Dix-sept. Cela fait dix-sept jours que Sajjad Ghaderzadeh, le fils de Sakineh, et Javid Houtan Kian, son avocat, sont retenus prisonniers par les forces de sécurité iraniennes, après avoir été arrêtés en pleine interview avec deux journalistes allemands du Bild. Depuis, c’est le néant. Si l’Allemagne a pu bénéficier la semaine dernière d’un accès consulaire à ses deux ressortissants, ni Berlin, ni même Téhéran, n’ont daigné évoquer ne serait-ce que le nom des deux prisonniers iraniens, comme s’ils n’avaient jamais existé. C’est pourtant grâce à eux que la mobilisation internationale pour sauver Sakineh a vu le jour. C’est pourtant grâce à eux que l’Iranienne est, pour l’instant, épargnée. Et surtout, ils n’ont commis aucun crime, aucune charge n’est retenue contre l’un comme contre l’autre.

Selon nos sources sur place, Sajjad et Javid Houtan Kian seraient toujours à l’heure actuelle soumis à de sévères et incessants interrogatoires dans la prison de Tabriz, celle-la même qui abrite Sakineh. Ainsi, les autorités iraniennes ont-elles voulu que le fils rejoigne sa mère et partage son terrible sort… Mais les dernières nouvelles ne sont pas bonnes. « Sajjad est la principale cible des interrogateurs », révèle Mina Ahadi, porte-parole du Comité international contre la lapidation. « Alors que les interrogatoires contre Javid Houtan Kian pourraient prendre fin, ouvrant la voie à son jugement, Sajjad est, lui, extrêmement inquiété par ses geôliers, ajoute-t-elle ». Comprenne qui voudra. Mais il faut bien dire que cette nouvelle glace les sangs.

Cependant, tandis que l’ensemble de la presse, mais surtout les dirigeants internationaux, restent quasi muets sur cette affaire, c’est paradoxalement d’Iran que semble venir une petite lueur d’espoir. Elle prend la forme d’une lettre, à l’image de celles que Sajjad a si souvent envoyées dans l’espoir de sauver sa mère. Elle est, cette fois-ci, signée par les « amis du fils et de l’avocat de Sakineh », et s’adresse au gouvernement italien (à qui Sajjad avait demandé l’asile de peur, déjà, d’une arrestation) ainsi qu’au Parlement européen. Le message a été recueilli par la branche en persan de l’agence italienne AKI. Faut-il douter de l’authenticité de cette lettre ? Tout est possible, naturellement. Tout est toujours possible, étant donné la véritable chape de plomb qui s’est abattue sur la famille et les proches de Sakineh. Mais nous avons, à la Règle du jeu, procédé, ces dernières heures à toutes les vérifications possibles et elles nous semblent concluantes. Par ailleurs, la sincérité et la justesse de cette missive frappent à la lecture. Et elle ne sont qu’une preuve, parmi tant d’autres, de la gravité tragique de la situation. Et aussi, bien sûr, pour nous tous, une invitation à agir. Il faut que chacun, depuis les signataires de la pétition de La Règle du jeu jusqu’aux chefs d’État et de gouvernements, prenne ses responsabilités. Il faut, comme l’a écrit Bernard-Henri Lévy dans une tribune parue, cette nuit, dans l’Huffington Post, tout faire pour que sortent de prison Sajjad, Houtan Kian et, naturellement, Sakineh. Au plus vite.
Armin Arefi

Appel des « amis du fils et de l’avocat de Sakineh » pour leur libération de la prison de Tabriz.

« Nous sommes les amis et les connaissances de M. Javid Houtan Kian et de M. Sajjad Ghaderzadeh, l’avocat et le fils de Mme Sakineh Mohammad Ashtiani, et nous réclamons du gouvernement italien ainsi que du Parlement européen qu’ils agissent pour la libération de ces deux personnes, en prison depuis plus de deux semaines alors qu’ils n’ont commis pour seul crime que d’avoir dit la vérité et d’avoir défendu les droits de Mme Sakineh. Ces deux personnes ont défendu cette femme en Iran avec beaucoup de courage et dans la solitude la plus totale et ont même appelé à l’aide dans leurs lettres au Parlement européen. Nous attendons de la communauté internationale et surtout du gouvernement et du peuple italien, du Vatican, ainsi que du Parlement européen, qu’ils demandent la libération de ces deux personnes. Nous n’avons à présent plus de nouvelle d’eux, et il se dit qu’ils seraient victimes de tortures. Aidez-les car ils demeuraient les deux voix de Sakineh dans le monde et leur extinction mettra aussi en danger la vie de cette femme. »

Message envoyé à l’agence de presse italienne AKI.