[Libération, 22, VII, MMX]

QUESTIONS A FERNANDO ARRABAL
Poète et cinéaste

Quand l’équipe de France devient surréaliste, il faut convoquer un surréaliste. Fernando Arrabal, donc. Poète, cinéaste, romancier et dramaturge.

Alors, heureux ?

Viva la rébellion de Knysna de l’Equipe de France… Pour un football moderne. Libre. Sans entraîneur. Anelka aime la France. Comme tous les joueurs de l’équipe. Cette révolte française d’aujourd’hui lors de la coupe du monde est un moment significatif dans l’histoire de la modernité. Ils ont pris leurs responsabilités poétiques. Ils ont fait le geste de leurs  meilleurs ancêtres : la révolution. Ils se sont demandé, voyants : “l’anomalie est-elle anormale ?”, “les hippocampes flotteraient-ils  mieux grâce à des maitres-nageurs ?” Ils ont l’innocence du poète.  L’optimisme du révolutionnaire. Extralucides,  ils ont agi le jour de la “Saint Dieu, retraité” du calendrier ’pataphysique.

Est-ce parce que la Fédération, son président, Domenech et son staff ne comprennent rien à la poésie que tout explose en plein vol ?

D’abord, quelle joie pour les Saint-Just! Champagne pour tous!  Près de ces cadres parfumés de boue, l’immortalité bâille. Ce sont des “pères Ubu”. Ils  se traînent  vers le passé. Chaque fois plus mollement. Face à eux, superbes et généreux, des vrais lions de Victor Hugo : les rebelles de Knysna. Ils ont saisi leur chance, leurs vers. Au cri de: “L’avenir, déjà !”.  C’est la fête finale !
C’est la seule équipe de l’Histoire qui vient de gagner TOUT. Comme le cheval du Cid obtenant la victoire après la disparition  de son “maître”. Trois semaines avant la fin. Cette équipe a voyagé dans le Temps. Le professeur Lévy-Leblond reconnaît que pour le moment, ce n’est qu’une question de budget. C’est le triomphe des fiancés de Louise Michel. Des 23 Gavroche, sans dieu ni maître.

Aucun intéret, donc de chercher le traître…

Le traître. Les vrais traîtres sont les accusateurs. Publics. Aux micros. Aux écrans. Unanimes. Les calomnies se haussent indélébiles. Les charognards éclaboussent de leur propre ignominie les révoltés. La frontière entre vie privée et domaine public est « napalmisée ». La victime, les victimes, sont couvertes de crachats et clouées au pilori. Amen.

Recueilli par Brieux FEROT