Ha’Meshotet, Avishai Sivan, Quinzaine des Réalisateurs
Everything Will Be Fine, Cristoffer Boe, Quinzaine des Réalisateurs
Au menu ce matin : sexe, eau fraîche et papillotes. Avishai Sivan pose sa caméra dans une famille juive orthodoxe et décline un quotidien terne et répétitif dans une palette de couleurs digne des meilleurs Derrick. Ha’Meshotet flirte parfois dangereusement avec la chronique misérabiliste et en rajoute trop souvent une couche dans le registre de la morosité écrasante. On s’accroche pourtant. Car Avishai Sivan parle de religion, mais à travers le corps – à travers le bas-ventre essentiellement. D’où cette saynète peu ragoûtante, teintée d’un humour pince-sans-rire trash : la prostituée avec qui Isaac, le fils solitaire et souffreteux, se dépucèlera est prise de vomissements et perd ses lentilles de contact dans la bouillie qu’elle crache. Un moment appelé à devenir culte ? Peut-être. Mais c’est surtout une illustration très graphic de la haine religieuse de la sexualité, impureté fondamentale et source d’aveuglement. On est loin de l’hédonisme romantique des jeunes Israéliens de The Bubble, d’Eytan Fox, mais on est à mille lieues aussi du pesant plaidoyer façon Dan et Aaron (Igaal Niddam) sorti cette année. La religion sans modération est une horrible machine répressive, la cause est entendue – mais Avishai Sivan ne démontre pas, il montre. Mieux, il incarne, quitte à ce que ce soit en dégobillant.
Après l’obsession du sexe, l’obsession du cinéma. La victime de cette fixette, c’est le héros d’Everything Will Be Fine, polar conspirationniste stylé venu du froid. Du Danemark, exactement. Spontanément, pourtant, on aurait dit des Etats-Unis, aux alentour du Watergate. Car Jacob Falk, scénariste qui vit dans la bulle de ses films en cours d’écriture, c’est le Robert Redford des Trois Jours du Condor, en plus efflanqué peut-être. Et la grosse américaine qu’il conduit tout au long de la spirale parano où il se perd ne fait que renforcer l’illusion. Il est question de camps militaires danois, façon Guantanamo scandinave, de photos révélatrices et de journalistes en quête de scoop. Bref, c’est un hommage léché et plutôt réussi à Pakula et autres Lumet, artisans virtuoses du thriller politique. Rien de plus – mais c’est déjà ça, a-t-on envie de répliquer à nos grincheux voisins de siège qui jouent les blasés.