Puisque vous me posez la question de savoir « comment la gauche l’emportera en 2012 », en premier lieu, la logique voudrait que le PS soit le seul parti de gouvernement prétendument de gauche qui pourrait y penser.
Pour l’espérer, il faudrait que sa raison d’être et son objectif soient clairs pour les électeurs de gauche, et se distinguent de la pensée unique qui inspire la politique mondiale actuelle. Pour se présenter et être crédible, il est impératif qu’il se décide entre le libéralisme avec son discours sur le développement, la croissance et les profits financiers dont on connaît les effets pervers et une politique humaniste qui repose sur les valeurs que représentent les forces de vie, c’est-à-dire les biens communs constitutifs de la vie à l’usage de tous, librement. Ils sont au nombre de quatre : eau, air, terre et feu du soleil pour la lumière et la chaleur. Ayant admis le principe de ces richesses fondamentales, abordons la notion du temps à consacrer à l’art de vivre et non à la précipitation pour accumuler des richesses réelles ou virtuelles, fallacieuses et illusoires. Le temps de vivre, qui donne à l’intelligence dont l’humanité est dotée la capacité d’analyser, d’organiser la société à laquelle nous appartenons.
Cela dit, alors, on pourra parler des chances de la gauche, au moment où une prise de conscience se lève dans les esprits, inquiets pour leur qualité de vie et l’avenir de leurs enfants.
Actuellement, le désir de changement est tel pour une majorité des populations que l’impatience grandissante s’exprime par la colère et la violence révélatrices d’une volonté déterminée.
Et pourtant, depuis des années déjà, des millions de femmes et d’hommes venus de tous les continents se réunissent, échangent leurs expériences locales de changement et de résistance au système qui les broie. Ils rétablissent l’antidote à l’éducation que les enfants du capitalisme ont subie depuis leurs premières classes jusqu’à la perfection des Grandes Écoles, dont les mots sacrés s’égrenaient autour de « compétition », « concurrence », « bourse », « actionnaires », « argent » — argent qui donnerait la puissance et le bonheur. En fait, ils sont inquiets, méfiants, ont peur de leur ombre et croient assurer leur sécurité par la répression, les non-dits et les digicodes qui les enferment et les privent de tout contact humain spontané. Oserais-je vous rappeler la fable de La Fontaine, Le savetier et le financier ?
On s’interroge dans les divers milieux politiques. Les dirigeants s’aventurent aux forums sociaux mondiaux ; ils arrivent, les élus, les secrétaires de partis. Ils superposent leur propre « Forum des autorités locales » et tiennent des discours que les altermondialistes ne sauraient renier, ils dénoncent les mauvaises façons de ce système, pour finalement conclure, forts de leurs certitudes, qu’il n’y a qu’une seule politique possible : la leur.

En effet, soumis plus ou moins consentants à ce système reposant sur une dictature économique impitoyable, les dirigeants sont allés trop loin dans la démesure, les compromissions, les mensonges et la corruption pour penser qu’ils sont en mesure de l’amender.
Cependant, pour une politique de l’espoir, les acteurs de l’Autre Monde souhaité se rencontrent, se font confiance, dans le respect des différences et des particularismes, permettent une réflexion commune, partagent leurs expériences. Seule la confiance restaurée leur permet de fixer l’objectif de paix et de justice que la guerre et la misère ont abandonné.
Lorsque la Fondation France Libertés, pour défendre les droits de l’homme et des peuples, s’est focalisée sur la défense du statut naturel de l’eau contre le droit économique de ce don de la nature pour la vie, elle a reçu tous les enseignements que ce bien commun du vivant pouvait lui apporter.
À sa source, dès sa naissance, le chant du ruisseau annonce toutes les espérances de la vie. Avec les flots grandissant et grondant, l’eau doit se battre pour sa liberté. « On dit d’un fleuve emportant tout qu’il est violent, mais on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l’enserrent », disait Brecht.
Universellement libre, elle se rit des frontières et traverse les États, elle relie les hommes, les espaces, le passé et le présent. Elle sculpte, arrose, nourrit, désaltère librement. Il a fallu attendre juillet dernier, grâce à la Bolivie, pour que son accès soit reconnu comme un droit de l’homme. J’aimerais ajouter : comme un droit du vivant sous toutes ses formes.
Voilà ce que les citoyens de gauche aimeraient entendre du candidat qui sollicitera un mandat pour sortir de la voie perverse qui les mène au désespoir.

Danielle Mitterrand

Présidente de  la Fondation France libertés

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