« …des mauvaise langues  ont insinué qu’André Breton avait organisé avec Pierre Colle et le gouvernement Lázaro Cárdenas du Mexique  à la galerie Renou l’exposition  » Mexique » …des petits  tableaux de Frida auraient pu être  présentés au milieu d’objets et de photographies. Breton écrit dans le catalogue: « L’art de Frida Kahlo est un ruban autour d’une tombe. » On prétend que Picasso lui offre de grandes mains en ivoire en guise de boucles d’oreilles. La couturière Schiaparelli crée une robe, « Madame Rivera ».

Frida  n’aime pas Paris, qu’elle trouve sale, et la nourriture ne lui convient pas ; elle attrape une colibacillose.

L’exposition lui déplaît : son avis est « qu’elle est envahie par cette bande de fils de putes lunatiques que sont les surréalistes », elle trouve superflue « toute cette saloperie » exposée autour du Mexique. Par-dessus le marché Pierre Colle refuse d’exposer ses œuvres  dans sa galerie, choqué par la « crudité des tableaux ».  D’après Frida « cette exposition est une vaste fumisterie » . Elle ne supporte ni Breton, « qui ne pense qu’à sa propre gloire », ni Pierre Colle, ce « vieux bâtard et fils de pute », écrit-elle à « son amant » (?)  le photographe Nickolas Muray. Les surréalistes ne sont que  « des maudits intellectuels de mes deux. Je préférerais m’asseoir par terre pour vendre des tortillas au marché de Toluca plutôt que de devoir m’associer à ces putains d’artistes parisiens. […] Ça valait le coup de venir, rien que pour voir pourquoi l’Europe est en train de pourrir sur pied et pourquoi ces gens – ces bons à rien – sont la cause de tous les Hitler et Mussolini ! »

FRIDA KAHLO & ANDRE BRETON

Trotski,  Rivera, Breton, Jacqueline Lamba et Frida Kahlo.

 

`Tandis qu’une véritable et profonde amitié se noue entre Frida et Jacqueline:

 

LETTRE DE FRIDA à JACQUELINE:  « Depuis que tu m’as écrit, en cette journée si claire et si lointaine, j’ai voulu t’expliquer que je ne pouvais ni prendre de jour de congé, ni revenir en arrière. Je ne t’ai pourtant pas oubliée — sans toi les nuits sont longues et difficiles.

L’eau. Le bateau, le quai et ce départ qui t’ont fait redevenir enfant au travers de mes yeux, ceux-là mêmes par lesquels tu me regardais comme au travers de deux fenêtres rondes, comme pour me garder à jamais dans ton cœur.

Tout cela est intact. Après sont arrivés des jours nouveaux pour toi. Aujourd’hui je voudrais tant que mon soleil puisse te toucher. […]

La chemise aux rubans de soie est tienne. Les vieilles places de ton Paris sont quant à elles à moi, et par-dessus toutes la merveilleuse — La Place des Vosges, si oubliée et si ferme, les escargots et la poupée sont aussi tiens — ou plutôt c’est ce qui te représente.

[…] Sa robe est toujours la même que le jour du mariage, tu te souviens, celle qu’elle n’a voulu enlever avec personne. C’est ce même jour que nous l’avions trouvée presque endormie dans cet appartement si sale.

Mes jupes en dentelle et la vieille blouse que je porte toujours dessinent le portrait absent d’une seule et unique personne. Mais la couleur de ta peau, de tes yeux et de tes cheveux change avec le vent mexicain. Tu sais toi-même que tout ce que je vois, tout ce que je touche, ne m’amène que vers lui, Diego.

La caresse des tissus, la couleur de la couleur, les clochettes, les nerfs, les crayons, les feuilles, la poussière, les cellules, la guerre et le soleil, tout ce qui se vit dans les minutes situées hors du temps et du vide invisible, c’est lui. Tu l’as senti, c’est pour ça que tu as permis que le bateau du Havre, où tu ne m’as jamais dit adieu, me ramène.

Je continuerai toujours à t’écrire avec mes yeux. » : Frida Kahlo

« Desde que me escribiste, en aquel día tan claro y lejano, he querido explicarte que no puedo irme de los días, ni regresar a tiempo al otro tiempo. No te he olvidado – las noches son largas y difíciles. El agua. El barco y el muelle y la ida, que te fue haciendo tan chica, desde mis ojos, encarcelados en aquella ventana redonda que tú mirabas para guardarme en tu corazón.

Todo eso está intacto. Después vinieron los días, nuevos de ti. Hoy, quisiera que mi sol te tocara. Te digo que tu niña es mi niña, los personajes títeres arreglados en su gran cuarto de vidrio, son de las dos.

Es tuyo el huipil con listones solferinos. Mías las plazas viejas de París,  sobre todas ellas, la maravillosa – Des Vosges tan olvidada y tan firme. Los caracoles y la muñeca-novia, es tuya también- es decir, eres tú -.

[…]  Su vestido el mismo que no quiso quitarse el día de la boda con nadie, cuando la encontramos casi dormida en el piso sucio de una calle. Mis faldas con volantes de encaje, y la blusa antigua que siempre llevaba hacen el retrato ausente, de una sola persona.

Pero el color de tu piel, de tus ojos y tu pelo cambia con el viento de México. Tú también sabes que todo lo que mis ojos ven y que toco conmigo misma, desde todas las direcciones, es Diego. La caricia de las telas, el color del color, los alambres, los nervios, los lápices, las hojas, el polvo, las células, la guerra y el sol, todo lo que se vive en los minutos de los no-relojes y los no-calendarios y las no-miradas vacías, es él.

Tú lo sentiste, por eso dejaste que te trajera el barco desde el Havre donde tú nunca me dijiste adiós.

Te seguiré escribiendo con mis ojos, siempre. » Frida Kahlo