Vaut-il mieux l’ignorer pour ne pas en faire la promotion ? La dénoncer en publiant les noms de ceux qui l’effectuent sur leurs lieux de travail ? L’exécuter à son tour pour en dénaturer le sens ? Quels mots pour en parler, même s’il s’agit de la combattre ? Comment l’interpréter, alors qu’elle semble comporter plusieurs significations ? Bien plus qu’une blague potache, la «quenelle» signale l’adhésion, même partielle, d’un individu à l’imaginaire extrémiste de Dieudonné M’bala M’bala. Quant aux ignorants «quenelleurs» que sont Teddy Riner, Mamadou Sakho ou Tony Parker, c’est surtout leur candide proximité avec un multirécidiviste de la haine raciale qui est insupportable.

Un salut extrémiste travesti en blague potache

La quenelle de Jean-Marie Le Pen et Bruno Gollnisch
La quenelle de Jean-Marie Le Pen et Bruno Gollnisch

Dieudonné a réussi à faire passer ses meetings fascisants pour des one man shows comiques ; il propose désormais une gestuelle en phase avec ce travestissement.
La quenelle est un produit français dont les sonorités du signifiant et la forme du signifié renvoient immanquablement à une allusion sexuelle qui peut prêter à sourire. Il faut donc sans doute commencer par cesser d’appeler ce geste « quenelle », car on sert le projet politique de Dieudonné en acceptant implicitement la désignation comique d’une gestuelle d’extrême droite qui a d’ailleurs su trouver grâce aux yeux des hiérarques du Front National.
« Imaginaire antisémite », « meetings fascisants », « gestuelle d’extrême-droite » : j’entends déjà les partisans de Dieudonné s’indigner faussement de la gravité de ces accusations, ironiser sur chacun des termes employés, minimiser la portée de leur forfanterie. Il faut dire qu’ils s’en sont faits une spécialité depuis 10 ans que leur leader est très régulièrement condamné pour incitation à la haine raciale.dieudonne_europeenne
Pour rendre à ce salut sa véritable dimension, il faut d’abord en rappeler la genèse. Il est apparu pour la première fois sur les affiches de la liste antisioniste de Dieudonné lors des élections européennes de 2009. 
Pour son créateur, il est conçu comme un bras d’honneur dirigé contre « les sionistes », dans une référence peut être volontaire au salut hitlérien. Mais l’antisémitisme initial n’est pas tout ; on pourra également rappeler la symbolique de ce geste. En 2009, Dieudonné le déclarait avec l’élégance qui le caractérise : «L’idée de glisser ma petite quenelle dans le fond du fion du sionisme est un projet qui me reste très cher.» La quenelle symbolise en fait le viol ; c’est sans doute la raison pour laquelle très peu de femmes se font prendre en photo en effectuant ce geste.
Depuis 2009, ce bras d’honneur a rythmé les représentations de Dieudonné, s’imposant peu à peu comme le salut des sympathisants en fin de meeting, dans une ambiance surchauffée par deux heures de blagues nauséabondes. Parallèlement, on l’a vu apparaître sur de très nombreux clichés ; parfois ouvertement antisémites, lorsqu’il est effectué sous une plaque de rue « des Juifs » ou à l’entrée du camp d’Auschwitz-Birkenau (ce blog qui recense des dizaines de clichés est de ce point de vue très éloquent) ; parfois subversif lorsqu’il est réalisé par des militaires français engagés au Mali, ou par des pompiers courageusement encasqués.

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Il arrive aussi que ces dimensions se combinent, comme lorsque ce salut est exécuté par deux chasseurs alpins chargés de surveiller l’entrée d’une synagogue à Paris. 
C’est sans doute ce qui vaut à ce dernier cliché le privilège de figurer en tête du vote des internautes sur le site de Dieudonné.
Mais ce qu’il faut comprendre, c’est que cette apparente distinction entre geste subversif et geste antisémite n’existe pas dans l’univers Soral/Dieudonné. Pour eux, les Juifs appelés les «sionistes», sont les dirigeants d’un ordre mondial (tiens, cela ne vous rappelle rien ?) ; revendiquer son «insoumission au système», revient en réalité à clamer sa détestation des «sionistes» qui, dans l’imaginaire malade de Dieudonné, sont placés au sommet d’une improbable pyramide sociale et asservissent le reste de la population.
Reproduire ce geste revient donc à déclarer son adhésion à une thèse politique caractéristique de l’extrême droite la plus nauséabonde : celles des Juifs ordonnateurs d’un système mondialisé. C’est aussi revendiquer sa proximité avec Dieudonné, un leader d’extrême droite déjà condamné à 12 reprises pour incitation à la haine raciale, injures raciales ou diffamation.

Quelques-uns des plus grands sportifs français sont complaisants avec Dieudonné

On peut se montrer circonspect en écoutant l’argumentation développée par les personnalités ayant reproduit ce salut, lorsqu’ils plaident l’ignorance totale de sa signification.
  
Admettons que nous ayons affaire à des quenelleurs «à l’insu de leur plein gré», à des monsieurs Jourdain de la quenelle, à des candides pris au piège ; même ignorants de la signification du geste effectué, que faisaient donc ces sportifs au Quartier Général de Dieudonné ? Pourquoi Mamadou Sakho mais aussi Teddy Riner ou Tony Parker, c’est-à-dire nos plus grands champions, se sont trouvés en compagnie de Dieudonné il y a quelques mois, vraisemblablement dans les loges du Théâtre de la Main d’Or à Paris où se produit Dieudonné (les trois clichés montrent le même arrière-plan), et à l’occasion d’une représentation (Dieudonné porte sa tenue de scène sur chacun des clichés) ? Comment se sont-ils comportés pendant les deux heures durant lesquelles les blagues antisémites se sont répétées ? On les voit souriants et amicaux : pourquoi ont-ils accepté, et même revendiqué par une photographie sur laquelle ils posent, la moindre proximité avec ce multirécidiviste de la haine raciale ?

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Parker, Riner, Sakho : quenelleurs ignorants peut être, mais dieudonnistes complaisants assurément.
A ce jour, aucun d’entre eux n’a répondu de cette proximité surprenante.

4 Commentaires

  1. Il vaut mieux l’ignorer, ne pas en parler et donc lui faire de la pub.
    Je viens d’en faire l’expérience.

  2. Bonsoir,

    La question que vous posez est la bonne : en parler ou pas ?

    Pour le reste, il me semble que votre raisonnement part du postulat que ce geste, en soi, importe et je ne suis pas d’accord : je pense que les actes, notamment les actes d’antisémitisme répréhensibles et abjects, importent, mais que les gestes comme celui-ci sont largement inoffensifs. Et si la plateforme politique de Dieudonné s’exprime exclusivement à travers ce geste, comme cela me semble être le cas vu qu’on en retient / connaît rien d’autre, elle est inoffensive également. Et ceux qui parlent de dieudonnisation des esprits ont un certain sens de la formule. Point barre.

    Ce qui m’incite à relativiser fortement le geste, c’est que je ne connais pas précisément le parcours de chacun des « quenelleurs » cités dans l’article mais ce qui est connu de celui de Mamadou Sakho m’incite à invoquer à son endroit une excuse de maladresse. Maladresse crasse, certes, mais à mettre en balance du reste de sa vie.

    Bref, tant que Dieudonné amusera la galerie avec des quenelles, il pourra en placer où bon lui semble, ça n’aura guère plus d’effet que n’importe quel autre geste : brasser de l’air.

    Cdt,
    SebMaurice

  3. Bonjour,
    Je soutenais le front nationale. Cette photo de Bruno Gollnisch et de Jean Marie Le pen a été la goutte d’eau qui a fait débordé le vase. La psycho-rigidité anti-union européenne, le diktat de Marine Le pen et les vicissitudes des autres candidats ont fait le reste. Je suis las de l’anti-sémitisme chez les électeurs du FN. Je suis las de la xénophobie. Je suis las de la haine de l’autre.

    Par dessus tout, je ne fais que constater le manque de sérieux de ce parti. On ne construit pas la France en s’opposant aux autres.