La sortie du film CloClo, le 14 mars prochain va être un événement. La performance de Jérémie Regnier en sosie de Monsieur Claude est époustouflante.

La mort accidentelle du chanteur français, en 1978, à l’âge de 39 ans, donne vie à une mythologie populaire : Celle d’un homme au destin tragique, en contradiction avec son métier – lui, le tombeur de midinettes, rêvait d’un adoubement intellectuel en collaborant avec le parolier Etienne Roda Gil – et fût le compositeur de la chanson à 6000 versions (Comme d’Habitude) dont il ne profita pas, hélas, du fantastique jackpot international.

Car l’histoire de My Way est un conte au parfum des Milles et une nuits. Une rencontre à l’orientale entre un libano-canadien, Paul Anka (né en 1941, à Ottawa), un franco-égyptien, Claude François (né en 1939, à Ismaïlia), et un séfaro-tunisien, l’éditeur Gilbert Marouani.

Leurs destins se lient le 17 décembre 1967 lorsque Claude interprète à l’émission Télé Dimanche, présentée par Roger Lanzac, la chanson Comme d’habitude.

En vacances à Mougins, chez ses beaux-parents français, Paul Anka devant la télé, accroche tout de suite sur la mélodie. Sa femme lui traduit les paroles, Paul attend le générique de fin pour appeler à Paris, l’éditeur Gilbert Marouani afin d’acquérir les droits. Quelques jours plus tard, au Plazza Athénée, l’affaire est négociée : Paul Anka, jeune homme de 26 ans, habile en business, signe un contrat Package – à son avantage – comprenant dans le lot l’exploitation de plusieurs titres français, mais dont un seul vraiment l’intéresse : Comme d’habitude. La chanson malgré ses 220 000 copies vendues, cette année-là, est un échec pour Cloclo.

Anka sait qu’il tient un tube et surtout, un interprète fameux qui cherche à revenir sur le devant de la scène : Franck Sinatra. Le crooner de Strangers in the Night (1966) et de Somethin’ Stupid, le duo avec sa fille Nancy (1967) vit mal sa cinquantaine passée et le délaissement du public.

Dans le Boeing qui le ramène à New York, Paul Anka relit les paroles françaises, traduites en anglais. Le thème « le désamour d’un couple qui se sépare» l’émeut moins que la composition dramaturgique de la mélodie. Paul Anka se souvient d’un film récent que vient de tourner Sinatra « The Detective » de Gordon Douglas (Avec Lee Remick) : Il joue un enquêteur privé en fin de carrière, miné par l’alcool et le décès de sa femme. Dans la bobine finale, le détective Frank quitte pour toujours son appartement. Au moment de franchir la porte, il se retourne une dernière fois. L’image se fige sur le visage d’un homme brisé qui termine sa vie en refermant une porte. « The End» s’inscrit sur l’écran, figeant un Sinatra décomposé.

C’est précisément cette image qui inspire Paul Anka, tandis qu’il écrit la première phrase « And now the end is near, and so I face the final curtain ».

Le texte terminé, Paul Anka baptise son titre « My Way ». Grâce au producteur Quincy Jones, il rejoint Franck Sinatra à Las Vegas et la lui joue au piano entre deux spectacles. Bluffé, Sinatra la transmet aussitôt à son arrangeur. Le titre est enregistré, lors de la séance du 30 décembre 1968. Ce jour-là, entouré de son orchestre, Franck boucle My Way en une prise. La dernière note éteinte, et ses musiciens se lèvent pour une standing ovation. Le single sort le 28 mars 1969 et se classe deux semaines plus tard dans le top 30 du Billboard américain.

Raymond le Sénéchal, un pianiste français, de passage à Las Vegas va écouter Sinatra en concert au casino The Sands. Lorsqu’il entend le crooner entamer les premières mesures de My Way, Raymond saute de son fauteuil en identifiant Comme d’Habitude, la version française. Il fonce chez Claude François, dès son retour à Paris, lui annoncer la nouvelle. Humble et professionnel, Cloclo tranche : – On a fait du bon boulot, non ?

Drôle de victoire pour une chanson conçue dans la douleur, la chaleur et le chagrin : en juillet 1967, lorsque France Gall le quitta après trois ans de vie commune.

Claude ne supporte pas les ruptures, les exils, les désertions, les deuils.

En 1956, sa famille a été chassée d’Egypte, le pays de son enfance… Adieu chaleur, indolence, musique orientale, la grande villa et le phare d’Alexandrie.

D’un niveau de vie très aisé, la famille dégringole l’échelle sociale pour la précarité d’un meublé modeste à Monaco. Claude se retrouve de l’autre côté de la barrière : chez les pauvres. La jeunesse dorée monégasque se moque de lui. Aimé François, son père, désormais chômeur, tombe malade et mourra fâché avec un fils qui voulait devenir chanteur.

Claude a la rage au ventre. Il a étudié le violon et le solfège pendant six ans. Il maîtrise les percussions, peut remplacer un batteur au pied levé, se débrouille au piano et joue de la guitare. Il chante et assimile très vite les pas de danse. Il se marie en 1961 avec une danseuse anglaise ravissante, Janet Woolcot, mais la coquine s’enfuit avec Gilbert Bécaud, le célèbre Monsieur 100.000 volts.

Claude a le moral à plat, il est « Monsieur 1 volt ».

Plus pour longtemps. Paris, un voyage aux États-Unis avec le photographe Jean-Marie Périer où il découvre James Brown, Ike & Tina Turner, Tom Jones (qui chante She’s A Lady, écrite par Paul Anka), et l’écurie Tamla Motown. Claude assimile, observe et dissèque. Du studio aux concerts, il va appliquer « la méthode à l’américaine» : une sono doit être forte et puissante, le show précis, lumineux, enlevé, les costumes de scène tels les cuivres, brillants, incisifs et les danseuses sexy. Le choix des chansons est radical : soit des ballades pour faire pleurer les filles, soit des rythmes trépidants avec des refrains faciles à mémoriser. Claude François réinvente le show-business français. Son seul rival, c’est Johnny. Mais Hallyday est rock et Cloclo est pop ! Alors, en 1967, il monte sa propre maison de disques, Flèche, et s’entoure des meilleurs musiciens, auteurs et compositeurs : les jeunes Juvet, Chamfort, Jarre, Skornik…

Claude les enferme dans un minuscule bureau carré avec un mot scotché sur la porte verrouillée du studio: – Si tu veux sortir, il faut écrire, si tu veux manger, il faut composer, si tu veux boire, il faut me croire : Fais moi un tube et tu quitteras ton cube !

Juillet 1967, Jacques Revaux, accompagné de l’auteur Gilles Thibault, vient voir Claude dans son moulin de Dannemois avec un titre incomplet, For Me, dont il manque les paroles et le refrain. Au bord de la piscine, Claude est déprimé : il ressasse le départ de France Gall. Jacques et Gilles rejouent inlassablement le premier couplet et tentent des refrains en essayant des suites d’accords. Claude se prend au jeu et trouve l’idée du texte Comme d’Habitude: un homme ignoré par la femme qu’il aime, mais qu’il continue à croiser dans le métronome cruel du quotidien.

Comme il fait chaud, Gilles se baigne mais reste vigilant sur le travail musical qui continue et la joute entre Claude et Jacques qui perdure. Les deux copains improvisent des refrains au piano et à la guitare. Le temps passe et la chanson stagne. Découragé, Claude est sur le point de renoncer : – On n’a toujours pas de refrain !

Jacques Revaux conteste : – Si, tu viens de le chanter !

Claude secoue la tête : – Mais lequel ? Je l’ai oublié ! Il y’ en a eu tellement !

Au bord de la piscine, Gilles Thibault lève le doigt et dit, d’une voix douce :

– Moi, je m’en souviens très bien !

Et il fredonne, note pour note, la version intégrale du refrain : la seule qu’il a réussi à mémoriser sur les trente cinq solos. Jacques et Claude se regardent et sourient, My Way est née.

4 Commentaires

  1. meme aussi longtemps après son décès cloclo a encore des admirateurs très fidèles et actifs, ce film va faire plaisir

  2. L’ILLUSION EST PLUS AGREABLE QUE LA VERITE

    A l’occasion de la sortie du film sur la vie de Claude FRANCOIS interprétée par Jérémie RENIER, une bonne dizaine de livres vient de paraitre sur sa vie et certains auteurs vous expliquent avec force détails comment il est mort.

    Je recherchais comment me procurer le film de Samy PAVEL réalisé un an après sa mort «CLAUDE FRANCOIS, LE FILM DE SA VIE » et je suis tombé sur une vidéo de la chaine TELE MELODY dans laquelle Fabien LECOEUVRE (son biographe) nous explique que Claude a posé son majeur et son index de la main droite sur l’applique murale et qu’il a essayé de se dégager avec son autre main. Etait-il dans la baignoire avec Claude pour nous donner autant de précisions ?

    Là, c’en est trop. C’est comme dans un tour de magie où l’on détourne constamment l’attention des spectateurs pour qu’ils ne découvrent pas la vérité. On comprend ce qui a motivé la mise en scène lors de la mort de Claude et on a cherché par tous les moyens a maquillé les véritables circonstances qui lui ont coûté la vie. Mais que 30 ans plus tard, certains journalistes continuent de nous prendre pour des imbéciles, cela devient insupportable.

    Dans un entretien filmé, sa dernière compagne Kathalyn nous explique que Claude lui aurait dit «détache-moi » au moment de l’électrocution et qu’elle l’aurait décollé du mur en arrachant par la même occasion l’applique. Ces faits ont été confirmés lors d’une interview par Thierry ARDISSON et que ses sabots en bois l’ont isolé du courant.

    Une personne électrocutée a-t-elle la force de dire «détache-moi» ? Je ne suis pas spécialiste en physique et en médecine, mais l’électrocution bloque toutes les activités physiques ainsi que les activités cérébrales et on ne comprend pas que dans de telles circonstances, on puisse parler. On sait également que lorsque l’on touche une personne qui se fait électrocuter, on devient conducteur de courant et on se fait soi-même électrocuter.

    Durant les faits, Kathalyn JONES n’avait que 23 ans et ne connaissait pas grand-chose à la physique. On lui a donc suggéré de modifier sa version en disant qu’elle portait des sabots en bois qui lui ont sauvé la vie (même sur le plateau de l’émission de Thierry ARDISSON, elle reconnait qu’un enquêteur lui a dit qu’elle aurait dû ressentir un courant électrique traverser son corps si infime soit-il, mais elle ne s’en souvient pas). Quand un courant de 220 volts traverse son corps, comment peut-on oublier ?

    De plus, Kathalyn a modifié son témoignage au fil du temps. Dans une 1° version, elle prenait le soleil avec Mathé PERRIN (l’attachée de presse de Claude FRANCOIS) sur la terrasse du 46 Boulevard Exelmans. En entendant un cri déchirant, elle serait descendue par l’escalier et aurait couru vers la salle de bains pour découvrir que Claude s’était électrocuté. Cette version n’était pas crédible, car peut-on descendre un escalier en toute hâte avec des sabots quand son conjoint est en train de mourir ?

    Dans une autre version, elle nous dit qu’elle discutait dans la salle de bain avec Claude sur les projets de carrières aux USA et son prochain show à Londres et il aurait essayé de redresser l’applique. Soit dit en passant, la 1° version officielle était qu’il était mort en voulant changer une ampoule. Ensuite, cette version a été modifiée pour dire qu’il s’était électrocuté en essayant de redresser l’applique murale.

    Pourquoi une telle imposture perdure autant d’années ?

  3. Bonjour,

    Un lien pirate pour vous faire connaitre PAPIYON VOLE, magazine TV sur le monde du handicap mental, physique et sensoriel diffusé sur France Télévision Guadeloupe, Martinique et Guyane depuis mars 2010…

    Un magazine TV de 26 minutes mensuel qui a besoin de soutiens…

    http://fr-fr.facebook.com/pages/Papiyon-Volé/351476927760

    Bonne journée…

    Imhotep JOSEPH

    Mer

  4. Une histoire drôle et mélancolique, si bien racontée. On aimerait entendre la bande son pendant la lecture, est-ce possible?