Que les choses soient claires : Abdelaziz Bouteflika, l’autocrate d’Alger, veut réhabiliter les intégristes du Front islamique du salut (FIS), parti dissous en 1992. La rumeur qui fait état, depuis quelques jours, de la libération probable de 7000 islamistes impliqués dans des affaires de terrorisme n’est, en réalité, pas une « rumeur », mais bel et bien une information que le pouvoir tente de dissimuler ou de nier. Plusieurs sources crédibles confirment que des négociations secrètes ont été entamées avec plusieurs détenus afin de les amener à renoncer publiquement à la violence contre une libération qui interviendrait à l’occasion du 49e anniversaire de l’indépendance le 5 juillet prochain.
Ce n’est un secret pour personne, Bouteflika n’a jamais caché son opposition à l’arrêt du processus électoral qui a empêché, en 1992, les fanatiques de faire de l’Algérie une théocratie obscurantiste. Il n’a jamais nié non plus ses vues « réconciliatrices » et sa volonté de considérer les tueurs de femmes et d’enfants comme des interlocuteurs politiques sérieux et respectables. Ancien jouisseur invétéré, converti au mysticisme, et à l’islamisme dit « light » version Dubaï, ne serait pas gêné de voir les Algériens en djellabas et babouches embrassant les fondements d’un salafisme prétendument non violent. Bouteflika, cet homuncule astucieux qui, sans légitimité démocratique, se permet de gérer le pays comme s’il s’agissait d’une propriété privée, souhaite que l’Algérie fasse un bond de vingt ans en arrière.
Tout ça est bien cohérent. Le bonhomme a entamé son premier mandat avec une « concorde nationale » qui a permis à des tueurs de bénéficier de la « clémence » de l’État et il espère aujourd’hui parachever son œuvre de destruction en amnistiant un maximum de terroristes et en réhabilitant le parti islamiste dissous. Cet homme, c’est l’évidence même, a la haine de l’Algérie et des Algériens. Sa place n’est pas à El Mouradia (Siège de la présidence), mais à Drid Hocine (célèbre hôpital psychiatrique), car, ce qu’il fait ou laisse faire, hypothèque l’avenir de tout un pays et de plusieurs générations d’Algériens. Je commence vraiment à croire qu’il n’est venu que pour démanteler l’État et se venger de cette société et des institutions qui ont refusé de le sacrer roi après la mort de Boumediène en 1978. Les choses deviennent de plus en plus claires : avant de partir, Bouteflika veut très probablement livrer l’Algérie aux chiens et aux fanatiques…
La société civile et les forces progressistes ainsi que tous les cadres honnêtes doivent obligatoirement se manifester. On ne peut plus rester dans cette situation de blocage qui permet à cet irresponsable de manipuler à sa guise tout un pays comme s’il s’agissait d’un patrimoine sans héritier mâle. L’un des systèmes les plus corrompus de la planète risque aujourd’hui une somalisation même si celle-ci n’est pas encore visible. Il n’est pas alarmiste d’affirmer que tous les ingrédients d’un éclatement sont réunis, puisque le monarque d’Alger s’est attelé depuis 1999 à laminer toutes les forces politiques d’opposition et à créer le vide, clientélisant au passage une partie de la société civile non sans jouer sur l’usure afin de venir à bout des derniers foyers de résistance. Les Algériens, transformés volontairement en un énorme tube digestif, doivent se réveiller et réclamer un changement immédiat s’ils ne veulent pas mettre en danger l’avenir de leurs enfants. Ce président qui n’est président que par le titre qu’il s’est octroyé en violant la Constitution, avec la complicité active et passive de ses parrains, civils et militaires, et en consolidant la fraude électorale comme tradition, ce président, dis-je, doit partir et les institutions garantes de la stabilité du pays et des textes fondamentaux doivent aujourd’hui jouer le rôle qui est le leur en protégeant la population et non pas en la terrorisant ou en l’aliénant en entretenant l’opacité et la désinformation.
Ce moment vécu par l’Algérie va révéler la force de ceux qui, au sein de l’administration et de la société, agissent encore par patriotisme et sincérité et la force réelle de ceux qui seraient capables d’assumer pleinement leurs responsabilités en faisant barrage à cette œuvre destructrice. Protéger l’Algérie contre ce partisan du pouvoir absolu et assurer la transition pacifique entre la « non-légitimité » appelée pudiquement « légitimité historique » et une vraie légitimité démocratique devient, plus que jamais, chose nécessaire. Si une période de transition et d’ouverture n’est pas assurée dans les meilleurs délais, tous les responsables seront comptables de la situation qui se dessine et devront rendre des comptes devant le peuple et devant le tribunal de l’histoire.