Qu’est ce que l’effet domino et que veulent nous dire les journalistes, les spécialistes lorsqu’ils emploient cette locution ? L’effet domino consiste en un système de réactions en chaîne se produisant lorsqu’un changement de situation au point A entraîne le même changement de situation au point B. C’est d’abord en mathématiques, en sciences physiques, en finance que l’on a utilisé l’expression. L’utilisation de l’effet domino en géopolitique est quant à lui plus tardif. Il connaît pour la première fois une utilisation massive à l’époque de la Guerre froide, à ce moment décisif où l’Occident capitaliste entendait freiner la propagation du communisme. À cette époque, les pays du monde étaient pour la grande majorité liés politiquement si bien que l’effet domino, ce jeu d’interdépendance, tenait. Aujourd’hui c’est diffèrent. C’est plutôt économiquement que nous sommes tous reliés. La nuance n’est pas sans intérêt philosophique, sociologique et géopolitique tant elle montre peut-être tout ce qui a changé entre les sociétés de la seconde moitié du XXème siècle et celles de la première moitié du XXIème… Mais l’on s’égare et il faut reprendre. On distinguait jadis deux puis trois camps. Le Monde libre, le bloc communiste et, hors de ce jeu politique manichéen, un groupe hétéroclite de non-alignés. Selon cette logique Est/Ouest, si par exemple l’URSS s’affaiblissait, c’était tout le bloc communiste de Cuba à la Chine qui en pâtissait. Voilà pourquoi on se livrait à des batailles acharnées pour des territoires à priori mineurs. Voilà pourquoi toute prise de bec minime pouvait potentiellement conduire à la guerre nucléaire… Ce schéma de dominos valait pour cette configuration bien particulière d’affrontement des blocs. Il ne se reproduit sûrement pas aujourd’hui avec les soulèvements arabes et musulmans et ce pour au moins deux raisons. D’abord car le mythe d’une union arabe est un fantasme, ensuite car le contexte tunisien est bien diffèrent de la situation libyenne, elle-même différente de l’Arabie saoudite, de l’Égypte, du Bahreïn…

Depuis la Révolution du Jasmin, on voudrait nous faire croire à une automaticité des ces révolutions par le (trop) simple effet domino. Ce serait pratique : on s’installerait confortablement dans un fauteuil, il y aurait devant nous un spectacle configuré sur « pilote automatique » auquel nous assisterions aux premières loges, popcorn à la main. Eh bien, désolé de vous l’annoncer mais ce n’est pas ainsi que l’Histoire se met en branle. L’Histoire ne se met en branle que par l’action consciente de l’Homme. Sans elle, aucune révolution possible. A cet égard, Tunisiens et Égyptiens, avant même de nous donner une leçon de démocratie, nous donnent surtout une leçon d’existentialisme. Car leurs mouvements et leurs aspirations sont infiniment sartriens. Ni attentisme, ni passivité chez ces citoyens qui se sont rebellés. Certes ces anonymes furent courageux mais plus que courageux, ils étaient d’abord conscients de leur responsabilité propre. Chaque être est un monde. Chaque être est une vision du monde et si les êtres s’accordent pour faire un autre usage de leur responsabilité, on peut idéalement aboutir à un renversement de régime.

Mais de grâce, ne dites pas que les révolutions en cours participent d’un mouvement automatique ou bien scientifique, ce serait indécent ! Allez donc dire aux manifestants de la place Tahrir sur qui des chameaux, des voitures fonçaient que la Révolution est automatique… Allez dire aux Tunisiens qui se sont immolés que de toute façon le système aurait fini par éclater. Allez surtout voir les étudiants, les syndicalistes, les démocrates iraniens qui eux aussi se sont soulevés mais ont fini par se faire torturer dans les geôles du régime d’Ahmadinejad, allez dire à ces gens qui risquent leurs vies pour le triomphe de la démocratie que le monde évolue automatiquement vers le Mieux, le Bien, la Démocratie. Osez énoncer l’idée d’une théorie des dominos comme mouvement naturel qui aurait de toute façon fini par arriver. Tiens donc, c’est étrange, soudain je ne vous entends plus parler…

Le « Nous vous l’avions bien dit, c’était écrit » est stupide. Il s’agit de paresse intellectuelle, celle-là même qui fait que nous sommes chaque fois en retard d’une révolution, que notre diplomatie, comme toutes les autres diplomaties au monde, ne sait que dire et ni comment agir face à des soulèvements populaires que rien annonçait.

Rien n’est acquis lorsqu’il s’agit de démocratie. Nous écrivons dans une revue vigilante, la Règle du Jeu, construite sur le double choc du questionnement consécutif à la chute du mur de Berlin et à l’opposition aux théories de la fin de l’Histoire. Cette Histoire qui, plus que jamais, ne fait relâche et a, surtout, infiniment plus d’imagination que les hommes…

6 Commentaires

  1. r2VOLUTION ET RELIGION
    Qu’est-ce que je fous en taule ?
    Je voulais importer la révolution libyenne dans la banlieue parisienne…
    Pourquoi ces révoltes en série, ces révolutions arabes inquiètent-elles le monde occidental ?
    Ce n’est pas la révolution française que l’on nous rejoue en langue étrangère, mais la révolution universelle qui réclame pour tout un chacun
    une petite place dans l’univers… plus de canaille… plus de racaille…
    Il n’y a plus aucune raison d’agiter l’épouvantail !
    Après le communisme, l’islamisme, c’est désormais l’heure de l’universalisme…
    Plus la peine de se plaindre, l’islam n’est plus à craindre mais on peut tout au plus se joindre à cette SOIF DE LIBERTÉ que personne ne peut ni contester, ni combler…
    Plus de bouc émissaire, ni de diabolisation de la misère mais des hommes et des femmes qui réclament leur pied à terre.
    On voulait donner une petite leçon aux musulmans… ils viennent de nous signifier que c’est nous qui allons bientôt la recevoir…
    Un homme semblable à tous les hommes l’avait déjà prédit : lorsque la liberté éclate dans le cœur de l’homme
    plus personne ne peut plus rien contre lui, ni les hommes, ni les dieux.

    http://www.lejournaldepersonne.com/2011/02/revolution/

  2. Ouaiche, si vous voulez, on peut ne pas aimer l’expression « effet domino » et trouver à redire.
    N’empêche, on a beau dire et entortiller tant qu’il vous plaira, « effet domino » ou pas, révolte ou révolution, il y a de toute façon de la contagion dans l’air. Vivement que ce fichu monde change de face !
    Bien à vous,
    « Get Up, Stand Up ».

  3. Mais n’a t-il pas fallu un déclencheur pour agréger un peuple au même moment ? Voir les dictateurs voisins tomber n’est-il pas susceptible d’aider ces gens à se dire, « nous aussi on peut le faire » ou bien « c’est maintenant ou jamais » ? Il n’y a rien d’automatique, mais l’espoir croit sans doute à chaque fois qu’un peuple proche se libère pacifiquement de son dictateur, incitant à tenter sa chance dans ce contexte historique, plus favorable que d’ordinaire.

  4. POURQUOI NOUS INSULTER.IDENTIQUE A NOUS MEME, PERPLEXE ET ATTENTIF, NOUS DEMANDANT DANS COMBIEN DE TEMPS LA MARCHE A PIED DEVIENDRA LE SPORT MONDIAL.

    NOTRE NATURE EST LA MEME PARTOUT.

  5. @JerryMiller : entierement d’accord avec vous.
    A mon avis , ici , « l’effet domino » existe bel et bien pour une raison tres simple : tous ces pays ont un meme point commun, en depit des nuances historo-socio-politico-economiques…. Tous sont sous la botte d’un dictatteur corrompu jusqu’a la moelle , et tous les peuples etaient murs depuis longtemps pour la revolution. Il ne manquait que ce detonateur , inventé par un jeune tunisien , devenu celebre dans le monde entier. Une fois le premier domino tombé, sa chute ebranla tous les autres encore debout. Instinctivement les egyptiens, les lybiens, les Yemenites, Bahreini, Syriens, Iraniens , … et tous les autres, jusuq’en Chine , sentirent le seisme et se leverent comme un seul homme a l’appel mysterieux qui frappait a leur porte et qui leur disait « c’est le moment ! en avant !! ». Voila comment on peut dire que l’effet domino est bien reel dans ces revolutions qui se droulent sous nos yeux et qui a leur tour continuent d’ebranler et d’entrainer la chute des maillons failbes encore debout, mais vacillants!

  6. Ce n’est pas ainsi que l’Histoire se met en branle. L’Histoire ne se met en branle que par l’action inconsciente et animale de l’Homme. Sans elle, aucune révolution possible. A cet égard, Tunisiens et Égyptiens, sans même nous donner une leçon de démocratie, nous donnent surtout une leçon d’existentialisme c.a.dire :
    « Si je mange pas , je me fache!! »
    Le reste n’est que poésie.
    Mais le réel est la poésie du pauvre…ce que vous ne pouvez pas connaitre!