Jeanne d’Arc /HOU YIFAN,  being dubbed by F. Arrabal and the god Pan [armada « caballero » por el dios Pan ; adoubé par le dieu Pan] c: Christèle Jacob / Fernando Arrabal

Hou Yifan, en chinois: 侯逸凡 , en pinyin : Hóu Yìfán est née le 27  février 1994 dans la province de Jiangs. Elle devient championne du monde (femmes) en 2010. Elle est Grand Maître International depuis 2008

Yifan Hou : J’ai décidé d’abandonner le cycle du Championnat du Monde féminin après avoir reçu une réponse claire de la FIDE en ce qui concerne la possibilité d’un changement du système actuel du Championnat du Monde féminin. J’ai participé à tous les cycles précédents, depuis 2009, et la raison principale était que ces dernières années la vainqueur obtenait le droit de jouer un match du Championnat du Monde féminin. Je ne pense pas que cela soit raisonnable, mais c’était la seule option que j’avais. Maintenant la situation est différente. Je ne vois aucune raison de prendre part aux différentes étapes seulement pour être en mesure de jouer le Championnat du Monde féminin, surtout quand les adversaires ont généralement au moins une centaine de points Elo de moins que moi. Depuis des années j’exprime mon profond mécontentement à la FIDE à ce sujet, mais ils n’acceptent pas ce que je dis. Donc, je ne vais pas rester dans un système avec lequel je suis en désaccord.

Frederic Friedel : Serez-vous présente au Championnat du Monde féminin au K.O., prévu cette année ?

Yifan Hou : Non, je ne vais même pas y penser. Je ne peux pas en accord avec le système actuel. Déjà en 2012 j’ai hésité à y participer. J’avais gagné le match contre Humpy Koneru à Tirana, puis, à contrecoeur, j’ai joué le Championnat du Monde au K.O. à Khanty Mansiysk, en Russie, avec un résultat très insatisfaisant. Puis le tournoi au K.O. en 2015, qui devait se tenir fin 2014, tombait au même moment que le Festival d’échecs d’Hawaï, que j’avais promis de jouer avant que la FIDE annonce les nouvelles dates de l’événement.

Frederic Friedel : Vous n’avez clairement pas envie de jouer le Championnat du Monde au K.O…

Yifan Hou : Je suis ouverte à tous les formats d’événements échiquéens. Ce que je ne peux pas accepter, c’est qu’un tel tournoi au K.O. décide de la Championne du Monde. Un événement à élimination directe à 64 joueuses est une loterie : vous jouez deux parties, et si vous perdez la première pour une raison quelconque, vous avez de bonnes chances d’être éliminée. C’est quelque chose qui peut se produire dans l’un des cinq tours nécessaires pour atteindre la finale. J’ai eu de la chance en 2010 en Turquie, mais à Khanty-Mansiysk j’ai été battu par Monika Socko au deuxième tour. Dans le même tour, d’autres joueuses du top mondial, Humpy Koneru et Anna Muzychuk, ont également été éliminées, toutes les trois par des joueuses avec 150 points Elo de moins.

Année Type Gagné par Lieu
2004 64 joueuses KO Antoaneta Stefanova Elista, Russia
2006 64 joueuses KO Xu Yuhua Ekaterinburg, Russia
2008 64 joueuses KO Alexandra Kosteniuk Nalchik, Russia
2010 64 joueuses KO Hou Yifan Hatay, Turkey
2011 match en dix parties Hou Yifan Tirana, Albania
2012 64 joueuses KO Anna Ushenina Khanty Mansiysk, Russia
2013 match en dix parties Hou Yifan Taizhou, China
2015 64 joueuses KO Mariya Muzychuk Sochi, Russia
2016 match en dix parties Hou Yifan Lviv, Ukraine

La FIDE avait un système similaire pour le Championnat du Monde masculin par le passé, avec 128 joueurs, dans un tournoi à élimination directe, mais le système a été abandonné depuis, le titre ayant été remporté par les joueurs qui ne se trouvaient pas dans le top dix ou vingt mondial.

Frederic Friedel : Si vous ne jouez pas le prochain tournoi au K.O., nous aurons une nouvelle Championne du Monde et vous ne serez pas en mesure de lui contester le titre en 2017. Vous perdrez votre titre sans jouer un match et vous serez également hors du cycle dans le futur.

Yifan Hou : C’est vrai, selon le système féminin actuel, et voilà pourquoi c’est le bon moment pour améliorer ce système. Je ne le propose pas seulement après une première victoire mondiale – je le fais depuis maintenant six ans. Outre les raisons précédentes que j’ai déjà données, le point principal est que ce système n’est pas logique : la gagnante du tournoi à élimination directe est appelée « Championne du Monde » et la Championne du Monde précédente perd son titre. Par ailleurs : que se passe-t-il si je joue le K.O. et que je le gagne ? Est-ce que je dois me défier ? Non, la challenger sera la finaliste. Mon match contre Humpy Koneru a eu lieu parce qu’elle a terminé deuxième du cycle à l’époque – j’ai eu 465 points et elle 380 points. Quoi qu’il en soit, j’ai montré mes performances dans différents formats de tournois, y compris au KO, des tournois et des matchs, pendant six ans, maintenant il est temps de changer. J’ai cette idée depuis longtemps, mais jusqu’à maintenant, je pensais « tu n’es pas assez forte pour demander la modification du système », et « probablement que la FIDE vas te considérer plus sérieusement si tu gagnes plus d’événements ». Ces pensées et d’autres semblables m’ont encouragé à continuer à jouer le cycle du Championnat du Monde, mais après avoir remporté trois matchs, la FIDE a encore rejeté toutes mes propositions, je ne vois donc aucune raison de continuer à jouer dans un système illogique et injuste.

Hou Yifan

Frederic Friedel : Comment voulez-vous que le système soit modifié exactement ?

Yifan Hou : Fondamentalement, il doit se dérouler comme le Championnat du Monde masculin : des tournois de qualification, un tournoi des candidats, et le gagnant joue le Champion du Monde en titre. C’est la façon dont le championnat du monde s’est déroulé le plus souvent dans l’histoire des échecs. Toutefois, si la FIDE dit que c’est trop compliqué ou qu’il est trop difficile de trouver des sponsors, j’ai une solution très simple : garder le système actuel, exactement comme il est, ou même l’étendre, comme le Grand Prix masculin, de sorte que plus de joueuses puissent participer, mais il devrait y avoir une différence importante : la gagnante, à la fin du cycle, n’est pas la nouvelle Championne du Monde, mais seulement la Challenger. Elle obtient le droit de jouer la Championne du Monde en titre dans un match en dix parties.

Frederic Friedel : Donc un match de championnat du monde complet tous les deux ans au lieu de chaque année ?

Yifan Hou : Oui, bien sûr. En avoir un chaque année – ou en fait deux Championnats du monde féminin chaque année, comme c’est théoriquement possible en 2016 – réduit la valeur du titre. Magnus Carlsen en est le parfait exemple : il est le joueur le plus fort (et de loin) du monde, et il a remporté deux matchs de championnat du monde contre un qualifié choisi par le Grand Prix, par la Coupe du Monde et le Tournoi des candidats. Le mois dernier, Sergey Karjakin a remporté le cycle 2016 de qualification. Il est devenu le troisième Challenger et obtient le droit de jouer un match en 16 parties contre Carlsen en novembre. Pourquoi ne pouvons-nous pas avoir un système similaire pour les femmes ?

La Fédération Internationale des Échecs FIDE

Frederic Friedel : Qu’est-ce que la FIDE pense de vos propositions ?

Yifan Hou : Elle continue de promettre de considérer mes demandes, d’en discuter aux réunions du Conseil présidentiel et d’en parler avec les autres joueuses. Ils vont essayer de trouver une solution plus tard. Cela dure depuis trois ou quatre ans maintenant. J’ai donc décidé de quitter le Championnat du Monde et d’attendre de voir s’il sera réformé.

Frederic Friedel : La FIDE dit qu’il est impossible d’obtenir un financement pour les événements au knock-out (que les autres femmes apprécient), si ce n’est pas un championnat du monde, mais seulement pour une Challenger…

Yifan Hou : Oui, bien sûr, vous pouvez rendre un tournoi plus intéressant en en faisant un Championnat du Monde. Imaginez seulement si Wijk aan Zee, St. Louis ou le Norway Chess produisaient des Champions du Monde et que le champion du monde en titre perdait automatiquement son titre. Naturellement, les organisateurs et les joueurs pourraient apprécier, mais ce serait réduire de beaucoup la valeur du titre mondial.

Frederic Friedel : Yifan, si vous quittiez le cycle féminin, pourriez-vous devenir une sorte de Judit Polgar : vous seriez la femme la plus forte aux échecs de la planète, une centaine de points devant tout le monde, et jouer seulement des tournois masculins ?

Yifan Hou : Eh bien, pas exactement. Bien sûr, Judit représente un excellent exemple pour les échecs féminins pour encourager les filles à jouer, mais je suis impatiente de faire mon propre chemin. Si le système peut être amélioré de façon raisonnable, je pense que je ne quitterais entièrement les échecs féminins, du moins pas pour le moment. Toutefois, tant que la vainqueur du match du Championnat du Monde perdra automatiquement son titre, sans jouer de match, je n’ai malheureusement pas d’autre choix que de cesser de participer à ce cycle. Cependant, en pensant positivement, cela n’est peut pas si mauvais. Cela me permettrait de me concentrer sur le haut niveau, sur le « terrain des « hommes ». Je pourrais essayer de devenir plus forte, plus efficace, car il n’y aurait plus aucune obligation de jouer des tournois féminins.

Frederic Friedel : Une dernière question : si la FIDE accepte votre proposition, si elle accepte que la gagnante du tournoi à élimination directe soit Challenger et non pas Championne du Monde, seriez-vous prête à adhérer de nouveau au cycle ? Voudriez-vous défendre votre titre contre la Challenger en 2017 ?

Yifan Hou : Bien sûr. rappelez-vous que je n’ai pas quitté l’ensemble du système, je me retire seulement du cycle du Championnat du Monde féminin. Si la prochaine gagnante du Championnat au K.O. n’est que Challenger, alors j’y participerais à coup sûr. La logique est la suivante : si la FIDE maintient le système du Championnat du Monde actuel, j’abandonne l’ensemble. Cependant, aujourd’hui j’ai le titre de Championne du Monde et je suis prête à le défendre dans un match contre une Challenger. Publié par Europe-Échecs. Source