La nouvelle génération est otage des soixante-huitards. Elle est otage du monde qu’ils ont créé. Leur soulèvement était nécessaire, leur objectif était grandiose mais fuite du temps et théorisation excessive du mouvement ont finalement miné leur idéal. Comme dans toutes révolutions, « il existe deux sortes de révolutionnaires ; les uns désirent la Révolution avec la Liberté : c’est le très petit nombre ; les autres veulent la Révolution avec le Pouvoir : c’est l’immense majorité. » La leçon est de Chateaubriand. Les soixante-huitards avaient de grandes idées. Ils ont d’ailleurs réformé notre société. Ils ont fait éclater le carcan rigide et conservateur qui faisait étouffer la société française. Ce carcan a volé en éclats. On ne doit donc pas effacer l’héritage de 68 ! Mais les soixante-huitards voulaient aussi le pouvoir et c’est là le drame. Avec le temps, 68 s’est perdu. Les jeunes chevelus qui écoutaient pleins d’espoir Creedence Clearwater Revival, Jefferson Airplane et les Stones ont bientôt troqué leurs jeans pour des habits plus conventionnels : un costume, une cravate. Ils sont devenus cadres et dirigeants. On pensait que tout allait changer, pour de bon, dans le bon sens. Ils ont effectué des retouches. Finalement, une fois installés dans leurs sièges de dirigeants, ceux qui hier lançaient des pavés se sont embourgeoisés, institutionnalisés. Quelque part, perdus dans l’espace temps, une étrange rencontre se produit alors. Chateaubriand discute avec Pete Townshend, je ne sais où, je ne sais comment. Ils ont l’air désabusés. De cette rencontre naît le mythique « Won’t get fooled again » des Who. A la fin du morceau, après ce cri d’outre-tombe bien apprécié des amateurs de Rock, on entend « Meet the new boss, Same as the old boss ». Voilà dit avec d’autres mots le message de Chateaubriand…
J’ai lu avec intérêt le dernier édito de Vincent Jaury dans Transfuge[1]. Il répond à Claude Lanzmann, grande conscience du XXème siècle. Lanzmann écrit : « Les jeunes romanciers du XXIe siècle sont à plaindre. » Selon lui, la jeune garde littéraire vivrait « des temps obscurs, sans repères ni attentes, sans futur déchiffrable, sans rien qui puisse susciter confiance, enthousiasme, engagement total ». Duel des générations. Vincent Jaury lui répond donc et il ne semble franchement pas d’accord. Lanzmann, lui, continue sur sa lancée. Parlant des jeunes auteurs, il écrit : « s’éprouvant coupables de n’avoir souffert de rien – manque intolérable – ils réactivent et rejouent un passé auquel ils n’ont aucune part. » Cette dernière phrase m’intéresse particulièrement. Elle intéresse en fait toute la génération de ceux qui ont vingt ans aujourd’hui et sentent une réelle impossibilité de trouver leur place dans notre société.
Certains talents arrivent à sortir leur épingle du jeu, soit ! Mais dans sa globalité, la jeune génération peine à exister. Elle subit toujours les conséquences morales et parfois physiques d’un siècle qui a bouleversé, désaxé la pensée humaine. Dans les rangs de la nouvelle génération, ils sont ainsi nombreux à rester prisonniers du lourd héritage que le XXème siècle fait porter sur leurs épaules ? Car comment fait-on au juste, lorsqu’on a vingt ans en 2010, pour écrire sans penser au siècle passé ? Colonisation, Première Guerre Mondiale, Montée de l’Idéal Communiste, Fascismes, Nazisme, Seconde Guerre Mondiale, Shoah, Guerre Froide, Décolonisation, Goulags, Chute du bloc soviétique, Capitalisme zinzin, Islamisme radical, Terrorisme, Mondialisation, Racisme renaissant, Altermondialisme, Péril Ecologique. Tout ce qui tourmente le monde aujourd’hui trouve ses racines dans le terrible XXème siècle.
Lorsqu’on a vingt ans en 2010, quelles solutions s’offrent à nous ? On pourrait faire fi du siècle dernier, le déconsidérer et vouloir passer à autre chose. Après tout, ces maux dont l’humanité a souffert et continue de souffrir, nous ne les avons pas créés, nous n’en sommes responsables en rien. Dirigeants actuels, cadres, pères de famille, ce monde-là est le vôtre. On pourrait dire cela, on pourrait l’écrire mais ce projet serait oublier la réalité. De gré ou de force, il faut bien s’inclure dans la marche des siècles. S’émanciper totalement du passé devient dès lors impossible. La société actuelle est le produit de l’Histoire. Dans nos trajectoires, par nos choix nous sommes inévitablement tous des produits de l’histoire.
Le problème est-il donc sans issue ? Il ne faudrait pas le penser. « ll y a encore des êtres vivants sur terre, de moins de 80 ans » dit Vincent Jaury dans son édito. Certains s’engagent, écrivent, créent. D’autres ont déjà baissé les bras. A vingt ans, ils se sont déjà résignés. Dans la France de 2010, les jeunes qui ont de l’ambition ne rêvent que d’une seule chose : intégrer une grande école. Mais non pas intégrer une grande école pour le plaisir d’apprendre. Non ! Intégrer une grande école pour se sauver économiquement, socialement. Dès lors, pour celui qui le décroche, le diplôme n’a plus sa valeur intellectuelle première, il n’a plus qu’une fonction utilitariste. La déviance est totale. Les soixante-huitards ont du mal à comprendre cela. En 68, on ne faisait rien de tel car les perspectives étaient plus larges. En 68, il y avait du travail. En 68, le Bac valait encore quelque chose… Aujourd’hui la génération qui termine ses études et arrive sur le marché du travail vivra moins bien que celle de ses parents. Elle redoute le déclassement.
Alors quels remèdes ? D’abord, ne sûrement pas liquider l’héritage de Mai 68. Une partie de la solution serait au contraire de faire renaitre son lyrisme. Il faudrait surtout que la jeune génération s’approprie Mai 68, ce qu’elle n’a pas fait jusqu’alors. Elle ne l’a pas fait car les soixante-huitards l’en ont empêché ; ils voulaient garder la main sur leurs récits sans penser une seconde que leurs histoires deviendraient notre Histoire. Les soixante-huitards ont quelque chose d’infiniment castrateur. Ou peut-être comprend t-on mal leur message. Peut-être aussi que leur message, comme eux, a changé. La nouvelle génération le comprend ainsi : « Nous avons fait la révolution, nous avons tenté de changer les choses mais tout cela n’a pas empêché la dérive de la société actuelle. » La suite est évidente. C’est un conseil de père bienveillant à son fils. « Crois en mon expérience. N’essaye plus de changer le monde. Sauve toi d’abord ».
Si elle ne veut pas manquer sa chance de laisser une trace positive dans l’Histoire, la jeune génération doit arrêter de se bouffir du cynisme d’une société dont elle n’est pas responsable. Elle doit s’émanciper, quitte à « tuer le père »…
Laurent David SAMAMA
[1] http://www.transfuge.fr/editorial,jaury,232.php
Mon histoire et sa resonnance,
J’ai hai la france depuis mon début d’adolescence ainsi que ma famille. Mes seuls patries étaient l’Europe et le Monde. Je comprend peu à peu l’influence de Mai 68 sur mon terrible malheur: j’ai finis par ne plus rien ressentir pour les français, finit les amis et les valeurs, j’ai tout forgé autrement.
C’est avec un tout petit peu de larme qui ne coulent pas encore assez que je me rend compte aujourd’hui de l’amour des français. Ecrire ça libère!
Je vais écrire grâce à mes études d’histoire et de Sc po. Mais là le temps est à la survie: trouver un job quand l’énergie de l’enfant me manque car le jeu me manque!
Merci
Amaury
Bonjour,
Nous luttons contre l’article 371-4 du code civile qui permet à des grands parents d’assigner leurs propres enfants en justice pour voir leurs petits enfants que les parents n’empe^chaient souvent pas de voir. Nous avons besoin de soutient : associationlvf@gmail.com
la génération de 68 méprisait ses parents
maintenant elle méprise ses enfants
génération de 68 comme tu es égoiste va t en
frank
la génération de mai 68 n’est plus pour la jeunesse maintenant elle la méprise
frank et catherine (club des 6)
Il faut quand même éviter de généraliser, ce sont bien les étudiants révoltés qui sont devenus cadres, de toutes façons c’étaient leur destin, mais il n’y a pas eu que des Cohn-Bendits, chaque génération produit ses « élites » cyniques et assoiffées de pouvoir. Quant à moi petit bonhomme déclassé j’ai gardé la foi en les idéaux qui étaient ceux de ma génération.
cordialement à vous.
On voit bien où Mai 68 a mené.
Combien d’enfants vivent-ils avec leurs deux parents sous le même toit? Combien d’enfants qui auraient pu voir le soleil et jouer dans un bac à sable ont-ils été avortés? Combien de jeunes traumatisés par des images pornographiques? Combien d’enfants ont-ils été victimes de viols ou d’attouchements sexuels au nom de la libération de la sexualité, de toutes les sexualités? (je ne citerai pas les noms des hommes politiques à demander la reconnaissance de la pédophilie dans les années 80, il suffit de chercher un peu) Combien d’enfants sont-ils élevés par deux femmes ou — on se demande ce qui est pire, par deux hommes, ce qui compromet gravement leur équilibre psychologique?
J’ajoute, et je suis sûr qu’une étude sérieuse ne me contredira pas, que depuis que la sexualité a été « libérée », les hommes et les femmes ont beaucoup plus de mal à vivre ensemble et à s’aimer. La libération de la femme est évidemment opposée à une véritable union de l’homme et de la femme. Quand la liberté rime avec l’autonomie, c’est l’amour qui devient perdant.
C’est pourquoi je ne regrette rien de Mai 68, et je lutterai contre ses zélateurs.
Que les gens en manque de belles causes se rassurent, nos jours ne seront pas dépourvus de défis : le satanisme, l’effondrement économique de l’occident, une certaine religion fanatique, voilà qui devrait suffire à nous désennuyer si le besoin en était.
en 68, il y avait des perspectives car la société exploitait les immigrés arabes dans les bidonvilles et pillait les ressources des pays dit du 1/3 monde, pas encore qualifiés d’ « en développement » . C’était déjà un bel aveuglement que de croire faire une révolution dans ces conditions…..