Au lendemain de la vraie-fausse libération de Sakineh et des siens, immense piège tendu aux médias internationaux — piège dans lequel La Règle du Jeu n’est pas tombée — par la diffusion de photos de Sakineh et de son fils dans leur domicile à Oskou, la chaîne iranienne Presse TV, et à travers elle le gouvernement iranien, défie à nouveau la mobilisation internationale en faveur de Sakineh. Un énième reportage, mascarade, mise en scène ou confessions forcées — c’est selon —, impliquant toujours et encore Sakineh, son fils, et son avocat a été véhiculé hier soir.

Le documentaire débute avec des images de Paris. Des portraits de Sakineh arborent la place du Trocadéro. La voix chaleureuse et agréable d’une journaliste présente le cas. « Voici le cas de Sakineh Mohammadi Ashtiani. Si vous avez suivi les actualités durant l’année dernière, son cas vous est sûrement familier. Une campagne visant à la libérer, rapports de son exécution imminente, des critiques du traitement inhumain de la part de l’Iran, et des manifestations en sa faveur. Ce qui a réellement donné un impact à l’histoire est l’intense couverture des médias qui ont révélé le conte d’une innocente femme condamnée. Mais une histoire a toujours deux côtés, et parfois bien plus… ». (Voilà, le ton de l’émission est donné. Nous allons assister par la suite à une violente charge contre l’Iranienne.) Et la journaliste sait tenir son public en haleine: « Une histoire qui comprend des relations, un meurtre, de la prison, des exécutions, et bien plus… », dit-elle.

L’équipe s’est tout d’abord rendue fin novembre dans la ville d’Oskou, commune du nord-ouest de l’Iran, où Sakineh a grandi. On nous présente tout d’abord Ebrahim Ghaderzadeh, 43 ans, le mari de Sakineh. Il a travaillé vingt ans en tant qu’employé de la banque locale. Lorsqu’il a perdu son travail, début 2005, il a trouvé un nouvel emploi dans la ville de Karak, au nord de Téhéran. Sakineh et lui ont vécu 23 ans ensemble jusqu’au jour où il a été brutalement assassiné. Est alors diffusée une photo du corps du mari, comportant des brûlures sur le visage.

Soudain, c’est Sakineh elle-même qui fait son apparition, dans le domicile familial d’Oskou. Elle porte les mêmes vêtements que sur les photos diffusées la veille par Press TV, et qui suggéraient une libération. Elle paraît en forme, on décèle même chez elle un léger sourire. C’est alors que l’Iranienne va nous expliquer en persan, comment Issa Tahéri, le cousin du mari et coupable du meurtre, est rentré par téléphone en contact avec elle.

Mais petit problème : Sakineh ne maîtrise pas du tout le persan. Elle ne parle que l’azéri, une langue se rapprochant du turc qui est pratiquée par la minorité azéri, la plus importante du pays, au nord-ouest de l’Iran. Comment cela se fait-il donc que la personne en face de nous le pratique à merveille?

Dès que le nom d’Issa Tahéri est prononcé, la journaliste part à sa recherche. Or celle-ci nous révèle bientôt que l’homme ne figure sur aucun registre, et qu’il serait en réalité un voyou en fuite. Mais la journaliste a du métier, et parvient, à notre grande joie, à mettre la main sur Tahéri. Elle réussit même à le filmer, mais en caméra cachée (c’est plutôt sa main qui va cacher sa caméra). Mais l’homme, reconnu coupable du meurtre du mari de Sakineh, va tout simplement refuser de parler. Il est aujourd’hui libre.

La parole est de nouveau donnée à Sakineh. « Il m’a dit qu’il souhaitait devenir mon petit-ami », révèle-t-elle dans un parfait persan. « C’est là que nous avons entamé notre relation ».

« Dans certaines sociétés, entretenir une relation (en dehors du mariage), est plus ou moins considéré comme un tabou », nous explique en anglais la journaliste iranienne de Press TV. »En Iran, ceci est toujours un énorme tabou; dans une société dont les croyances culturelles et religieuses le considèrent comme une trahison sociale et morale. Ceci est d’ailleurs reflété dans son système légal ». Pour étayer ces propos, la parole est donnée à une psychologue iranienne, Zeynab Khanjani: « une faible conscience morale, un sens moral non-développé, ainsi que les caractéristiques d’une immaturité morale telles qu’un désordre anti-social de la personnalité demeurent les facteurs internes qui conduisent les personnes vers la trahison ».
Mais la République islamique, pardon la journaliste, ne veut pas faire d’amalgame. Ainsi, celle-ci interroge par la suite un pasteur, le révérant Yerisheh Manjikian, de l’église arménienne de Tabriz, qui va confirmer ces propos.
La voix-off reprend alors l’exacte rhétorique gouvernementale: « Mais l’histoire de Sakineh est une trahison qui a mené à un meurtre ». L’image qui suit(7ème min) est saisissante…tout du moins pour toute personne connaissant un tant soit peu les us et coutumes de la télévision iranienne. On aperçoit en effet une Sakineh assise, vêtue d’un manteau noir serré, prêt à éclater, à la limite de la transparence. Et c’est un cas sans précédent pour une télévision d’État iranienne qui a pour habitude dans ses programmes de vêtir ses femmes avec des tchadors ou de larges manteaux. À coup sûr, c’est la débauche de l’Iranienne que l’on souhaite faire transparaître à l’écran.

« Il m’a annoncé qu’il voulait tuer mon mari », avoue Sakineh, qui nous explique comment elle a endormi son mari avant que son complice ne l’électrocute, de la même manière qu’elle l’avait fait il y a cinq mois, lors de ses premières confessions télévisées, obtenues selon son avocat après deux journées entières de passage à tabac. La seule différence est qu’à l’époque, ne parlant pas le persan, elle s’était exprimée en azéri. On aperçoit alors pour la première fois Sajjad, son fils, emprisonné depuis deux mois dans la même prison de Tabriz. Il porte un pull rayé, et a la mine triste, peut-être résultat direct des tortures qu’ils a reçues, et dont on avait obtenu confirmation. La journaliste nous annonce alors que Press TV a obtenu la permission du pouvoir judiciaire iranien pour se rendre sur le lieu du crime. Et cerise sur le gâteau, elle a même obtenu que Sakineh les accompagne pour la reconstitution de la scène du meurtre, pour la première fois depuis 2006. Ceci n’a pourtant pas lieu d’être étant donné que le dossier du meurtre est clos depuis maintenant quatre ans et que l’Iranienne a été innocentée.

Et, comble du macabre, c’est Sajjad, le fils de Sakineh mais également celui du mari assassiné, qui va jouer le rôle du mort, allongé sur le lit, et qui reçoit les injections de somnifère par Sakineh. Le naturel et la désinvolture avec lesquelles Sakineh décrit les gestes qui l’ont menée à endormir son mari est pour le moins déconcertant. Vingt minutes plus tard, révèle l’Iranienne sur une musique des plus angoissantes, Issa Tahéri est arrivé. Une main gantée attache alors des fils électriques autour de doigts de pied, représentant ceux du mari, une scène entremêlée de véritables photos du corps électrocuté d’Ibrahim.  » Issa l’a électrocuté six fois », affirme Sakineh. Mais il bougeait toujours. Il l’a tué la 7ème fois ». Selon le médecin légiste interrogé, le corps de la victime présentait des signes de brûlure par électrocution sur les pieds, le visage, ainsi que le cou.

La journaliste poursuit : » il existe ensuite deux versions de la raison qui a poussé Sakineh à se rendre au commissariat de police le 28 septembre 2005″. La première est dévoilée par Sakineh elle-même: « je m’y suis rendue car j’avais mauvaise conscience en raison de ce que j’avais commis.La journaliste annonce alors :  » la seconde version est inclue dans ces rapports de police du meurtre que Iran today a obtenu exclusivement. Il y est écrit que Sakineh a été convoquée par la police et a vite confessé avoir participé au meurtre. Dans sa première confession, elle a dénoncé Issa Tahéri. La police l’a arrêté et celui-ci a vite admis la charge ». Mais nous ne sommes pas au bout de nos mauvaises surprises. Ainsi, la voix-off révèle ensuite que le 22 octobre 2005, une autre plainte a été portée contre Sakineh Ashtiani par la femme d’un marchand du quartier qui était convaincue que son mari entretenait des relations sexuelles avec elle. Et ce n’est pas tout. Selon le reportage, « une nouvelle investigation séparée était ouverte, selon plusieurs accusations qui affirmaient que Sakineh était engagée dans des activités sexuelles pour de l’argent. La police a découvert des preuves selon lesquelles il y a eu deux relations. Sakineh a confessé la prostitution ». (Sakineh prostituée? On aura tout vu…)

Mais l’émission sait s’y prendre. Sakineh se cache alors le visage avec un mouchoir, avant de fondre en larmes. Elle est ravagée par la honte. Pourtant nul ne sait si cela est dû à ce que la journaliste vient d’affirmer, ou pour toute autre chose.

Le document poursuit: « Sakineh et Issa ont été accusés de meurtre. Les deux amants ont été jugés pour adultère. Sakineh pour prostitution, en compagnie de deux autres hommes ». Jamais, au grand jamais, Sakineh n’a été jugée pour prostitution. Elle a été condamnée en avril 2006 à recevoir 99 coups de fouet (qu’elle a reçus devant son fils) pour « relation illégale » avec deux hommes, sur la base d’aucun témoignage ni d’aucune confession.

« En février 2006, le dossier de Sakineh a attéri sur le bureau du procureur général de Tabriz, pour être signé. Mais lorsqu’il l’a vu, le procureur général a demandé qu’il soit réouvert, afin qu’il soit examiné par le Cour suprême. Celui-ci a été envoyé à la Cour suprême, composé de cinq juges. Le verdict final était divisé. Deux ont affirmé qu’aucune action supplémentaire ne devait être retenue. Trois ont annoncé que Sakineh devait être lapidée ». Mais la journaliste tempère. En réalité, c’était un verdict plus symbolique, car au moment où la peine de lapidation a été prononcée, une loi existait depuis un an, interdisant la peine de lapidation. C’est ce qu’avait affirmé le Chef de l’autorité judiciaire de l’époque, l’Ayatollah Shahroudi, mais étant donné que cela a mis du temps à être effectif, des contradictions pouvaient survenir ». C’est là que la journaliste introduit le triste cas du tout aussi triste fils de Sakineh, Sajjad Ghaderzadeh, à l’origine de la mobilisation internationale pour sauver sa mère.

 » Mais Sajjad ne pouvait s’en contenter. Il craignait que la loi soit annulée et que sa mère puisse risque à nouveau de mourir ».

La parole est donnée à Sajjad, dont on n’avait aucune nouvelle depuis ses « confessions télévisées » d’il y a trois semaines, où celui-ci s’en est pris à la mobilisation internationale qu’il avait pourtant lui-même lancée. (Il faut dire qu’il est coupé du monde extérieur depuis maintenant deux mois, sans accès à un avocat).

Sajjad semble exténué. Il lit une feuille pour s’exprimer, peut être ce qu’on l’a forcé à annoncer devant la caméra. Il explique que pour trouver un moyen de sauver sa mère, il a frappé à toutes les portes. Et c’est en cherchant le terme « stoning » sur internet, qu’il est tombé sur Mina Ahadi, la porte-parole du Comité international contre la lapidation.

La journaliste va alors interviewer le procureur général de Tabriz, Mousa Khalilohai, qui va s’en prendre à celle qui est désormais qualifiée de « Chef de la campagne internationale pour Sakineh ».

Et la grande nouveauté, c’est qu’en plus d’être une communiste contre-révolutionnaire, ce dont le dernier reportage en date de la télévision d’État l’accusait, Mina Ahadi est désormais décrite comme membre d’un groupe terroriste durant ces années, dont le groupe séparatiste kurde armée Komeleh, évoluant dans le Kurdistan iranien (ouest du pays) et proche du PKK. Décidément, on aura tout vu.

La journaliste affirme ensuite qu’elle a tenté de contacter Mina Ahadi, et qu’elle n’a répondu à aucun de ses messages. Étrange, d’autant plus que le numéro de la porte-parole du Comité international contre la lapidation est connu de tous, et que je ne connais, pour ma part, aucun journaliste auquel elle n’ait daigné répondre. Selon l’émission, la solution immédiate qu’a trouvée Mina Ahadi pour répondre aux craintes de Sajjad est Mohammad Mostafaei, un des avocats des droits de l’homme les plus illustres d’Iran.

Là-dessus, Sajjad est une nouvelle fois interrogé : « j’ai contacté Mostafaei et il m’a demandé 2000 $. Et on lui a versé. Je ne l’ai jamais vu. On a uniquement parlé au téléphone ». Mostafaei mercenaire? Va alors être diffusée une interview de l’avocat à la BBC dans laquelle il affirme « ne pas avoir reçu un sou de la part de tous ses clients relatifs aux droits de l’homme ». Ainsi, après Mina Ahadi, c’est le premier avocat de Sakineh qui est fustigé. Il est tout de même nécessaire de rappeler que celui-ci a été forcé de fuir son pays, l’Iran, pour la Norvège, lorsqu’un mandat d’arrêt a été émis à son encontre, malgré l’arrestation pendant une semaine de sa femme à Téhéran pour le forcer à se rendre.

Et la journaliste tient toujours en haleine le téléspectateur. « Mais la longue histoire, avec tous ces rebondissements, que vous venez d’entendre, n’est pas mentionnée dans les médias étrangers ». Après Mina Ahadi et Mohammad Mostafaei, devinez à qui va s’en prendre l’émission « journalistique »? Au second avocat bien sûr.

Et c’est au tour de ce dernier, lui aussi emprisonné depuis deux mois et soumis à de sévères tortures, de s’exprimer. Il paraît considérablement affaibli et nerveux, à des lieues de l’avocat jovial que l’on connaissait. Mais symbole de son courage, malgré les nombreuses tortures reçues, il ne va incriminer personne, ou seulement lui-même. « Pourquoi ai-je envoyé tous ces documents sur le dossier de ma cliente aux activistes des droits de l’homme à l’étranger?, va-t-il demander. Pour l’énorme publicité reçue à l’extérieur du pays, dès que l’on apprend que pour toute relation en dehors du mariage, c’est la lapidation qui est prononcée ». Selon la journaliste, Houtan Kian ajoute que c’est le premier avocat, Mohammad Mostafaei qui l’a mis en contact avec Mina Ahadi pour prendre en charge le dossier de Sakineh. Or, du temps où il était encore en liberté, Houtan Kian était formel. Il n’était autre que l’avocat commis d’office de Sakineh. (Il est intéressant de noter que ces affirmations sont prononcées par la journaliste, et pas directement par Houtan Kian. Pourquoi? On l’ignore).

Dernières personnes à être blâmées par le reportage, les deux journalistes allemands du Bild, en prison eux aussi depuis le 10 octobre dernier alors qu’ils interviewaient Sajjad dans le bureau de Houtan Kian. Toujours selon la journaliste, Houtan Kian aurait expliqué que Mina Ahadi souhaitait intensifier la campagne médiatique occidentale. Et pour ce faire, elle a demandé à deux journalistes allemands de se rendre en Iran pour interviewer Sajjad.

C’est une nouvelle fois à Sajjad de « témoigner », toujours aussi près de ses notes: « Mme Ahadi m’a affirmé que je devais leur accorder une interview. J’ai d’abord refusé, et Houtan aussi. Mais après avoir parlé à Mme Ahadi au sujet de sa condition, Houtan Kian leur a demandé de venir en Iran en tant que touristes, et que si ce n’était pas le cas, il n’accorderait aucune interview ». Énième mensonge! Les deux journalistes souhaitaient se rendre en Iran pour décrocher l’interview exclusive de Sajjad et de Houtan Kian. Ils n’avaient d’autre choix que de s’y rendre avec un visa de touriste, étant donné que la République islamique ne leur aurait jamais délivré d’autorisation officielle pour interviewer le fils et l’avocat de Sakineh, dont les interviews avec les médias étrangers les dérangeaient énormément. Dans ce but, ils ont joint Mina Ahadi afin de pouvoir rentrer en contact avec Sajjad. C’est d’ailleurs la militante des droits de l’homme qui traduisait en simultanée depuis l’Allemagne la conversation, et qui a donc été témoin par téléphone de l’arrestation. On craint dès lors qu’avec de telles affirmations faites par la journaliste, Houtan Kian, déjà manifestement mal en point, ne soit pas épargné par la justice iranienne.

La journaliste dévoile ensuite leurs noms, ce que ni le gouvernement allemand, ni le quotidien Bild n’avaient souhaité faire, afin, disaient-ils, de privilégier la diplomatie. C’est donc la chaîne Press TV qui s’accorde ce privilège.

« Les deux journalistes se nomment Yens Andreas Koch, 29 ans et Marcus Alfred Rudolf Hellwig, 45 ans ».

Retour à la voix officielle du Régime iranien, par l’intermédiaire du procureur de Tabriz : « ces deux citoyens allemands sont rentrés dans le pays avec des visas de touriste sans obtenir d’autorisation de la part du système légal iranien pour travailler à l’intérieur du pays. Ils ont violé les lois de notre pays. Ils ont été informés des charges qui pèsent sur eux et ont reconnu avoir violé la loi ». Après ce genre d’affirmation, on voit mal les deux Allemands retrouver leur famille avant Noël, comme le prétend le proche Conseiller du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, Rahim Mashaei, dans une interview au Frankfurter Allgemeine Zeitung. Ou alors peut-être uniquement une libération provisoire de quelques jours à l’ambassade allemande à Téhéran.

Et ce qui suit ne va pas les aider: Press TV diffuse des photos annoncées comme « exclusives » que les deux journalistes auraient prises depuis leur voiture dans la ville de Tabriz. On peut y apercevoir la prison centrale de tabriz, le bâtiment officiel du pouvoir judiciaire, soit uniquement des lieux où la photographie est interdite. Et en sachant qu’en juillet 2003, la photojournaliste canado-iranienne Zahra Kazemi a été tuée pour avoir pris des photos de la façade de la prison d’Evin de Téhéran…

Mais la journaliste annonce par la suite que malgré la demi-heure qu’elle a passé avec eux, ceux-ci ont refusé de leur accorder une interview face caméra. C’est donc de nouveau Sajjad qui va se charger de dévoiler le contenu de leur rencontre.

 » Mina Ahadi m’a annoncé que ces journalistes étaient inquiets de leur situation, et que s’ils conduisaient cette interview et parvenaient à rentrer en Allemagne, cela aidera beaucoup au dossier de ma mère ».

Il est nécessaire de rappeler que début octobre, la mobilisation internationale pour sauver Sakineh commençait à faiblir, et que cela inquiétait énormément Sajjad. Ainsi, et le jeune garçon, et son avocat Houtan Kian, nous avaient affirmé à plusieurs reprises et de leur propre chef qu’ils étaient prêts à consentir à des interviews, malgré les risques encourus, à tout moment. « Je n’ai plus rien à perdre », nous affirmait à l’époque Sajjad.

Pendant que le fils de Sakineh parle, on voit défiler à l’écran les passeports ainsi que les effets personnels des deux journalistes. La journaliste iranienne en profite alors pour incriminer à nouveau ses deux confrères. « Les deux journalistes nous ont affirmé en off qu’ils n’avaient mené aucune interview avec Sajjad. Regardez cette photo prise par eux lors de leur rencontre avec (Houtan) Kian et Sajjad : la lumière rouge du dictaphone est alumée, ce qui signifie qu’ils sont en train d’enregistrer ».

La journaliste rappelle que fin novembre, le chef de la commission des droits de l’homme d’Iran, Mohammad javad larijani a annoncé qu’il y avait de grandes chances que la vie de Sakineh soit épargnée, mais que les responsables judiciaires iraniens ont annoncé que son cas à l’étude, par le système judicaire légal du pays, et qu’aucune pression n’aura d’impact sur le cas.

Pour confirmer ses propos, elle fait de nouveau appel au procureur général de Tabriz:

« depuis l’année dernière une série de personnes ont voulu écarter ce dossier de son cheminement légal et judiciaire et le politiser. Nous ne portons aucune attention à eux, et nous poursuivons notre travail selon la loi du pays, et selon les droits civils de tous les accusés ». Intéressant, on se demande dès lors où sont ces droits, lorsque Sakineh n’a plus d’accès à son avocat depuis le 11 août dernier, et que son fils et son avocat demeurent en prison depuis deux mois, eux non plus sans accès à un défenseur.

Et la voix off de conclure:

« Voici l’histoire de Sakineh Mohammadi Ashtiani, avec tous ses rebondissements, compliqués par des événements autant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays et de Ebrahim Ghaderzadeh, tué par Sakineh (mais où est la présomption d’innocence???? Notamment de la part d’un journaliste????), jamais mentionné dans les médias occidentaux. Une vie perdue, déjà oubliée dans ce conte, tandis que Sakineh a été faite symbole d’un mouvement qui affirme se battre contre le traitement inhumain et la lapidation des femmes ». (On comprend mieux dès lors pourquoi ils ont pris dans ce « reportage » une voix douce et chaleureuse de femme. Pour que l’on ne puisse les accuser de misogynie).

« Mais une chose n’a pas changé : Sakineh est toujours aujourd’hui en prison et le pouvoir judiciaire a répété qu’il ne sera influencé par aucun des événements qui se sont produits. »

On l’aura compris, ce n’est plus la journaliste qui parle, mais le gouvernement qu’elle représente. Par cette phrase, il tait pour de bon les débats quant à une hypothétique libération de Sakineh et se moque une nouvelle fois de l’ensemble des journalistes du monde entier, à qui il avait pourtant suggéré la nouvelle. C’est affligeant, mais surtout on ne peut plus inquiétant pour Sakineh, Sajjad, Houtan Kian, Yens Koch, et Marcus Hellwig.

5 Commentaires

  1. Si ca se trouve, elle est déjà morte ! Ils n’ont peut être pas eu le choix de lui trouver un sosie car ils ne sauraient plus comment faire.

    Il faut la sortir de là nom de dieu !

  2. Entièrement d’accord avec vous Yasmine !
    Tous ensemble contre l’obscurantisme, la terreur menée par ces fous interprétant faussement ce qu’est « La religion » au sens noble du terme, la malhonnêteté, le mensonge, l’absence de lois loyales et dignes respectant les droits de l’Homme et ceux de la femme à part égale de l’homme !
    Tous ensemble pour une Iran libre où chaque être pourrait vivre sa vie selon ses envies, ses ambitions, ses capacités et ses droits, qui respecterait le code de l’éthique et les lois régissant les droits de l’Homme !

    • tout à fait d’accord avec vous …nous devons lutter contre les préjugés et pour la dignité des femmes en toutes circonstances…Une laicité « plurielle » doit pouvoir exister en IRAN sans pour autant copier un modèle occidental qui ne serait pas adapté au contexte géopolitique…

  3. Merci pour ce résumé. C’est bien ce que j’ai ressenti également en regardant le reportage! Entre autres, les vêtements étroits de Sakineh, le foulard dévoilant des cheveux ce qui est contraire à ce qu’exigent les mollahs! Tout ceci pour briser l’image de Sakineh! Allant même jusqu’à parler de prostitution??? Ils sont gonflés. N’est elle pas institutrice de formation! Tout simplement ridicule! Et puis ils sont très mal placés quant on sait que le mariage temporaire pour quelques heures ou années moyennant finance est autorisé pour assouvir les désirs des hommes, les femmes n’étant que de simples objets sans aucun droit. Et pour couronner le tout, la voix suave de la soit disant journaliste pour nous faire croire qu’ils n’ont rien de misogynes et une psy qui parle pour ne rien dire. Ce reportage est censé, je suppose, remplacé un procés! Sakineh déclarée coupable de tout par une journaliste et hop expédié, pas besoin d’avocats, pas besoin de preuves… Pardon, l’impression d’un juge étant déterminante et suffisante!
    Sajjad faisait pitié, on sent que ce garçon est à bout de force, torturé et drogué probablement. La mascarade était abjecte, psychologiquement terrible, insupportable et ignoble pour la mère, le fils… et nous aussi.
    Quel calvaire! Quel pays! Pauvres gens! Pauvre peuple iranien. Quand connaitrez vous la paix?
    Rien ne s’obtient sans rien, pas d’autres choix que de se battre! Tous avec vous contre l’obscurantisme. La terreur ne durera pas comme par le passé!