Le risque, souvent mortel, quand un chef perd une bataille et, plus encore, une guerre, est que ses troupes se retournent contre lui et le destituent.
Sans remonter jusqu’aux récits antiques ou invoquer Frazer et Mauss, l’histoire enseigne que les hommes qui ont élu un roi ou suivi un homme providentiel, qui l’ont tenu pour l’égal d’un démiurge ou carrément pour un envoyé ou un élu des Dieux oint par eux et investi par eux d’une part de leur puissance (ce dont le suffrage universel aujourd’hui tient lieu), lui pardonnaient jadis d’autant moins ses échecs quand, après les avoir mené victorieusement de conquête en conquête, avoir distribué le produit des tributs, les dépouilles, les femmes et les filles des vaincus et réduit les survivants en esclavage, il connaissait, s’aventurant loin de ses bases, ses premiers revers face à des peuples prévenus par ses précédents contre ses ambitions et s’étant préparé à ses assauts. Un homme, auréolé du prestige du vainqueur à répétition, qui emmène ses troupes à la défaite et perd à leurs yeux son mana, sa main, doit, par-dessus tout, se méfier au plus haut point de leur désaffection, d’un retournement soudain de ses grands feudataires, de ses meilleurs généraux, voire de ses frères et de ses fils. On dirait presque que tous n’attendaient que cela pour prendre leur revanche sur sa suprématie, sa hauteur, leur dépendance, leur soumission. L’Histoire abonde d’exemples en l’espèce. C’est même une de ses lois principielles. Cela s’appelle une révolution de palais. « Sauver les meubles », invoquent les conjurés, en sacrifiant le mauvais chef, le roi déchu, brisant son sceptre, le chassant de son trône en le contraignant à l‘exil ou, s’il résiste à se démettre, lui infligeant un châtiment sans appel.
Bref, la Roche tarpéienne est toujours proche du Capitole, et l’on n’est jamais trahi que par les siens. « Dans l’adversité, disait de Gaulle, on se retrouve toujours seul », entouré, au mieux, d’une poignée de Grognards et de fidèles tout couturés.
Voyez-vous à quoi je veux en venir ?
Certes, Nicolas Sarkozy a perdu une bataille et pas encore la guerre. Mais les nuages s’amoncèlent. Déroute des régionales (et lui-même, pour s’être tant porté en avant de tout, tenu pour premier responsable et premier sanctionné) ; la Gauche le vent en poupe. Mais surtout, dans son propre camp, là où gît le vrai danger politique, voici Fillon ancré désormais largement devant et faisant figure de recours, d’éventuel rechange. Voici Villepin revenu en embuscade et plus résolu que jamais « à faire payer ». Et puis, plus encore, par-delà ces quelques prétendants en herbe, il y a tout le personnel de droite, grand et petit, barons, vassaux et manants, se moquant de plus en plus du destin compromis de Sarkozy-la-poisse, pour ne plus voir que midi à leur porte, entendez les échéances législatives de 2012, et sentant pointer l’ombre de la défaite (avec postes et gagne-pains partant à la rivière), « si rien n’est fait », si l’on ne change pas de cap et, sinon, de capitaine. La grogne, la fronde peuvent-elles avoir raison de l’entêtement sarkozien et de son peu d’entendement, au sens littéral ? Entendra-t-il l’avertissement non pas du pays (l’homme n’est guère, de caractère, porté à cette humilité. « Casse-toi, pauvre con ! » serait sa plus probable réponse) mais de ses propres troupes ? Dans un premier temps, entre les deux tours d’élection, il a réussi à imposer silence dans les rangs, à un ou deux mauvais sujets et oiseaux de mauvais augure près. Méthode Coué. Le miracle du redressement n‘ayant pas eu lieu, et la défaite ayant été reconnue et actée urbi et orbi par Fillon qui, non sans malignité, interdit ainsi toute minimisation et bottage en touche élyséens, la chose n’est guère possible. L’équipage du Bounty ira-t-il jusqu’à la révolte ? Les hommes pourront-ils infléchir le cap du navire vers d’autres horizons plus fertiles en voix ? Ou leur sort est-il si lié au capitaine qu’ils n’ont d’autre avenir et perspectives que de survivre ou mourir avec lui ?
Les semaines à venir diront cela. On va bien s’amuser.
Formidable photo, chapeau ! Je suis sûr de l’avoir vue quelque part. Ah, oui ça y est, chez Plantu
Fillon: vous avez raison, notre « mode de vie » est menacé ! Les Français en sont conscients et viennent de vous le rappeler !
Petit sondage à chaud vu sur Pnyx.com, pour participer: http://www.pnyx.com/fr_fr/poll/605
Menacé oui, mais par quoi, la Réforme ou son absence ?