En incarcérant Jafar Panahi, les dirigeants iraniens ont déclaré la guerre à leurs artistes.

Ils ont mis hors-la-loi leur cinéma qui était, et est encore, l’un des grands cinémas du monde.

Ils ont mis hors-la-loi leur peuple ou, tout au moins, cette immense partie de leur peuple (celle qui,
voici 18 mois, votait, en majorité, pour Moussavi) à laquelle Panahi était soupçonné de vouloir consacrer un film.

Ils ont inventé un crime – l’intention d’un film – que même les Staliniens n’avaient pas osé imaginer.

Ils ont inventé un châtiment – vingt ans de bâillon, au terme des six ans d’emprisonnement – qui semblait n’avoir cours que sous les dictatures imaginaires d’Alfred Jarry ou de Georges Orwell.

Ils se sont mis au ban des Nations.

Ils ont signifié aux Nations qu’au bout de la course folle dans laquelle ils se sont  engagés, notre avis, notre jugement, notre éventuelle condamnation, ne comptaient plus vraiment pour eux.

Ils ont perdu la tête.

Ils ont perdu l’amour de leur pays, de ses valeurs, de sa culture.

Ils sont capables de tout, à partir de là.

Ils sont dans une spirale de paranoïa et de démence qui peut déboucher sur une crise, une dissension, une implosion – mais aussi, hélas, sur le pire.

Laisserons-nous ce pire advenir?

Assisterons-nous, impuissants, aux prochaines provocations de cet État devenu autiste?

Et qui, après Sakineh, qui après Panahi, qui après Blogfather, le blogueur condamné à 19 ans et demi de prison pour avoir défendu et illustré les vertus d’internet devant la jeunesse de son pays, qui, après Nasrin Sotoudeh, l’héroïque avocate elle aussi emprisonnée et que le régime tente également de briser, qui, après tous ceux-là, sera-t-il la prochaine victime de ces fanatiques auto-couronnés?

L’énormité de la provocation – il faudrait dire: de ces provocations en série… –  appelle une riposte à sa mesure.

Sur le plan des principes, tout d’abord: les Iraniens fabriquent des symboles ; ils produisent à la chaine des coupables, sortes d’élus à rebours, sur qui va pouvoir peser tout le poids des machines répressives; eh bien, nous ne devons pas céder sur ces cas apparemment singuliers; nous devons, nous aussi, comme si l’avenir de l’Iran et du monde en dépendait, nous battre pour la libération, ici d’un cinéaste, là d’un blogueur embastillé, là d’une institutrice azérie condamnée à la lapidation; nous devons, puisque ces furieux l’ont déclarée, gagner cette bataille des symboles.

Sur le plan politique, ensuite: les démocraties, les Nations-Unies, le monde, viennent, une fois n’est pas coutume, et face à la crise ivoirienne, de montrer ce qu’il était possible de faire, et quelles sanctions pouvaient être prises, face à un État hors-la-loi; eh bien Ahmadinejad vaut bien Laurent Gbagbo; emprisonner Jafar Panahi, ou Mohammad Rasoulof, n’est pas moins exorbitant à la loi internationale et au droit que de truquer une élection (d’autant qu’Ahmadinejad a fait les deux et qu’il a commencé, lui aussi, en juin 2009, avant d’emprisonner Panahi, par voler leur vote aux Iraniens); alors traitons l’un comme nous traitons l’autre; gelons les avoirs du régime iranien comme nous gelons les avoirs du régime ivoirien; déclarons Ahmadinejad, Khamenei, leurs familles, leurs ministres, persona non grata à l’extérieur de l’Iran; et, last but not least, mettons en œuvre le système de sanctions dont chacun sait ce qu’il devrait être et dont nul n’ignore que le régime n’y survivrait pas six mois.

Il dépend de l’essence qu’il importe: couper le robinet et les pompes contribuerait, sans aucun doute, au soulèvement qui gronde dans les rues de Téhéran, Ispahan, Tabriz ou Qom.

Il vit du pétrole que le monde et, en particulier, les États-Unis lui achètent: les États-Unis, la chose est peu sue, ont reconstitué leurs réserves à un niveau tel qu’ils peuvent passer des années à boycotter le pétrole des mollarques.

Nous n’avons, de toutes façons, plus le choix.

C’est, aujourd’hui, la fermeté – ou, demain, la tragédie.

11 Commentaires

  1. Quelle sanction appliquer quand on sait que les réalités économiques priment. Seul le peuple iranien conscient des perversions de ce régime théocratique peuvent agir. Il en a les capacités. C’est un peuple qui a marqué de sa trés forte empreinte notre humanité.
    A lire pour comprendre l’âme iranienne: « la conférence des oiseaux » de ATTAR publiée la première fois en 1177.
    http://delville.over-blog.fr

  2. La Côte d’Ivoire n’est pas l’Iran… du moins pour la France.

    Savez-vous combien de militaires francais sont déployés là-bas et depuis combien de temps ? Savez-vous combien d’expatriés vivent là-bas ? Savez-vous combien d’intérêts ont nos entreprises là-bas ?

    Puis comparez avec l’Iran

    Enfin dans votre discours vous oubliez une chose : le sentiment panarabique des populations et de certaines de ses élites y compris politiques.

    Car est-il humainement acceptable pour un cinéaste emprisonné de mettre définitivement le feu aux poudres (qui ne demandent qu’à exploser) au Moyen-Orient ?

    • @Prelati, je n’arrive pas à relier la dernière question à ce qui précède dans votre intervention… Mais j’ai envie d’y répondre : le droit d’expression est LE principe des sociétés à régime démocratique. Ce droit était refusé aux citoyens, illustres ou pas, artistes ou pas (et encore moins dans ces deux cas) dans l’ex URSS – pour ne prendre que cet exemple. La voix de l’Occident s’élevait contre cette « barbarie » pour masquer sa peur, en réalité, du communisme. Le risque aujourd’hui est autre, et les intérêts avec. Faut-il l’admettre et s’en contenter ? « Mettre définitivement le feu aux poudres » dites-vous, mais rien dans le plaidoyer de Panahi ne relève d’un tel orgueil !
      Et puis, dans un autre registre, admettez que les sociétés évoluent grâce aux artistes bien plus vite que grâce aux politiques ! Voilà pourquoi il est « essentiel » que Panahi retrouve le droit d’exercer, et surtout dans son pays s’il y tient…
      La liberté n’est pas seulement un mot qui se traduit plus ou bien !

    • Le feu aux poudres, s’il est mis, ce ne sera pas juste au nom de M.Panahi ou de Sakineh !
      Mais aux noms de tous les opprimés iraniens (mais la liste est trop longue)et de tous ceux morts même innocents et de façon abjecte dans ces prisons de l’enfer d’Iran.
      Il est indipensable que des personnes célèbres, compétentes et ayant du poids sur le devant de la scène internationale, sachent dire non haut et fort à la pendaison, à la lapidation, au sous-traitement des femmes dans ce pays, à l’obscurantisme, aux politiques hors-la-loi qui se permettent de piquer le pouvoir et d’en faire n’importe quoi, tels des souverains du Moyen-âge !
      Ces opprimés ont besoin de porte-paroles, vu que là-bas on ne les laisse pas s’exprimer !!!
      Et n’oublions pas qu’il est établi que toute personne ne respectant la loi est punie.
      Ces hors-la-loi au pouvoir ont aussi a être punis et à rendre des comptes, il n’y a pas de raison qu’ils y échappent sous prétexte qu’ils se sont imposés au pouvoir.
      Ce serait le comble de l’absurdité et de l’injustice !

  3. Ahmadinejad et Laurent Gbagbo, ça fait au moins deux et c’est déjà une association.
    Qui d’autre va leur emboîter le pas ?
    Le droit d’ingérence est-il vraiment à l’ordre du jour ? Les nations démocratiques attendent-elles qu’il soit trop tard pour donner de la voix ? Ne se sentent-elles pas menacées ?
    Sommes-nous contraints d’assister à ces forfaitures sans réagir, voire sans broncher ? Il faudrait une ONU courageuse, une Europe courageuse, une Amérique courageuse… bref, qu’une humanité existât pour contraindre de tels tyrans à régner honorablement sur leur peuple.

    • Au nom de quoi les principes occidentaux doivent-ils régir le monde ?

      Le Droit d’Ingérance a trouvé ses limites il me semble et c’est une bonne chose. A force de vouloir un monde à notre manière, nous cassons ce monde sans savoir ce que nous allons récupérer…

      Quand j’entends ces appels à la guerre ici-même… je me pose de drôles de questions

  4. La fixette que se fait Mr Levi sur l’Iran frise l’acharnement, et il ne prend pas beaucoup de risques en faisant de sorte, il est sûr de faire l’unanimité et facher personne. A l’instar de toute dune vague qui fait ou veut faire la guerre à l’Iran pour des raisons tellement claires que ca en devient gênat, Mr Levi a toujours un « martyr »a défendre. Si je lisais un peu plus souvent des articles sur ce qui se passe en Palestine , aux États-Unis d’Amérique, pourquoi pas en Corée du Nord(c’est vrai que c’est pas sexy la Corée du Nord), il n’en serait que plus crédible. Le problème avec lui c’est qu’il ne se met jamais en danger, ce qui , pour un philosophe qu’il est sensé être, est un quasi devoir (je pense aux intellectuels comme Noam Chomsky par exemple).L’honnêteté intellectuel de ce monsieur est à la hauteur de ses qualités de metteur en scène de cinéma(vu que l’on parle d’un cinéaste…) et vu la fortune que Mr Levi détient il pourrait alors produire ce metteur en scène iranien. »Un acte vaut mille parole » dit-on, n’est ce pas!!!! Mais question parole, nous sommes servis, assomés même par le discours martelé par notre philosophe (discours et refrain repris par quelques autres locataires du PAF et des journaux) préféré du PAF pas de téléspectateurs mais bien du PAF et de ceux qui font la télé).

    • @Rouai, la « fixette » que vous faites sur BHL est hors sujet. Noircir une page de tels commentaires révèle chez vous une lacune : vous ne comprenez pas ce que vous lisez..!

    • Venir sur LRDJ exclusivement pour taper sur BHL (qui doit s’en moquer comme d’une guigne), j’avoue ne pas bien comprendre l’intérêt.

      Je ne suis pas, loin de là, toujours d’accord avec BHL (laïcité, Israël, Camus… ) mais au moins il nous invite sur un espace… si nous pouvions débattre sans nous cracher à la figure, ce serait une belle avancée

  5. Depuis Juin 2009 le régime islamique se sent menacer par le peuple Iranien .A l’exemple de sa représailles du 20 Décembre 2010 contre les Baloutches et la pendaison de 11 personnes sans jugements et par des peines lourdes d’emprisonnement contre l’opposition , le régime totalitaire islamique essaie d’intimider et de baisser la revolte grandissante de tout un peuple .
    A l’extérieur il fait tout pour faire oublier sa répression criminelle qui dure depuis son existence en 1979 et en cherchant à montrer qu’il ne reculera pas sur aucun dossiers ni devant le peuple iranien et ni devant les nations unies !
    Vos propositions du gel des avoirs du regime ,accompagnées par des mesures et des sanctions politiques des nations unies contre les crimes journalières des droits de l’homme du regime islamique et enfin l’arrêt d’achat du pétrole mettra à genoux et à jamais ce genre de régime totalitaire et cela sans AUCUNE GUERRE. En effet le peuple iranien , des centaines de milliers de jeunes femmes , d’ouvriers et d’étudiants attendent la moindre baisse de la répression pour en finir une fois à jamais avec ce régime théocratique et fasciste .

  6. Je pense également que le président iranien n’est qu’un hors la loi, un pirate des temps modernes et qu’il devrait être traité dès à présent au même titre que par exemple vient de l’être Laurent Gbagbo en Côté d’Ivoire par diverses voix internationales.
    Les démocraties doivent restées soudées face à tous ces imposteurs et il est leur devoir je pense de dire qu’elles ne sont pas d’accord et qu’elles sanctionnent ensemble et avec fermeté.
    Tout être lorqu’il ne respecte pas les lois est sanctionné, pourquoi certains y échapperaient ?
    Parce qu’ils ont réussi usurper le pouvoir de leur pays ?
    Quant au pétrole iranien, il ne servira bien un jour plus de monnaie au chantage.
    Tôt ou tard, il faudra bien le remplacer par des énergies plus propres.
    Sinon, nous courons vers la fin d’une quantité d’espèces, dont la nôtre irrémédiablement !