DSK coupable, DSK victime, au fond peu importe : ce qui compte, pour les médias, c’est le bruit que ça fait. La presse est aussi contente de son innocence qu’elle l’était de sa culpabilité puisque l’innocence de DSK relance la machine, donne une suite scénarisée, pleine de suspense, à ce qui promettait d’être un procès ennuyeux, plat, long. Coupable à toute vitesse, voici Dominique Strauss-Kahn innocent à toute vitesse. Que la justice ait eu, ou non, le temps d’étudier le dossier, dans le sens d’une inculpation comme dans celui d’une relaxe, peu importe : ce qui compte, c’est le spectacle. Hier celui de la chute, aujourd’hui, comme une bénédiction journalistique, celui de la rédemption.

On en oublierait presque, qu’au milieu de tout ça, il y a un être humain : à force de dire « DSK », d’écrire « DSK » cet homme est devenu un logo ; une firme ; une société à lui tout seul. Je m’appelle D-S-K, je dirige le F-M-I et je défends les couleurs du P-S. Ca fait beaucoup d’initiales, tout ça. Dominique Strauss-Kahn est un homme « initialisé », formé par des lettres, comme BNP ou SNCF : vidé de chair, on lui en injecte volontiers quand il s’agit du péché du même nom.

Ce qui est vraiment fascinant, c’est que c’est la première fois que la même presse, les mêmes journaux, comme des boomerangs sans morale, sans réflexion, construisent comme un lego, de toutes pièces, et avec le même aplomb, à partir de ces trois lettres (D, S, K) le visage de Satan et, cinq minutes plus tard, celui du Christ. Rien n’était pardonné, et maintenant tout l’est, puisqu’il n’y a évidemment rien eu.

Ce qui est prouvé ici, ce n’est pas que la société du spectacle veuille broyer les gens. C’est bien pire : en fait, ELLE SE FICHE DE LES BROYER OU PAS – puisqu’elle accepte, audience oblige, lectorat oblige, de les réhabiliter sans le MOINDRE problème, ni remords, ni excuse, ni rien, juste après les avoir (aveuglément, impunément) laminés.

Ce qui ici est aboli, c’est l’homme tout court. On peut le détruire, le reconstruire, peu importe : il est prétexte à rebondissements, presque à fiction. La personne est oubliée : c’est le PERSONNAGE qui compte.

Les dégâts collatéraux sur la famille, les proches, le destin ? Pas grave : les personnages, contrairement aux personnes, finissent toujours, oui, par rebondir : c’est la grande loi du dessin animé. On tombe dans le vide, on s’écrase au sol, mais aussitôt après on rigole au bar avec Bugs Bunny : rien n’est grave, rien n’est définitif, tout est « pour de rire » (même et surtout ce qui n’est pas drôle) et surtout, tout est « pour de faux ».
Paradoxe étrange, puisque c’est autour de la notion de « vérité » que tout tourne dans l’Affaire (ou la non-Affaire Strauss-Kahn).
La vérité… Mais la vérité, c’est quoi ? La vérité, il semble bien que cela consiste, dans cette Affaire, à changer tout le temps de mensonge.
La véritable victime, au fond, c’est elle.
Et c’est nous, puisque, évidemment, nous ne la connaîtrons jamais.

11 Commentaires

  1. hmm… à la lumière des derniers faits, doit-on s’attendre à un nouvel article de M. Moi(x) ?

  2. Cher Yann Moix,
    nous nous étions rencontré Bld St Germain lorsque j’avais amené mon ami Roko qui avait guidé Bernard au Darfour.
    Je souhaite que nous puissions nous rencontrer ou au moins nous entretenir sur le crime contre la Raison qui se développe sur la perception du M.O et je sais que ce problème vous tient à coeur comme il me tient à coeur.
    à très bientôt, j’espère
    06 09 59 73 98

  3. Vous auriez pu dire la meme chose de celle qui a ete traitee a la va-vite de prostituee et de trafiquante de drogue.
    Mais c’est vrai que vous avez une empathie selective.

  4. Si maintenant vous me demandiez si j’ai une chose à retirer de la condamnation que je maintiendrai jusqu’au bout de l’instrumentalisation tous azimuts déclenchée par la kafkaïenne mise à l’index d’un homme qu’une simple accusation nous a forcés à visualiser dans une série de situations obscènes, répétant chaque séquence assez longtemps pour que nous ayons totalement oublié par quoi elle avait commencé, jusqu’à ce que nous puissions nous rappeler ce que nous avions vu de nos yeux vu dans cette chambre où l’on nous avait longuement séquestrés, c’est sans doute cette indignation devant une réaction d’un chef de gouvernement tenu par son devoir de représentation et d’anticipation des conséquences pouvant impliquer l’ensemble de ceux qu’il représente, et auquel peu importe qu’il pleurât de chagrin ou de joie face au spectacle inarrêtable du cadavre d’Hector traîné dans la poussière, il est défendu d’écarter l’hypothèse du pire. J’avoue, durant les premiers jours de tonnerre, m’être mis à gronder vers Matignon, poings levés, menaçant du foudre jovien un ministre des ministres qui avait osé évoquer l’éventualité que son prestigieux concitoyen fût cet odieux violeur que l’on nous décrivait. Comment cette France pourtant si empressée de sauver le dernier de ses ressortissants à chaque fois qu’elle ressent qu’à travers lui c’est elle qu’on a frappée, n’accourait plus au secours de l’un des siens, fût-il l’un des meilleurs, le laisserait même se faire violer sur le carreau de Rikers Island? Je suis comme Sarkozy, pour la récompense du mérite. Sauf que. Le mérite ne devrait pas se cantonner à la notion de rentabilité. Ce qui fit la grandeur d’une civilisation fut tout aussi bien Épictète que Sénèque. Montaigne ne quittait jamais le Manuel du premier. Comme enchaîné à la pensée de l’esclave, le maître de la Renaissance nous édifie un modèle auquel nous ne voudrions pas renoncer. Or nous y renonçons un peu plus chaque jour. Difficile, que dis-je, impossible aussi de renoncer à l’espoir d’une réapparition du Houdini des nombres dont on s’était convaincu de la maestria avec laquelle il pourrait orienter les autospectateurs de la planète Ploutos. Mais il est tard, Monsieur, comme disait le grand Belge. Nous pouvons nous raconter autant d’histoires que nous voulons entendre, Dominique Strauss-Kahn ne sera pas le prochain président de la République française. Tout le monde l’a vu, et des hommes et des femmes aussi français soient-ils, ne voteront jamais pour un homme dont il ont vu le sexe dans la bouche d’une femme. Réaction hypocrite pour des politicolâtres n’ayant pas hésité, souvent plusieurs fois de suite, à introduire dans le secret d’une urne collective leurs songes adultérins de prendre ou être pris par l’apparence d’un symbole politico-sexuel? Va pour hypocrites!

    • P.S. : À ne pas comprendre à l’envers, ni de travers. Provoquer, ce n’est pas tout à fait la même chose que se résigner. C’est aussi un genre, qui n’appartient pas qu’aux morts.

    • Il suffit de mettre un pied hors de son cercle pour s’apercevoir que circonvoluent à hue et à dia les pensées les plus basses. On se prend alors du désir de frapper du pied dans l’échafaud(age). Les sages me l’avaient dit, entrer dans le débat c’est se mettre au niveau du plus bas de ses interlocuteurs. Donc un pas en arrière. Mais le problème reste entier. D’un côté, faire entrer autre chose dans une tête sans en avoir extrait ce qu’elle y avait laissé s’introduire, enfoncera en profondeur ce qui pataugeait en surface. D’un autre côté, lui faire honte serait une vanité quand elle choisirait de ne plus jamais rien ressentir du tout plutôt qu’une seule fois éprouver de la honte.

    • Et tant que nous en sommes au chapitre des malentendus, je tiens à revenir du fait de «se mettre au niveau du plus bas de ses interlocuteurs», derrière quoi il ne faut voir le reniement d’aucune impression ou interprétation que j’aurais injectée dans le débat internautique, sujette cela coule de source à objection ou suggestion, mais à ce que Céline formulait comme suit : «Viser bas c’est viser juste». Je pense qu’un bon archet doit se fier à son intuition, et jusqu’au dernier moment, changer d’angle de tir. Mais il me semble inévitable d’avoir, d’un instant à l’autre, ce que d’aucuns, je n’en doute pas, me souhaitent, à dialoguer avec Céline, qui était contrairement à la façon dont Chancel essaya d’expliquer sa période criminelle, à peu près tout sauf un original.

  5. Au moins cette affaire nous aura évité de l’avoir comme président. C’est déjà pas mal.

  6. Mais les avocats de Strauss-Kahn eux-mêmes participent à cela ! En juin, ils annonçaient qu’ils avaient des éléments pour décrédibiliser la plaignante, mais ne voulaient pas révéler au procureur de quoi il retournait ! Ils entretenaient eux-mêmes un « teasing » comme pour une série télé.

  7. Strauss-Kahn n’est pas un dess€in s’animant au gré d’une humeur MACchARTISTE, nom d’une pipe!

  8. On ne s’est pas encore intéressé à la fille de Nafissatou Diallo. Quel est son degré de complicité dans les mensonges présumés de sa mère ? N’était-elle pas présente à New-York le même jour, à la même heure ? N’a-t-elle pas copié sur son voisin en cours de géographie le trimestre précédent alors même que sa mère inaugurait un aspirateur flambant neuf dans la suite 2810 du désormais célèbre Sofitel de New-York. Étrange coïncidence vous en conviendrez. Et Camille Strauss-Kahn, l’amie d’enfance de Tristane Banon ne se serait-elle pas écrié le 13 avril 1988, selon une source bien informée : « j’cause pus Tristane ! ». La même Tristane, dans une saillie drolatique d’une violence inouïe glissée quelques minutes auparavant à l’oreille de Géraldine Lesueur, une relation commune, n’affirmait-elle pas sans preuve : « Camille Strauss-Kahn est une banane ! ». Ces faits nous ont été dissimulés pendant des années, les lobbys qui contrôlent la presse s’évertuant à détourner l’attention du public sur quelques bombardements par ci, une épuration ethnique par là allant jusqu’à mettre en première page de leurs journaux un pseudo-raz-de-marée dans les années 2000.
    La vérité finira par éclater : DSK ne pourra plus nier très longtemps son goût prononcé pour les poutres apparentes.