Ma chère Josette,

Décidément la question des immigrés, (mais, en vérité, des musulmans en France, immigrés ou pas…), semble travailler beaucoup certain(e)s de tes ami(e)s, et ils semblent même pas mal outillés, toujours dans un certain sens…

Oublions la petite cochonnerie Front national, j’ai répondu, affaire réglée.

Tu me transmets aujourd’hui trois documents : un face-à-face télévisé Nicolas Sarkozy-Tariq Ramadan ; le récent texte d’un deputé UMP “Pourquoi je suis français” ; un point de vue du Général de Gaulle rapporté par Alain Peyrefitte.

Je vais y répondre.

(On trouvera ces trois documents ci-après.)

I) L’entretien Sarkozy-Tariq Ramadan.

Parfaitement d’accord avec Sarkozy (pour une fois !). Sous ses dehors policés, Ramadan est un pur islamiste intégriste et fondamentaliste.

II) Le texte du député UMP.

Sur l’apparence, largement d’accord. Qu’on conspue la France, que les incivilités se multiplient, est insupportable. Qu’un racisme anti-français se donne libre cours fait très mal.

Mais ce député si républicain oublie juste une chose : qui a commencé ? Le racisme anti-français de certains immigrés de deuxième ou troisième génération, des jeunes en particulier, signe deux choses.

1) Il est la réponse du berger à la bergère. Qui, en effet, a commencé ? Le racisme anti-arabe. Depuis 1945, le colonialisme, la guerre d’Algérie, les Harkis, les « immigrés » enfin : tous des “bicots”, des « bougnoules », des « ratons », tel était le langage, trente ans durant. On traitait les “Nord-Africains”, en Algérie puis en France, comme des sous-hommes, méprisés, exploités par le colonialisme puis, ici, à accomplir tous les sales boulots dont les Français ne voulaient plus. Des décennies de racisme. Leurs enfants, leurs petits-enfants s’en souviennent et pardonnent mal. Certains, en effet, nous renvoient à la figure les paquets de merde qu’on a balancés à leurs parents qui pliaient l’échine, sans oser dire un mot. C’est affligeant, c’est absurde, mais c’est humain. Œil pour œil. D’autant que le racisme anti-arabe n’a évidemment pas cessé aujourd’hui, au contraire. Alors à racisme anti-arabe, racisme anti-français. Et vice-versa. Les deux frères ennemis s’entretiennent. La réponse, oui, du berger à la bergère.

2) Deuxième chose : Ce racisme anti-français signe l’échec (partiel) de l’intégration. Les Français d’origine arabe de deuxième ou troisième génération, les jeunes de 20 ans en priorité, quand il y a trois millions de chômeurs en France, sont évidemment les premiers touchés, à l’embauche et les derniers servis partout ailleurs pour tout le  reste. Pas terrible, par les temps qui courent, de s’appeler Mohammed sur son C.V. pour postuler un job quand il y en a si peu, ou pour un logement… La relégation géographique dans des banlieues merdiques n’arrange rien, le contrôle permanent dans le métro « au faciès », encore moins.  Beaucoup de ces jeunes ont le sentiment d’être méprisés, d’être des Français de seconde, troisième classe. Réaction : ni Français, ni Arabes, mal acceptés par les premiers et tenus en suspicion par les seconds, les plus désocialisés conspuent la France, certains se retournent vers l’islam, quelques-uns basculent dans l’extrémisme ; les chômeurs, eux, glandent ; un certain nombre, bien entendu, deale (« Faut bien vivre, mec ! Et les petits boulots précaires, merci bien ! ») et fout la merde dans les cités, etc. La marginalisation gagne chaque jour, comme un cercle vicieux, l’illettrisme fait des ravages, l’illégalité fleurit. Échec de l’intégration. C’est comme les amoureux déçus. Vous ne voulez pas de nous ? On ne veut pas de vous ! Le flirt raté, l’espoir déçu se transforment en colère, en haine, processus classique. Face à cela, maires de banlieues, collectivités, associations locales ont beau tirer la sonnette d’alarme, les pouvoirs publics s’en foutent. Les banlieues se révoltent tous les cinq ans ? On brûle les bagnoles le jour de  l’An ? Pas de problème : on envoie les C.R.S., cela coûte bien moins cher qu’un plan Marchall pour les banlieues, dont la bourgeoisie française, l’État et la majorité des Français « de souche » n’ont que faire. Qui est prêt à payer des impôts supplémentaires pour sortir les banlieues de la galère ? Personne. Alors, ce n’est pas demain la veille qu’on en finira avec le chômage, les banlieues-dépotoir, la dite-galère, et, en conséquence, le racisme anti-français. Et le malheureux député UMP peut se lamenter encore longtemps sur ces mauvais Français qui n’aiment pas la France, qui, elle-même, les aime si peu.

III) De Gaulle. (De Gaulle, cela s’écrit avec deux l…)

Ce texte, fort connu, vient d’être récupéré et mis en avant par le Front National, trop heureux de l’aubaine. Outre qu’il ne fait dramatiquement pas honneur à de Gaulle, – que j’admire comme chef de la France Libre –, texte culturellement raciste, le Général oubliait, lui aussi, une chose, un léger détail. C’est sous ses onze ans de règne (1958-1969), en plein pendant les 30 Glorieuses, que la France a fait venir par bateaux entiers des villages entiers de Kabyles et de Marocains pour travailler dans l’industrie, les mines, les travaux publics, que les Français, eux, désertaient. Des centaines de milliers d’hommes, recrutés dans leurs montagnes, ont débarqué en France. Ils ont travaillé des années (dans des conditions de travail, de salaire et d’hébergement qu’on imagine…), ont fini par faire venir leurs familles, ont fait, oui, des enfants. Mais si on n’en voulait pas, il ne fallait pas les faire venir ! Nous payons aujourd’hui les choix du patronat français d’alors d’une main d’oeuvre au rabais, et qui  se moquait bien des conséquences sociales, démographiques, culturelles que cela aurait à terme. Pas mon problème ! Démerdez-vous avec. Même chose avec les Harkis, au service la France coloniale pendant la guerre d’Algérie, supplétifs de l’armée française contre le FLN et leurs frères algériens. À la fin du conflit, en 62, on en « rapatrie » une partie en France (les autres, la majorité, l’armée française, sur ordre des pouvoirs politiques, les abandonne froidement sur place, les livrant, de fait, aux représailles sanglantes du FLN), on les parque vingt ans durant  dans des camps honteux, comme du bétail, derrière des barbelés. Leurs enfants et leurs petits-enfants, eux non plus, n’oublient pas comment la France les a utilisés puis rejetés ou « remerciés »…

Et l’on voudrait que tout cela, poids de l’Histoire, chômage, banlieues merdiques, racisme, etc., n’existe pas et qu’un miracle de chez Miracle nous fasse de bons petits Français, bien gentils, bien obéissants…

Sauf que la justice sociale, le poids de l’Histoire, les choses de la vie, la psychologie humaine, la reconnaissance, le ressentiment, tout cela, chère Josette, est plus compliqué que les imprécations tranchées et demande qu’on s’y attaque vraiment. Si, bien sûr, on veut résoudre la question.

Mais le veut-on ? That is, en effet, the question…

Pour l’heure, la réponse est non.

Fichiers joints :

Propos du Général de Gaulle, le 5 mars 1959, rapportés par Alain Peyrefitte

« Pourquoi suis-je français ? », François-Michel Gonnot, député UMP, mardi 24 novembre 2009

2 Commentaires

  1. Rien à dire, l’article est excellent : clair, concis, efficace. Comment en quelques lignes résumer avec force et vérité des années de gâchis,de mensonges, d’hypocrisie. C’est le juste retour des choses, ni plus ni moins.
    Quel dommage d’en arriver là… Je pense surtout au débat hypocrite sur l’identité nationale qui n’a fait qu’attiser les haines. Je suis très étonnée par ailleurs que certains s’offusquent de découvrir la réalité du racisme anti-blanc. Il y a une certaine naïveté à croire que les victimes du racisme sont incapables de répondre. Comme si le statut de victime les coupait de leur réactivité? Ou bien est-ce plutôt l’expression d’une attitude fausse qui consisterait à penser : »Y’a du racisme en France, les pauvres je les plains etc…mais quand il s’agit de se défendre et d’adopter la même position que l’agresseur, il n’y plus de compassion. D’un coup, on s’indigne! Comment « eux » pourraient-ils NOUS appliquer ce que l’on pense d’eux? C’est encore du racisme. On est loin , très loin de trouver une solution à la connerie.

  2. C’est presque amusant de constater que tout ce politiquement correct dégoulinant de bons sentiments semble aujourd’hui si ridicule. Tout est tellement si faux, si excessif , si à côté de la plaque dans cette autoflagellation à la française qu’on en vient à se demander de quelle sorte de maladie mentale il s’agit.
    Ce serait drôle si nous n’avions à l’esprit l’état lamentable de l’Algérie actuelle, de la Kabylie éternelle re-soumise au joug des colonisateurs de 14 siècles que des crétins francophones et aveugles ne voyaient pas.. et ne voient toujours pas, des colonisateurs qu’ils ont aidé à devenir « indépendants ». indépendants de qui, de quoi? indépendants à massacrer les harkis? indépendants à tirer sur les foules kabyles manifestantes? indépendants à écraser la démocratie? indépendants jusqu’à venir nous envahir aujourd’hui pour fuir la misère qu’ils ont indépendamment crée?
    Ah que je souhaite qu’elle crève, toute cette foutue génération de cons qui se sont trompés toute leur vie mais qui remuent encore, qui n’arrêtent pas de parler et de parler!? Allez vous jusqu’au bout de votre vieillesse incontinente nous saouler de vos faux combats ? Ne voyez-vous pas que vous vous êtes trompé sur tout? Allez-vous un jour reconnaitre vos erreurs avant d’expirer?
    Les faits sont plus têtus que vous, et eux ne mourront jamais.