Oui, bien sûr, il y a pire. Par exemple Daech qui punit de mort des homosexuels en les précipitant du haut d’un immeuble. Ou le Front al-Nosra qui en pleine rue fait le procès d’une femme accusée d’adultère et conclut au bout de cinq minutes en lui mettant une balle dans la tête. Ou encore un tribunal soudanais qui condamne une femme au fouet parce qu’elle marchait en pantalon dans Khartoum. Mais ces saloperies sont commises dans des territoires sous autorité des islamistes, là où les fous furieux d’Allah affichent en creux leur obsession du sexe en tentant de la masquer par un puritanisme hystérique. Oui, donc, il y a pire que le verdict d’un tribunal du Caire qui vient de condamner à un an de prison une jeune femme, Reda al-Fouly, pour «incitation à la débauche».

Qu’avait donc fait cette redoutable Lilith égyptienne ? Eh bien elle avait tourné dans le clip d’une chanson, «Seeb Idy» («Laisse ma main»), dansant et chantant vêtue d’une robe moulante, assez courte et très décolletée. La caméra zoome plusieurs fois sur ses cuisses et ses seins. Le réalisateur, un certain Wael Elsedeki, apparaît sur la vidéo, chantant et dansant lui aussi mais sur un mode déconneur. Le clip relève au final du genre sexy-potache. Les autorités égyptiennes, elles, l’ont jugé suffisamment scandaleux pour déclencher des poursuites au lendemain de sa publication sur YouTube, en mai. Le 25, Reda el-Fouly était arrêtée, ainsi que le caméraman. Dimanche 28 juin, le verdict tombait : un an de prison, donc, pour les deux inculpés. Wael Elsedeki a pris la même peine, mais il avait eu la bonne idée de prendre la poudre d’escampette dès que la justice de son pays a commencé les poursuites.

Ces condamnations moyenâgeuses sont tombées dans une Egypte qui n’est plus sous le joug d’un gouvernement dirigé par les Frères musulmans, mais où le pouvoir est aux mains de celui justement qui les a renversés, le maréchal Al-Sissi et qui, en janvier, appelait à «révolutionner» l’islam. Il est vrai qu’il n’avait pas appelé à révolutionner les mœurs… On ne peut s’empêcher de relever que l’Egypte sous la férule des militaires ressemble à l’Algérie des «décideurs», cette caste de hauts gradés de l’armée qui avait gagné la guerre civile contre les islamistes emmenés par le sanguinaire GIA. Dans un cas comme dans l’autre, le pouvoir applique dans la société un islamisme sans les islamistes, encourageant de toutes ses forces une bigoterie d’Etat, pratiquant la tartufferie comme mode de gouvernance.

On se demande bien ce qui différencie idéologiquement ces régimes du gouvernement marocain dirigé depuis 2011 par les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD, proche des Frères musulmans). Fin mai, «Much loved», l’excellent film de Nabil Ayouch, était tout bonnement interdit au royaume chérifien, alors qu’il venait de recevoir un accueil enthousiaste à Cannes. Sa faute, sa très grande faute ? Il dépeint la vie au quotidien de trois copines prostituées à Marrakech. Le réalisateur et son actrice principale, Loubna Abidar, étaient menacées de mort, une page Facebook appelant à leur exécution recevait 4000 likes en quelques jours. Parmi les insultes déversées à flot sur le Net contre Nabil Ayouch, on trouvait «sale rat», «fils de pédé» (tiens tiens…) et «chien de sioniste» (quand donc nos amis psychanalystes expliqueront-ils cette association constante entre la panique devant la sexualité et l’antisémitisme ?). Les autorités se sont bien gardées d’engager des poursuites contre les auteurs des appels au meurtre. Au contraire puisque, cautionnant de fait la vague de haine, le ministère de la Communication a justifié l’interdiction du film par un communiqué assénant que « le film comporte un outrage grave aux valeurs morales, à la femme marocaine, et une atteinte flagrante à l’image du Maroc». On retrouve là ce même national-bigoterisme dans lequel plongent de plus en plus profondément les pays arabo-musulmans. Il y a moins de trois semaines, le journal Maroc Hebdo, qui passe pour cibler les classes moyennes, faisait sa une d’un titre en gros caractères : «Faut-il brûler les homos ?». Le scandale a été tel sur les réseaux sociaux que l’hebdomadaire a été retiré de la vente au bout de quelques jours. Mais le journal s’était senti la possibilité de poser la question en la justifiant, dans un article, au nom de «la morale et des valeurs religieuses».

Les pays arabo-musulmans qui affirment combattre Daech et ses divers avatars de par le monde devraient rompre au plus vite avec la répression de toute expression de l’humanité sexuée. Faire de l’islam et du nationalisme une justification du puritanisme d’Etat est le moyen le plus sûr de nourrir l’adhésion au jihadisme. Mais il y aura sans doute de belles âmes pour rétorquer que Molière et son Tartuffe sont un outil de la propagande occidentale-colonialiste-sioniste…

Un commentaire

  1. Votre article tend à imposer un mode de vie occidentale à un monde orientale.
    Suffit de dénigrer les autres et se plaindre de leur réponse mal adaptée soit elle!