J’ai halluciné. Un vrai malaise. On l’a vu partout, à Ce soir ou jamais avec son ami intime Frédéric Taddeï pendant trente minutes en tête à tête, en double page dans Le Point, à l’émission Vous aurez le dernier mot de Franz-Olivier Giesbert, en couverture du magazine Chronic’art… Je parle de Marc-Édouard Nabe, infâme personnage qui vient de faire paraître en autoédition son dernier roman. J’aurais préféré ne pas en parler mais hélas ! on essaie aujourd’hui dans le landernau médiatique de l’imposer comme le génie maudit de notre époque, et c’est très grave. D’abord parce que ce n’est pas un génie, loin s’en faut. Il écrit comme Céline, certes, il éructe comme Céline, oui vraiment !!!, et il reprend de Céline que la littérature, ce doit être comme du sang qui coule dans les veines, une matière vivante. Mais voilà : le sang de Céline coula neuf, alors que celui de Nabe coule recyclé. Une pâle copie. C’est faire bien peu de cas de l’art que de dire d’un imitateur qu’il est un grand écrivain. C’est grave pour une autre raison : on a menti par omission sur Nabe. On essaie de nous faire croire qu’il est fréquentable. Agathe Fourgnaud du Point ose écrire : «Considéré tour à tour comme un écrivain d’extrême droite puis d’extrême gauche, Nabe est en réalité un anarchiste qui ne roule que pour lui.» Ah bon ? Elle est sans doute passée à côté de ces perles nauséabondes écrites dans Au régal des vermines, livre datant de 1985 – et réédité en 2006 aux éditions Le Dilettante.
«L’Afrique est pleine de ces sales nègres.» «Les pédés, je les hais.» «Les attentats antisémites ne sont que des rots bruyants. Pourquoi s’en inquiéter puisqu’il y a soixante ans, le déchaînement antiyoutre n’a pas eu raison de Yahvé.» Je pourrais vous citer des pages et des pages de ces dégueulasseries. Mais dans notre monde qui parfois marche sur la tête, on vous dira : c’est de la «provoc». Il faut être vraiment con ou alors un très grand humaniste pour croire qu’il n’est pas possible qu’un homme puisse haïr autant de catégories humaines. Ou avoir tout d’un coup oublié totalement l’histoire européenne. Trop pessimiste, pas assez humaniste pour ma part, je pense que les 17 % de Français aux régionales qui ont voté FN aiment vraiment à haïr, et que Nabe pense vraiment ce qu’il écrit. Tout n’est pas spectacle. C’est trop confortable de penser ça. Notre volonté de ne pas voir le mal n’est pas d’aujourd’hui : j’ai appris dans ce numéro de Transfuge qu’André Gide disait des pamphlets de Céline qu’ils n’étaient en fait qu’un exercice de style !
On nous dit enfin qu’inviter Nabe, c’est une façon de se battre contre le politiquement correct. Mais la culture n’a jamais eu besoin de ce genre de type pour vivre. Hier : Baudelaire, Breton, Bataille, Genet et mille autres empêchaient de dormir. Hier : Lang, Pasolini, Dreyer et mille autres mettaient à mal nos certitudes. Aujourd’hui, pour ne prendre qu’un exemple, Gaspar Noé, qui fait la couverture de notre magazine pour son dernier film Enter the Void : il fait sauter une grande partie du cinéma français, qui nous joue du drame bourgeois à longueur d’année, avec un film d’une rare irrévérence. Une âme survole Tokyo. Film mystique par excellence, film de résistance à notre société telle qu’elle est, c’est-à-dire positiviste. Film cru aussi, documentaire, scènes de sexe de plus de quinze minutes, scène d’avortement, scène d’une naissance… Noé se souvient de ce que disait Rossellini : le cinéma, c’est un microscope. Et il montre dans ses plus infimes détails une réalité, peut-être la plus dérangeante parce que la plus intime : notre corps. Notre corps dans sa jouissance, sa fragilité, ses traumatismes, et dans sa mort. Corps réels, mis à nu, de Noé, face aux corps cachés du cinéma français, habillés Zadig & Voltaire ou Agnès b : là encore, Noé fait de la résistance, fabrique du politiquement incorrect.
La vraie culture, c’est de la résistance, c’est de la liberté volée à notre société capitaliste, utilitariste, c’est du politiquement incorrect. Elle n’a pas besoin de meurtres pour rester vivace.

 

Transfuge n°40 / Mai 2010

Gaspar Noé

Le site de Transfuge
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Editorial paru dans Transfuges #40

16 Commentaires

  1. article d’une rare connerie.
    si nabe est un personnage hypocrite et pénible, les films de gaspard noé ont les pires relents d’homophobie obsessionelle que j’ai pu voir dans ma vie. quand à la vacuité complète de l’ouvre en question, sans commentaires…

  2. Il est temps de remettre les pendules à l’heure. M. Jaury écrit que Nabe « écrit comme Céline ». Soit il n’a pas lu Nabe, soit il n’a pas lu Céline. Peut-être qu’il n’a lu aucun des deux. Il se trouve que Céline est, avec Proust, un des génies de la littérature du XXe siècle, alors que Nabe n’a jamais écrit que des torchons, n’a aucun style, aucune pensée, rien. Ses lecteurs et ses fans sont des abrutis et des illettrés. En l’assimilant ou en le comparant à Céline, comme il le fait lui-même (dans ses rêves), vous disqualifiez votre critique. Ce n’est pas très sérieux.

  3. La vraie culture, c’est de la résistance, c’est de la liberté volée à notre société capitaliste, utilitariste, c’est du politiquement incorrect.
    Voilà le portrait idéal de Nabe. Que vous le vouliez ou non Nabe est un très grand écrivain, vous le savez intimement, ce qui vous dérange c’est ça liberté totale, il n’est pas du côté des marchands voilà tout.

  4. Lorsqu’on parle d’Art, le politiquement incorrect n’est pas forcément une bonne chose ! Gaspar Noé est un dilemme pour tous ceux qui s’intéressent de près au cinéma. Il est à la fois un des cinéastes français les plus avant-gardistes et intéressants, mais il est aussi un spécialiste de la virtuosité superficielle et de la provocation puérile. Je crois qu’Enter the Void, son film le plus extrême et le plus « abouti », a confirmé ces tendances divergentes.

    Pour ceux que cela intéresse, nous avons ouvert un débat sur http://www.mercures-galants.com/?p=153.

  5. Comment peut-on laisser écrire des insanités pareilles ! Cet article est dépourvu de tout fondement sérieux. On connait tous ce genre de procédé si lâche pour descendre un type qui consiste à détourner une phrase de son contexte pour lui donner le sens le plus abject ! Je ne peux que m’offusquer qu’ici à la Règle du jeu on le pratique.

    En effet, ces phrases citées sont absolument choquantes, haineuses, voir même condamnable par la justice. Je comprends qu’elles peuvent bouleverser votre lectorat mais des précisions s’imposent urgemment face à l’imposture de l’article de Mr Jaury.

    J’ai lu plus d’une vingtaine de livre de Nabe et à ce titre mon droit d’expression sur ce sujet est incontestable. Que l’on aime ou pas cet auteur peu importe c’est l’appréciation de tout un chacun, en l’occurrence ce n’est pas le sujet et c’est bien dommage. Le sujet est bien de faire passer cet écrivain pour un antisémite, un raciste, un infâme personnage, et sur ces propos, je réfute viscéralement ce type d’attaque qui est littéralement calomnieux. Si cela était vrai, ma modeste personne aurait décroché rapidement la lecture de ses livres. Si cela avait été le cas, la justice, en 25 ans, n’aurait pas attendu l’article de Mr Jaury pour le condamner fermement. Si cela était vrai alors pourquoi nombre de ses amis et références artistiques sont des Juifs, des noirs, des arabes ? je ne vais égrener des noms il suffit de le lire Mr Jaury c’est la moindre d’une conscience professionnelle quand on veut se lancer dans la critique « littéraire ». C’est si simple. Là, vous reprenez des clichés de haine, ceux la même qui se targuent de vouloir manipuler le lecteur. Le petit pouvoir médiatique que l’on vous prête ici ne doit pas vous faire oublier le devoir qui vous incombe : Celui de vérifier par vous même !

    J’arrête là ces quelques précisions en sachant aussi que l’auto-réflexion pertinente des lecteurs de ce site sera toujours vigilante avant de suivre un jeune « bouc » dans le ravin.

    Bien à vous.

    • Quelle tristesse! Critiquer, pardon, insulter un auteur comme Marc-Edouard Nabe en s’appuyant sur Gérard Miller! En terme de nullité journalistique c’est vrai qu’on a vu pire mais est-ce une raison pour aller plus loin dans la bassesse et la bêtise? Il suffit de voir les auteurs que ce site soutient pour être saisi d’effroi et aimer par là-même ce contre quoi il se dresse. Mais le cas de Nabe est ici une exception, le plus grand écrivain français vivant a à son actif une oeuvre riche en style et en analyse, de la vraie littérature donc et c’est évidemment son anti-édition qui vient couronner le Tout. Le Tout est ce en dehors de quoi il n’y a rien?Peut-être. Un moins que rien comme le Jaury ferait bien de se réveiller et d’apprendre à lire.
      Bien à vous.

  6. Merci Mr Jaury de citer Marc-Edouard Nabe sur ce site. Vous le balancez en pâture de la meilleure façon qui soit : En donnant l’envie pour quiconque d’essayer de comprendre vos états d’âme nauséeux concernant un écrivain qui n’a jamais été condamné et dont le talent est reconnu par d’illustres noms, renseignez-vous. Si ce que vous dites est vrai et pas sorti d’un contexte alors croyez-vous qu’il eusse été opportun de parler de ce raciste aujourd’hui dans la règle du jeu ? ca risque de lui donner de l’eau à son moulin…
    En 1989 Bernard Henry Levy après avoir lu, lui, Au Régal des vermines était nettement moins mal à l’aise que vous :
    http://www.dailymotion.com/video/xnnx9_ardisson-bhl-sur-nabe-1989
    Edit : le 12/05/10 à 14.10

  7. Encore et toujours les citations tronquées de miller…quiconque a lu le livre sait la manipulation dont vous vous faite l’écho!! Et de plus en plus le lisent…votre position (malhonnête) n’est plus tenable!

  8. Oui, Le vrai scandale est que Frédéric Taddei ne cesse de lui donner la parole à la télévision !

  9. Il est tout bonnement incroyable que ce type qui a osé écrire des choses pareilles puisse encore publier des livres.
    Et dire que tandis que tant d’auteurs attendent d’être édités par des maisons d’édition peu curieuses, un homme qui tient de propos pareils, lui, est édité.
    Bravo à l’édition française!
    D’autres pays n’auraient jamais accepté d’éditer Marc-Edourd Nabe!
    Ce qu’il écrit n’est pas de la provoc, vous avez raison. C’est tout simplement de la…

    • Nabe n’est plus édité, chère Anne. Il s’anti-édite désormais. En fait, si j’ai bien compris, tu voudrais qu’il s’interdie lui-même. C’est ça ?

  10. L’édito de Jaury est particulièrement lamentable. Pas le moindre effort d’information, des clichés d’une ignorance totale ! Il se ramasse d’un bout à l’autre de son édito, et ce n’est pas à l’Honneur de la Règle du Jeu, site qu’on imaginerait un peu plus sérieux, de reprendre un texte aussi nul. Je parle d’un strict point de vue de la documentation. Ou plutôt de l’absence totale de celle-ci. Ce type là veut vraiment faire journaliste quand il sera grand ?
    Quand on s’attaque à quelqu’un comme Nabe qui a près de 30 ans de polémique derrière lui, la moindre des choses est d’étudier un peu le dossier et de préparer soigneusement ses minutions.
    En effet, en quelques mots de Lanzmann, le fond de l’article de Jaury se retrouve proprement laminé. On ne va donc pas s’attarder trop dessus.
    Il suffit de lire la réponse dans le chapeau de reprise de l’article sur alainzannini.com qui ne fait qu’une bouchée de ce pauvre Jaury.
    http://www.alainzannini.com/index.php?option=com_content&view=article&id=1915:pourquoi-nabe-est-il-un-ecrivain-mediocre-transfuge-mai

  11. Ce Nabe ne mériterait même pas qu’on imprime, qu’on cite son nom…
    Ceci étant dit, il est bon de rester vigilant.
    Il est bon de montrer que la provocation ne justifie pas tout.
    Et surtout que l’on peut provoquer sans être abject.
    Alors, après tout, merci monsieur Jaury.