cela paraît en rupture avec la Déclaration des droits des personnes autistes, proposée par Autisme Europe et adoptée par le Parlement Européen le 9 mai 1996 . En cette dernière, il est demandé de reconnaître et de respecter les désirs des individus, de sorte que les autistes devraient avoir « le droit de ne pas être exposés à l’angoisse, aux menaces et aux traitements abusifs ». Comment cela pourrait-il se faire sans être à leur écoute ?

Toutes les pratiques psychanalytiques ont en commun de prôner le respect du singulier et sa non résorption dans l’universel. C’est ce que souhaitent unanimement les autistes qui s’expriment. Ce n’est pas aux études randomisées permettant une évaluation scientifique impeccable auxquelles il convient de demander en premier lieu comment y faire pour traiter l’autisme ; ce sont les sujets concernés qui ont le plus à nous apprendre. Ils possèdent un savoir précieux sur eux-mêmes. Prenons au sérieux les conseils donnés par Jim Sinclair aux parents, tout aussi pertinents pour les éducateurs et les cliniciens : « nos manières d’entrer en relation, affirme-t-il au nom des autistes, sont différentes. Insistez sur les choses que vos attentes considèrent comme normales, et vous rencontrerez de la frustration, de la déception, du ressentiment, peut-être même de la rage et de la haine. Approchez respectueusement, sans préjugés, et ouverts à apprendre de nouvelles choses, et vous trouverez un monde que vous n’auriez jamais pu imaginer » [3]. Une autiste mutique cultivée telle que Annick Deshays se montre tout aussi véhémente pour revendiquer une prise en charge des autistes qui ne fasse pas l’impasse sur leur singularité : « Pourquoi faire des palabres sur des écrits officiels concernant la prise en charge des personnes autistes si les intéressées elles-mêmes n’ont pas droit aux informations, encore moins à la parole ?[4] écrit-elle sur son ordinateur. Elle s’oppose aux méthodes éducatives qui dressent a priori le programme des étapes du développement à franchir : « Dresser un plan scientifique d’éducation avec les autistes, de manière uniforme et unilatérale, dispense un régime de protectrice dictature, affirme-t-elle. […] Il prime d’abord de  trouver la faculté (ou les facultés) de chaque personne autiste avant d’établir une démarche éducative  ». Elle considère que « Faire du comportementalisme c’est inciter à nous rendre « facile » par un formatage réduisant notre liberté d’expression ; c’est durcir notre grave problème d’identification et d’humanisation ». Elle cherche à se faire entendre auprès des spécialistes pour faire passer le message suivant : « Dire aux décideurs, dès aujourd’hui, que penser pour nous risque de vider la « substantifique moëlle » de notre raison d’exister » [5] À l’encontre de ces méthodes, elle prône « le risque d’un dialogue », la volonté d’ « apprivoiser la peur isolante », elle invite même à chercher à « goûter les traits humoristiques propres » à la manière des autistes de « visionner la vie », tout cela, ajoute-t-elle, « oblige à travailler plus en unicité qu’en uniformité, plus en relation duelle qu’en propos unilatéraux ». À l’instar de la plupart des autistes, elle demande à être considérée comme un sujet capable d’une créativité qu’il convient de prendre en compte : « Hisser nos connaissances selon notre bon vouloir, souligne-t-elle, déploie un potentiel qui nous est propre ». « Plus je prends part aux décisions me concernant, ajoute-t-elle, plus j’ai l’impression d’exister tout entièrement »[6].

 

Faute d’être entendus, beaucoup d’autistes finissent par se résigner à ce qu’on leur impose ; en revanche, quand le sujet possède les moyens de s’exprimer, il s’en insurge. Ainsi Williams ne cache pas sa révolte en présence de certaines techniques éducatives. Dans les années 1990, elle fit un stage en Australie dans une maison spécialisée pour enfants en difficulté. Elle y observa deux éducateurs zélés dans leur travail avec une autiste. Elle fut frappée par leur méconnaissance du monde intérieur de l’enfant. « J’étais malade, écrit-elle, de les voir envahir son espace personnel avec leur corps, leur haleine, leurs odeurs, leurs rires, leurs mouvements et leurs bruits. Quasiment fous, ils agitaient des hochets et des objets devant elle comme deux sorciers trop zélés espérant exorciser l’autisme. Selon eux, apparemment, il lui fallait une overdose d’expériences que leur infinie sagesse « du monde » savait lui apporter. S’ils avaient pu utiliser un levier pour forcer l’ouverture de son âme et la gaver « du monde », ils l’auraient sans doute fait sans même remarquer la mort de leur patient sur la table d’opération. La petite fille criait et se balançait, se bouchant les oreilles avec ses bras pour amortir le bruit et louchant pour occulter le matraquage de la détonation visuelle. J’observais ces gens, souhaitant qu’ils connaissent eux aussi l’enfer des sens. J’observais la torture d’une victime qui ne pouvait pas se défendre dans un langage compréhensible. […] Ces chirurgiens opéraient avec des outils de jardinage et sans anesthésie »[7] Sans doute s’inspiraient-ils d’une méthode classique d’apprentissage, qui consiste à présenter un stimulus en séquences répétées, puis à observer la réponse de l’enfant, et à donner une conséquence pour la renforcer ou l’inhiber. C’est une application systématique de ces principes qui est prônée par la méthode ABA, fondée par Lovaas. Cela pendant deux ans, à raison de 40 heures par semaine, avec des enfants dont le consentement n’est pas recherché, bien que l’on sache que, pour la plupart, ils ressentent les demandes comme intrusives et menaçantes.

Annick Deshays
Annick Deshays, autiste mutique qui communique depuis son ordinateur

Depuis son invention la psychanalyse dérange, en révélant que l’homme n’est pas maître de lui-même, contrairement aux illusions de la raison, elle n’annonce pas une bonne nouvelle. Néanmoins, la psychanalyse perdure malgré les critiques incessantes, ce qui témoigne avant tout de sa vitalité. Actuellement, c’est sur le terrain de l’autisme que se concentrent les attaques contre la psychanalyse, venant en particulier d’ « Autisme France », association de parents dont le député Fasquelle reprend l’argumentaire, en faveur de la méthode ABA, en soumettant un projet de loi visant à interdire les pratiques psychanalytiques. En premier lieu, parmi celles-ci, le packing, déjà pratiqué par Esquirol, sous le nom d’emmaillotement humide, cinquante ans avant la naissance de Freud…

Les partisans de la méthode ABA sont récemment sortis de la controverse scientifique légitime en produisant un film de propagande sévèrement condamné par la justice à la suite de plaintes de psychanalystes piégés par la réalisatrice du film. Le défenseur de Sophie Robert, la réalisatrice, a tenté de faire valoir que cette condamnation conduirait à l’interdiction des films de Mickael Moore si elle était confirmée. Mickaël Moore est un réalisateur américain de films engagés (Bowling for Columbine, Farenheit 9/11). Il a subi de nombreux procès, il les a tous gagnés. Il doit donc y avoir une différence entre sa pratique et celle de Sophie Robert. Deux apparaissent évidentes. Mickaël Moore se met en scène et filme les questions qu’il pose à ses interlocuteurs. Sophie Robert n’apparaît pas et coupe au montage certaines questions des réponses données, ce qui change évidemment la portée de la réponse. D’autre part, Mickaël Moore interroge des personnalités représentatives des opinions qu’il combat ; tandis que Sophie Robert interroge certes certaines personnalités représentatives, mais elle convoque de surcroît des psychanalystes que personne ne connaît et qui expriment des opinions qui n’engagent qu’eux-mêmes. Qui voudrait utiliser le même procédé de propagande pour objecter à la méthode ABA irait chercher un éducateur partisan de cette méthode utilisant encore les punitions corporelles – et ce ne serait sans doute pas très difficile à trouver – voire un nostalgique des bons vieux chocs électriques initialement utilisés par Lovaas. Il s’agirait alors certes de propagande car la méthode prône aujourd’hui de ne plus recourir aux conditionnements aversifs et aux punitions. Bref si Mickaël Moore est si présent dans ses films, on peut en déduire qu’il est fier de ce qu’il fait. Sophie Robert a choisi de se cacher. Delion, Golse, Widlôcher et Danon-Boileau dénoncent « un montage tronqué au service d’une cause à démontrer » et visant à les ridiculiser[8]. Les psychanalystes de l’ECF, Laurent, Stevens et Solano, n’ont pas reculé à faire un procès et la déformation maligne de leurs propos a été confirmée par la justice.

Les partisans de l’ABA militent contre une psychanalyse que tantôt ils inventent ou que tantôt ils caricaturent. Elle culpabiliserait les parents. Cette thèse de Bettelheim toujours citée ne faisait déjà pas l’unanimité de son temps. Ils refusent malhonnêtement de prendre en compte que nul psychanalyste sérieux ne la soutient aujourd’hui. Ils soulignent que l’autisme serait un trouble neurobiologique. Or les données les plus probantes en faveur de cette thèse mettent toujours en évidence que des éléments liés à l’environnement interfèrent avec une possible prédisposition génétique. S’il est un fait bien établi c’est que diverses méthodes appliquées de manière intensive (et de préférence au cas par cas) parviennent à modifier les conduites des sujets. Il faut souligner qu’il n’existe aucun traitement biologique de l’autisme et que la découverte de la plasticité cérébrale rend compte de l’efficience des pratiques psychologiques aussi bien que de celles des méthodes d’apprentissage.

Aussi bien intentionnées soient-elles, ces dernières rencontrent des bornes. Leur efficacité, constate le rapport Baghdadli, est généralement limitée à l’acquisition d’une compétence spécifique ciblée par l’intervention étudiée, de sorte qu’elle n’implique pas un changement significatif du fonctionnement de la personne qui bénéficie de l’intervention[9].

Certes, les méthodes d’apprentissage invoquent en leur faveur des statistiques éloquentes attestant de leur efficacité. Sans entrer en d’interminables discussions sur leurs interprétations et sur ce qui est réellement saisi par les chiffres, soulignons surtout qu’il est incontestable que des résultats au moins équivalents peuvent être obtenus par d’autres méthodes plus respectueuses du sujet. À s’en tenir au seuls récits de mère qui sont parvenues, par des méthodes empiriques d’inspiration différentes, à sortir leur enfant du retrait autistique, il apparaît clairement que les améliorations obtenues par la douceur et le jeu ne sont moindres face à celles acquises par la violence et la coercition.  Quand les Copeland découvrent dans les années 60 que recourir aux « caresses-récompenses et aux claques-punitions » avec leur fille améliore nettement son comportement, ils croient avoir trouvé la clef si longtemps recherchée du traitement de l’autisme. « Ils essayèrent donc de lui faire toucher tous les objets devant lesquels elle avait témoigné de la terreur. Et ils étaient innombrables. La première fois, elle hurla de toutes ses forces et à bien des reprises, la démarche parut impossible. Mais enfin ils la tinrent solidement par le poignet et lui administrèrent une correction à chaque tentative de résistance. Puisque telle était la méthode adoptée, il fallait la suivre. Et, effectivement, au cours de semaines épuisantes, les réticences de Anne fondirent nettement »[10]Or les améliorations obtenues plus récemment par Anne Idoux-Thivet avec son fils ne furent pas moindres, pourtant elle s’est toujours refusée à « user du bâton et de la carotte », pratiquant une « ludothérapie » orientée par les réactions, les angoisses et les manifestations de la curiosité de son enfant [11]. Bref, le rapprochement de ces deux témoignages opposés atteste que ce qui peut être obtenu par la violence peut l’être mieux encore par le jeu. La cure de Dibs opérée par V. Axline, en s’appuyant sur les jeux de l’enfant accompagnés dans une approche non directive, l’avait établi dès les années 1960.

Pour l'Amour d'Anne de James Copeland
Pour l’Amour d’Anne de James Copeland

Une autre mère d’enfant autiste, Hilde de Clercq, considérant la diversité des méthodes, aboutit à la constatation suivante, à laquelle on ne peut que souscrire,  « il est bien plus agréable, pour tout le monde, de suivre la façon de penser de ces enfants et de rester positif, que de leur imposer de s’adapter et d’être confrontés constamment à des problèmes de comportement. La meilleure stratégie pour éviter des problèmes de comportement est de les anticiper »[12].  Or, pour ce faire, il est incontournable de prendre en compte leurs manières de lutter contre l’angoisse, ce que négligent les techniques d’apprentissage.

Toutes les méthodes de traitement de l’autisme possèdent leurs réussites et leurs échecs. Cette diversité résulte pour partie des différences considérables dans le fonctionnement et les attentes des sujets autistes. Cependant elles n’ont pas le même positionnement éthique : pour les méthodes comportementales et cognitivo-comportementales la source du changement est située pour l’essentiel entre les mains de l’éducateur, secondé par les parents ; en revanche pour les méthodes qui prennent en compte la subjectivité, il s’agit de stimuler et d’accompagner une dynamique du changement inhérente à l’enfant. Les méthodes psychodynamiques font le pari d’une responsabilité du sujet qui peut conduire jusqu’à son indépendance par des voies qui sont à inventer et non pas programmées à l’avance (qui aurait fait confiance aux compagnons imaginaires de Williams ou à la machine à serrer de Grandin ?) ; les approches éducatives opèrent un autre choix : elles travaillent avec un enfant qui doit être guidé sur la route d’un développement normalisé, censé valoir pour tous. Dès lors elles parviennent certes le plus souvent à améliorer son autonomie, mais elles peinent à favoriser son indépendance. Nombreux sont aujourd’hui les autistes de haut niveau qui relatent comment ils sont parvenus à l’autonomie puis à l’indépendance, aucun d’entre eux ne fait état d’avoir bénéficié de manière intensive de méthodes éducatives, tous rapportent en revanche avoir inventé des méthodes très originales pour rendre compatible leur fonctionnement autistique avec le lien social.

La psychanalyse du XXIème siècle n’est pas la caricature combattue par « Autisme France ». La plupart de ses détracteurs ignorent que certains psychanalystes (certes sur ce point encore minoritaires) considèrent que l’autisme n’est pas une psychose, qu’à l’encontre de l’opinion de Tustin l’objet autistique peut servir d’appui précieux pour la cure, que les interprétations signifiantes ou oedipiennes sont à proscrire, qu’un « doux forçage » (A. Di Ciaccia) est nécessaire pour susciter les apprentissages, etc. Que reste-t-il alors de la pratique psychanalytique ? Pour l’essentiel la capacité à accompagner le sujet dans ses inventions originales effectuées pour parer à son angoisse. Les méthodes d’apprentissage conduisent parfois un autiste à l’autonomie, mais jamais à l’indépendance à l’égard de sa famille. Ces méthodes postulent d’ailleurs abusivement qu’un suivi sera toujours nécessaire. Nombreuses sont les expériences singulières qui viennent contredire cette assertion. Les témoignages des autistes attestent que jamais un autiste n’a pu accéder à l’indépendance sans avoir bénéficié d’une écoute bienveillante et d’un respect de ses inventions.

Il est cohérent que ceux qui cherchent à gommer la parole des autistes soient les mêmes qui s’appliquent à une propagande caricaturale pour décrier les propos des psychanalystes.

 


[1] Williams D. Si on me touche, je n’existe plus. [1992] Robert Laffont. Paris. 1992, p. 290.

[2] Grandin T. Penser en images. [1995] O. Jacob. Paris. 1997, p. 114.

[3] Sinclair J. Don’t mourn for us. Autism Network International, Our voice, 1993, 1, 3 ; ou http://web.syr.edu/%7Ejisincla/dontmourn.htm

[4] Deshays A. Libres propos philosophiques d’une autiste. Presses de la Renaisssance. Paris. 2009, p. 57.

[5] Ibid., pp. 114, 116, 121, 124.

[6] Ibid., p. 118.

[7] Williams D. Quelqu’un, quelque part. [1994] J’ai Lu. Paris. 1996, pp. 38-39.

[8] Témoignage de P. Delion. Dossier CIPPA.(Coordination Internationale entre Psychothérapeutes Psychanalystes s’occupant de personnes avec autisme).  Novembre 2011, p. 39. (www.cippautisme.org)

[9] Baghdadli A. Noyer M. Aussiloux C. Interventions éducatives, pédagogiques et thérapeutiques proposées dans l’autisme. Ministère de la Santé et des Solidarités. Direction Générale de l’Action Sociale. Paris. 2007, p. 261.

[10] Copeland J. Pour l’amour d’Anne. [1973] Fleurus. Paris. 1974, p. 39.

[11] Idoux-Thivet A. Ecouter l’autisme. Le livre d’une mère d’enfant-autiste. Autrement. Paris. 2009.

[12] De Clercq H. Dis maman, c’est un homme ou un animal ? Autisme France Diffusion. Mougins. 2002, p. 97.

7 Commentaires

  1. Si les tenants des pratiques comportementales ont caricaturé la psychanalyse (bien édulcorée dans cet article), les partisans de la psychanalyse le leur ont largement rendu monnaie de leur pièce…(avant que la pièce soit lancée?)…

  2. Merci d’ecouter les autistes, car nous ne sommes pas compris. Je suis autiste, j’ai 48 ans, je suis francaise d’origine mais je vis aux Etats Unis depuis 25 ans, quand j’ai ete formellement diagnostique il y a 2 ans, j’ai enfin recu de bons soins medicaux et en reprenant des forces, j’essaie de communiquer…voila une lettre que j’ai ecrit l’an dernier. N’hesitez pas a me contacter, que je sache que je suis entendue quelque part!

    28 mars 2011

    Chers Parents,

    Ma psychiatre m’a suggeree de vous ecrire une lettre, a vous les parents d’enfants autistes. Je suis une femme de 46 ans, autiste. J’ai un enfant qui a 19 ans. Une pratique stricte du zen m’a permis de survivre le terrible chaos et la douleur qu’est l’autisme, et en cours de route j’ai appris a mieux (meme si c’est imparfaitement) m’exprimer afin que les gens non-autistes puissent comprendre un peu mieux ce que je vis.

    Bien qu’il arrive que je fasse preuve de comportements inhabituels et que mes limites soient clairement visibles, je suis parfaitement douee de tous les desirs d’un etre humain. Je suis un etre humain. En tant qu’enfant je n’ai pas ete cataloguee autiste et donc on attendait de moi des manieres « normales », par exemple un comportement convenable et la politesse. Peut-etre que cela m’a pris plus de temps que d’autres pour les apprendre et je les ai appris d’une maniere inhabituelle, mais je faisais ce que l’on attendait de moi, si bien qu’en tant qu’adulte j’ai pu vivre independemment. D’apres moi, ne pas s’attendre a des comportements « normaux » est l’une des pires choses qu’un enfant autiste puisse vivre, exactement parce que certains comportements normaux permettent d’etre independent. Ne pas les avoir cause de plus notre retrait des gens auxquels nous ne faisons pas confiance.

    Les consequences de mon apparence normale ont ete terribles. J’ai cache mon agitation chronique a tout prix et certaines de ces repressions se manifestent maintenant comme de la douleur physique. Parfois j’envisage l’etre humain comme une etendue d’eau: certaines etendues sont calmes, d’autres agitees. La cause de cette agitation peut etre invisible, comme lors d’une source profonde sous l’eau. Ainsi que j’en fais l’experience, le plus longuement une personne autiste cache sa vraie nature, le plus les nerfs se nouent et se s’abiment. Lorsque mon fils est ne, en plus de beaucoup d’anxiete emotionnelle, bipolarite et ainsi de suite, mon corps est devenu encore plus douloureux, jusqu’a il ya quelqes annees quand je pouvais a peine fonctionner.

    Je ne veux pas apparaitre folle. Je ne le suis pas: seulement je suis differente. Il est fort possible que je reussisse a resoudre un probleme particulier d’une maniere differente, qui peut etre prendra plus de temps mais qui au bout du compte peut etre plus approfondie et avoir plus de valeur. Si vous pensez que j’ai plus de limites que les autres, je soupconne que cela n’est pas vrai. Meme lorsque j’etais encore enfant et que je ne pouvais pas l’exprimer, je ressentais immediatement l’autosatisfaction de l’autre et elle provoquait mon retrait.immediat. Nous avons tous nos limites. Les limites des autres peuvent ne pas etre aussi visibles, mais elles ont autant de realite que les miennes.

    J’ai devouvert que les problemes sensoriels sont souvent la cause profonde de mon agitation « sou s l’eau ». J »ai ecrit dans un article, « Voici comment le monde m’apparait:
    . Bruits de circulation, portes qui claquent et telephones qui sonnent, beaucoup de monde, rires bruyants, televisions et radios
    . Parfums artificiels de toutes sortes, fumees des pots d’echappement, detergents de lessive
    . lueurs d’objects metalliques en mouvements constants et multiples lumieres abrasives »
    Enfant je ne comprenais pas cela. Je croyais meme que m’aimais l’effet special que l’eau de cologue de mon pere avait sur moi! J’ai invente un mot pour decrire ce qui me rend malade: AGRUAR –pour AGressif, « RUshed » (« presse » en anglais), ARtificiel. Les televisions, les ecrans d’ordinateur et tous les appareils de ce genre font partie de cette categorie. Bien que votre enfant soit submerge(e) dedans, veuillez considerer le proteger de trop d’utilisation. Offrez a votre enfant le don des activites en plein air! La nature a toujours ete un veritable reconfort pour moi.

    Merci d’avoir pris le temps de lire cette lettre, et j’espere qu’elle va aider!

    Anne-Laure DAVIN
    a_ldavin@yahoo.com

    • Salut Anne ,

      J’ espère que tu vas bien;
      Je suis enseignant en Guyane en française et prépare un entretien pour enseigner à un enfant autiste.
      J’ ai été touché par ton message, qui est très clair et explicite.
      Merci de ce témoignage et bonne continuation

  3. Bonsoir. En 1872, Jules Vernes écrivait le tour du monde en 80 jours, dans lequel Philléas Fogg fait le pari de faire le tour du monde, le feuilleton raconté dans le journal Le temps raconte que l’ aventurier maniaque de l ‘heure fait son pari de 20000 livres au club Réform et il s ‘engage à être revenu de sont tour du monde avec son valet passe partout le 21 décembre 1872 à 20h45. 5 ans plus tôt, Lewis Carroll avait écrit Alice au pays des merveilles, c ‘est en 1895 que fut inventé le cinéma par les frères Lumières, un de leurs films les plus connus étant l ‘arroseur arrosé. Le Cinéma avait 10 ans lorsque qu ‘on fit la connaissance d’ Albert Einstein, prix Nobel en 1921. C ‘est cette même année que Rorschach présenta sa thèse sur les hallucinations et son test des tâches d’encre avant de mourir d’une appendicite l’année suivante. Depuis 1931, il est toujours employé, en tous les cas il l’était dans les années 70, je l’ai passé une paire de fois, étant né dans les années 60. Et c’est là que ça devient intéressant, le terme autisme apparait en 1923, et 20 ans plus tard, Hans Asperger militera contre le pouvoir nazi pour leur intégration et luttera contre l ‘ Eugénisme, ses travaux seront reconnus en 1961, Albert Einstein lui est mort en 1954, et il reste la référence en matière de génie à ce jour. C ‘est en 1993 que l ‘on m ‘a appris que j ‘étais autiste Asperger, il aura fallu 24 ans, entre temps, de 11 ans, l ‘âge auquel on m ‘a viré du lycée à 35, j ‘ai endossé toutes les personnalités que l ‘on m ‘a prêtées, je suis sur le net depuis 95, je me vais virer aussi régulièrement. Je préfère de loin être autiste qu ‘inculte, au moins je sais lire et écrire depuis l ‘âge de 5 ans, ce qui n ‘est pas le cas de la majorité. Mieux vaux être catalytique qu ‘apocalyptique et halluciné en regardant des tâches d ‘encre qui n ‘ont rien de sympathique.

  4. simplement merci pour cette parole pacifique loin des attaques sectaires ignorantes et intolérantes de professionnels que je cotoie au quotidien …et qui n’ont pas eux-même l’opportunité ou la chance de pouvoir être écoutés ou d’avoir un accompagnement pour une réfléxion éthique.

  5. « Toutes les pratiques psychanalytiques ont en commun de prôner le respect du singulier et sa non-résorption dans l’universel » ?

    Abraham Kardiner, qui deviendra un des principaux représentants de la psychanalyse aux Etats-Unis, a fait sa didactique chez Freud. Il a mis par écrit ce que toute personne psychanalysée par un freudien orthodoxe sait : « En comparant mes notes avec celles d’autres étudiants, je me suis aperçu que l’homosexualité inconsciente, tout comme le complexe d’Œdipe, faisait partie de la routine d’une analyse ». « Une fois que Freud avait repéré le complexe d’Œdipe et conduit le patient jusqu’à son homosexualité inconsciente, il ne restait pas grand-chose à faire. On débrouillait le cas du patient et on le laissait recoller les choses ensemble du mieux qu’il pouvait. Quand il n’y réussissait pas, Freud lui lançait une pointe par-ci par-là afin de l’encourager et de hâter les choses » (Mon analyse avec Freud, PUF, p. 92, 125).

    • Outre le fait que les propos de A. Kardiner n’engagent que lui, en quoi viennent-ils s’opposer à la proposition que vous citez en exergue? L’universalité de certains mécanismes psychiques n’empêche pas qu’ils soient vécus de façon singulière par chacun dans son histoire individuelle. Quant aux erreurs de Freud, si il y a une chose qu’il convient de connaître c’est qu’il a bien été le premier critique de son travail, remettant sans cesse en questionnement ses découvertes et celles de ses confrères, jusqu’à son dernier souffle. On ne peut pas vouloir être expert dans une matière sans prendre le temps de l’étudier sérieusement c’est à dire en s’en tenant à l’ensemble des sources. Ainsi, « la » psychanalyse aux Etats-Unis, essentiellement inspirée du seul courant de « l’Ego psychology » , n’a pas grand chose de commun avec la psychanalyse telle qu’elle a évolué ailleurs en restant fidèle à la découverte principale de Freud, à savoir l’ancrage de la psyché dans le langage.