La politique est facétieuse. Après les présidentielles de 2007, une redistribution des cartes à gauche semblait s’amorcer : le PS incarnait le passé et le MODEM l’avenir. A peine trois ans ont passé et voilà que le moribond a retrouvé une nouvelle jeunesse tandis que les jours du dernier né semblent désormais comptés.
Hélas, cette nouvelle donne a des atours beaucoup moins sympathiques à droite : le Front National, donné pour mort à la faveur d’un discours outrancier de Nicolas Sarkozy sur la sécurité et l’immigration, retrouve des scores élevés et quasiment historiques dans les régions d’Alsace, Nord Pas de Calais et Provence Alpes Cotes d’Azur.
La pratique consistant à aborder les thèmes du FN sans le FN s’est donc révélée moralement douteuse et politiquement inefficace. De là à dire que, du démantèlement de la jungle de Calais devant les caméras du 20h00 aux charters d’expulsion vers l’Afghanistan, le gouvernement s’est compromis pour rien, il n’y a qu’un pas qu’il faut franchir.
Le pire reste devant nous. Avant les prochaines présidentielles, le Lepénisme et avec lui, l’extrême droite aura un nouveau visage, d’apparence plus fréquentable sous les traits de Marine Le Pen. Peu savent que sous des tonalités sociales, œuvrent en coulisses, des anciens des jeunesses identitaires et des amis de Dieudonné come Farid Smahi. Quant à un aggiornamento, il ne viendra jamais car la dénonciation des immigrés et la mise en cause des étrangers est inscrite dans le code génétique du FN.
En dépit de tout cela, certains à l’UMP aimeraient croquer à pleines dents dans le fruit défendu de la politique française. Les chiffres sont les chiffres et les politologues les plus décomplexés qui travaillent à l’Elysée, comme Patrick Buisson, savent que c’est sur sa droite que l’UMP peut espérer élargir son socle au deuxième tour des élections, quel que soit le coût moral et symbolique d’une telle alliance. A cet égard, certains n’hésitent plus à espérer une évolution à l’italienne où, prenant exemple sur le MSI Italien, l’extrême droite serait une composante, certes discutable, mais incontournable de la majorité.
D’aucuns pensent que ce serait d’ailleurs là, le véritable accomplissement du Sarkozysme : vaincre la malédiction qui empoisonne la droite depuis 1945. Réunir toutes les droites et expurger son camp idéologique de toute honte ou culpabilité issue du vichysme ou de la colonisation. D’autant que Nicolas Sarkozy ne conçoit de tout cela aucune gêne : né après Vichy, trop jeune pour avoir connu la guerre d’Algérie, il est en plus un français de sang mêlé comme il aime à le confesser.
Si cette évolution venait à advenir, il s’agirait ni plus ni moins de la liquidation de l’héritage politique de Jacques Chirac qui avait théorisé et imposé une digue républicaine dont il ne s’écarta jamais. En réalité, le pouvoir en place s’il commettait un tel parjure, loin d’assurer son salut signerait sa perte car ce n’est pas le FN qui deviendrait républicain mais la majorité qui ne le serait plus.
Vous écrivez : « La pratique consistant à aborder les thèmes du FN sans le FN s’est donc révélée moralement douteuse et politiquement inefficace. »
Ce n’est pas la pratique en elle-même qui est inefficace mais… les thèmes du FN et ses solutions qui n’en sont pas ; solutions fantasmatiques qui n’engendrent que déception et frustration.