« Ce qui me frappe le plus, c’est le reproche central fait aux psychanalystes de culpabilisation des familles et que cela serve de levier dans la lutte contre la psychanalyse.

Le psychanalyste est celui qui préserve un espace privé à chacun y compris à l’autiste. Il est singulier que cet espace privé soit aussi insupportable aux proches de celui qui entretient un colloque particulier avec un psychanalyste. « Que vous a-t-il dit aujourd’hui ? », c’est là que commence le malentendu : partager avec les parents l’orientation de l’aide que l’on peut apporter ensemble à un patient, à l’hôpital ou à un enfant autiste. Ce travail ensemble n’est pas incompatible avec le privé qui caractérise la relation transférentielle. Il y a même un décret du 29 avril 2002, sur le droit à l’information, qui précise que les enfants mineurs peuvent s’opposer à ce que les parents soient informés de ce qui se dit dans un entretien singulier avec un psychiatre ou un psychanalyste.

Nous considérons que la particularité de chacun doit être respectée – ce singulier, d’ailleurs, serait-il le plus étrange? C’est à partir de ce point que l’on peut aider un sujet, qu’il soit autiste ou non. On peut l’aider à continuer son propre chemin, organiser sa propre vie, même si celle-ci va nécessiter la présence des autres auprès de lui. La non-autonomie n’implique pas l’absence d’un espace privé, contrairement à la revendication des familles. L’autiste lui-même tient par-dessus tout à cette part qu’il protège des intrusions répétées de l’Autre, vécues comme des agressions insupportables.

La culpabilité n’est pas une invention de la psychanalyse. La culpabilité n’est pas non plus la même chose que la culpabilisation. La culpabilisation est en relation avec une causalité, avec une conception qui établirait un lien entre une affection, un trouble, une maladie qui peut apparaître dans la descendance et qui trouverait son origine chez les ascendants.

Dans leur immense bienveillance, dès qu’un enfant vient au monde avec un petit détail qui le démarque de ce qui était attendu, les familles s’empressent de savoir si ce ne serait pas dans l’autre partie de la famille (lignée paternelle ou maternelle) que se trouverait la faille. Le psychanalyste n’est pas celui qui retient ce lien de causalité ! Il se situe à l’opposé de la culpabilisation. Pour autant, il peut écouter ce que chacun vit d’une culpabilité qui s’est imposée à lui, en fonction de son histoire, avec une proportion plus ou moins importante à se sentir coupable.

Pourquoi cette culpabilité se trouve-t-elle aussi centrale dans cette lutte acharnée conduite par certaines associations de parents autistes ?

C’est comme s’ils s’étaient faits eux-mêmes les théoriciens de la culpabilité ! À ceci près que l’horreur que cela peut susciter chez eux, ils l’ont projetée chez ceux-là mêmes auxquels ils l’avaient confiée. Par ce mécanisme projectif, le reproche a maintenant changé de lieu. Il s’est localisé au lieu de l’Autre, chez les psychanalystes. C’est bien plus qu’un tour de passe-passe ! C’est une opération radicale, génératrice d’une haine que rien ne peut arrêter. Cette haine arme le discours contre la psychanalyse, au point que ce discours puisse en venir à convaincre, à se faire des alliés, à se constituer en groupes de pressions, en lobby puissants, qui s’immiscent dans les milieux politiques, les académies et autres autorités de santé peuplées de sommités en mal de reconnaissance.

La psychanalyse, généralement et contrairement au reproche qui lui est fait, n’est pas ce qui homogénéise, elle est plutôt du côté du non-conformisme. La psychanalyse dérange comme l’autiste dérange.

Psychanalystes et autistes tombent du même côté dans une société d’ordre. Il faut donc les remettre dans le rang, les deux en même temps ! C’est ce à quoi nous sommes décidés à résister ! »

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La vidéo de la conférence de presse de ce dimanche 4 mars au Lutétia