Tandis que les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne sont sur le point d’adopter de nouvelles sanctions contre l’Iran, à savoir des mesures visant à interdire l’investissement de leurs compagnies dans le secteur énergétique iranien, une banque iranienne située en Allemagne a récemment défrayé la chronique…
En effet, cette petite entité nommée l’ « European-Iranian Trade Bank AG » servirait à Téhéran à contourner les sanctions économiques internationales contre l’Iran en commerçant avec des organisations iraniennes figurant sur les listes noires frappées par les sanctions. C’est ce qu’a affirmé dimanche le quotidien économique américain Wall Street Journal. Selon lui, la banque en question, créée il y a plus de 30 ans, aurait réalisé plus d’un milliard de dollars de chiffre d’affaire avec des compagnies iraniennes impliquées dans des programmes d’achats balistiques et militaires mises à l’index par les Etats-Unis, les Nations Unies et l’Union européenne. Toujours selon le journal, les sociétés iraniennes traitant avec la banque font notamment partie de l’Organisation des industries de la défense iranienne, de l’Organisation des industries spatiales et du Corps des Gardiens de la Révolution, toutes trois visées par les sanctions onusiennes.
Cette information a amené lundi l’Allemagne à annoncer qu’elle allait mener une enquête sur les agissements de cette banque basée à Hambourg et liée à l’Iran, qui aurait violé les sanctions internationales imposées à Téhéran. Le porte-parole du ministère allemand des Finances Michael Offer a précisé que Berlin n’était pas au courant d’infractions commises par la banque irano-européenne Trade Bank AG, mais que les autorités allemandes menaient une enquête sur les accusations du « Wall Street Journal ».
Cela fait sept ans que l’Allemagne demeure un des axes de fermeté en Europe à l’égard de l’Iran, en compagnie de la France et du Royaume-Uni, pour forcer la République islamique à renoncer à ses ambitions nucléaires qu’elle soupçonne d’être militaires. D’ailleurs, la chancelière allemande a déclaré hier que l’Iran ne semblait pas coopérer « sérieusement » avec l’Agence internationale de l’énergie atomique sur les discussions au sujet de son programme nucléaire, et qu’elle était « sceptique » quant au résultat.
Pourtant, un article publié la semaine dernière par le quotidien américain Los Angeles Times nous raconte une toute autre histoire…
En effet, la chancelière allemande se trouverait en réalité dans une position très délicate, en devant demander à ses compagnies de cesser de traiter avec la République islamique afin d’accentuer la pression sur elle, alors que les relations commerciales entre les deux pays lui dictent le contraire. Car celles-ci s’avèrent importantes. Et elles ne cessent de croître…
Selon Borzou Daragahi, journaliste américano-iranien du LA times, qui s’appuie sur les chiffres de la chambre germano-iranienne de Commerce à Hambourg, au cours des quatre premiers mois de l’année 2010, les échanges économiques entre l’Iran et l’Allemagne se sont évalués au total à près de 1,8 milliards de dollars, soit 20% de plus que durant la même période l’année dernière.
L’Allemagne et l’Iran « cultivent une traditionnelle relation économique qui a près de 140 ans d’âge », explique Michael Tockuss, un des chef de la chambre. « Il existe (entre les deux pays) un grand nombre d’accords économiques durables qui remontent à bien plus loin que la situation actuelle« .
Une relation « traditionnelle » et « durable » qui pose tout de même problème, lorsque l’on connaît le rôle qu’a joué l’Allemagne durant la seconde guerre mondiale, et les diatribes anti-israéliennes et négationnistes répétées du président iranien Ahmadinejad ces dernières années.
Tandis que beaucoup d’entreprises européennes, dont Total dernièrement (même si la firme française s’est copieusement enrichie en République islamique durant près de 15 ans) ont décidé d’abandonner le marché iranien, sous la pression américaine, dans le but d’isoler l’Iran et de le forcer à renoncer à ses ambitions nucléaires, il en va tout autrement de l’industrie allemande, qui profite toujours du seul pays de la Région, à la consommation vertigineuse, dont les ressources (les secondes au monde en pétrole et en gaz) échappent encore aux Américains…
Selon l’article du LA Times, le statut émergeant de l’Allemagne en tant que puissance globale a mis en évidence ses échanges commerciaux avec l’Iran, en contradiction avec ses aspirations de devenir un acteur diplomatique de premier plan. Les entrepreneurs exportateurs allemands craignent que s’ils coupent leurs liens avec l’Iran, ils soient mis hors jeu pour la prochaine décennie, et que leurs rivaux malaisiens, sud-coréens, et chinois ne se précipitent pour prendre leur place.
« Pour tout contre européen perdu, les Asiatiques rafflent la mise« , explique Walter Posch, spécialiste de l’Iran de l’Institut pour les affaires internationales et sécuritaires, un think-thank berlinois financé par le gouvernement allemand. « Et nous n’avons pas la capacité de revenir rapidement ».
Ce n’est pas la première fois que sont dévoilées les très lucratives relations germano-iraniennes…
Il y a un an, en pleine répression des manifestants iraniens, le quotidien économique américain Wall street journal affirmait que la coentreprise finno-allemande Nokia-Siemens, avait fourni à la République islamique du matériel sophistiqué permettant non seulement d’écouter les conversations téléphoniques, mais également de bloquer l’accès à divers sites Internet, ainsi que d’accéder à des informations sur les internautes iraniens, grâce à l’espionnage de leurs communications online (Facebook, MSNmessenger, Yahoo Messenger, Twitter). Utile, quand on connaît le rôle de ces réseaux sociaux en Iran dans la transmission d’informations…