Après Rire, Mourir, Croire, Dire, Consentir, la revue de psychanalyse lacanienne ORNICAR ?, dans sa dernière livraison intitulée Mentir, s’attache aux paradoxes sur la vérité et le mensonge, articulés aux concepts lacaniens sur le langage et l’inconscient, et c’est un vrai régal pour les amateurs de complexité savante, seraient-ils peu familiers des arcanes lacaniens.
Les contributeurs de Mentir, à commencer par Jacques-Alain Miller, éditeur des séminaires de Lacan, s’appuient sur deux paradoxes bien connus. Le premier est le paradoxe du Crétois. Un Crétois dit : « Tous les Crétois sont menteurs. C’est moi Euménide le Crétois qui vous le dis. » Énonçant ce travers, ce Crétois dit vrai, il ne profère pas de mensonge, les Crétois mentent et lui aussi. Mais en proférant que tous les Crétois sont des menteurs, il ment en bon Crétois qu’il est, et donc tous les Crétois ne sont pas des menteurs. Comment sortir de cette aporie où deux vérités contraires cohabitent dans une même proposition ? Certains logiciens s’y sont cassé la tête, au long des siècles.
Deuxième illustration du même paradoxe, où la vérité passe pour un mensonge. Deux hommes se croisent dans une rue d’un shtetl polonais. »
– « Où vas-tu, Moshe ? »
– « Je vais à Lemberg, rabbin. »
– « Je ne suis pas né de la dernière pluie, Moshe. Tu me dis que tu vas à Lemberg, pour me faire croire que tu vas à Cracovie ! Or je tiens de tes voisins que tu vas bel et bien à Lemberg ! Pourquoi tant de dissimulation ? »
Si en société, tout le monde, peu ou prou, est contraint au mensonge, quel est le statut de la vérité chez les lacaniens ? Distinguer dans l’enchevêtrement des propos du patient le vrai du faux n’est en rien au principe de la cure. Loin du mirage identitaire moïque des tenants scientistes de l’ego, le sujet parlant, pour les lacaniens, est trompeur du fait-même qu’il parle et que ce qu’il dit est le produit d’une censure dont, écrit Lacan, « la mission est de tromper par le moyen de mentir. » Nietzsche avait dit la chose en termes encore plus tranchés : « Qui ne sait pas mentir ne sait pas ce qu’est la vérité. » Bref, une vérité ou bien encore un Je qui s’énonceraient comme tels, relèveraient tous deux du semblant. Le sujet, dit Lacan, n’est pas ; il manque à être. D’où le fameux objet a lacanien –l’objet cause du désir – qui ne peut être symbolisé ni rattaché à un signifiant, mais qui, tapi dans l’ombre, ouvre à la jouissance. En lui s’originent désir et libido face au paradis perdu de la fusion matricielle de la prime enfance et au dés-être qui s’ensuit. Cela donne, en creux, les écrivains et l’arme de la fiction plus vraie que le réel ; cela donne le mentir-vrai ; et, de même, les artistes, ces vrais pères de la Nature sans qui elle n’existerait pas.
Seule la révélation de l’inconscient permet de résoudre le paradoxe du menteur, pour peu, en bon structuralisme, que l’énoncé soit distingué de l’énonciation (comme le signifié du signifiant), et que l’analyste fasse parler la vérité à la première personne. La vérité parle, elle dit « Je parle » et non « Je dis vrai ». La vérité ne dit pas la vérité ; peu importe, l’important c’est de dire. Débilité de la vérité. « La seule opposition qui vaille, écrit l’un des contributeurs, est celle entre la fiction, qui marie la vérité au mensonge, et le réel. » Et de conclure abruptement : « On peut dire que le réel fait mentir le sujet, et finalement que le réel ment. »
Jacques Lacan (1901-1981), l’homme du « retour à Freud », est célèbre, hors même du milieu analytique, pour avoir inventé cet objet a sibyllin, introduit le stade du miroir chez le petit enfant, établi que l’inconscient est structuré comme un langage, et défini ainsi l’amour : « C’est donner ce qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas. »
Jacques-Alain Miller s’est plu, sur les traces de Lacan, lecteur de Hegel contre Kant, à opposer la vérité au savoir, ainsi que la cure est scandée de leur dépassement, et à gloser sur le moment de leur séparation. Il s’est plus encore adonné à pratiquer avec un plaisir non-dissimulé des exercices de logique pure, serait-elle « inconsistante. ».
Vous découvrirez également dans cette livraison d’ORNICAR ? le premier théorème d’incomplétude de Gödel, le chat bien connu de Schrödinger qui est tout à la fois mort et vivant. Vous mettrez à mal le principe de non-contradiction cher à Aristote, qui pose que A ne peut être à la fois A et son contraire non-A.
Peut-être, au passage, saluerez-vous aussi Lacan dont la pensée irrigue de bout en bout ces pages d’ORNICAR ?.
Était paru jadis un livre sobrement intitulé Une Saison chez Lacan, qui donnait envie de se rendre chez lui, 5 rue de Lille, à Paris.

Au même moment où le tombeau aqualandais d’Oussama ben Laden se fait mousser dans les eaux noires de notre ère numéhomérique par un complexe de culpabilité décolonial qui, de New York à Washington, va subtilement s’adosser à la cupidité des organisations inter, alter, supra, infra et multinationales…
« Tous les Israéliens ne sont pas des suppôts de Satan… oops ! ma langue a fourché, je voulais dire de Benyamin Netanyahou.
— Mais vous avez tout à fait raison, Monsieur le Dernier ministre. Et de la même façon, le 16 juin 1940, la France n’avait pas signé des deux mains la stratégie délirante, désespérée, potentiellement désastreuse, va-t’en-guerre au possible, du sous-secrétaire d’État à la Guerre et à la Défense nationale du gouvernement Paul Reynaud. Une autre preuve, s’il en fallait, que le processus de transsubstantiation d’Israël en dèmos roi a divinement réussi. »
Le multiculturalisme s’arrête là où commence la fusion des révolutions totalitaires. Nous avons trop procrastiné, craignant le pire, l’embrasement, le chaos. On n’instaure pas la paix en se laissant renverser en douceur. Faire que l’Europe, cet empire des consciences sur lequel le soleil ne se couche jamais, demeure la matrice des Lumières, cela implique que tout citoyen du peuple y tienne ses éthnè ancestraux respectifs à l’écart de la seule communauté à laquelle un homme puisse appartenir, supranationale s’entend, et donc, de prendre lui-même des distances avec cet héritage exclusif auquel chacun est attaché de manière obsédante, viscérale ; il y va de la survie de l’État de droit.
Le creuset culturel chrétien — et juif et grec et latin — contenait en germe les clés de voûte de l’État de droit que sont le libre arbitre et le primat de la raison sur la foi.
Nous, le suprapeuple issu des Lumières, avons été capables de donner naissance à une civilisation fondée sur la Règle de la Loi des hommes qui naissent libres et égaux en droit. Nous y sommes parvenus en octroyant à la Liberté le pouvoir de s’offrir aux seuls sujets ou citoyens qui avaient consenti à se convertir à la religion philosophique sus-citée, que nous avions reconnue comme émanant de la nature même de notre être.
La chrétienté n’a jamais eu à se déthéocratiser, le Christ n’y ayant pas disputé à César ses propriétés et prérogatives spécifiques. Ses adeptes, quant à eux, furent néanmoins forcés d’hérétiser leurs vies en soumettant leur loi sacrée à la nouvelle loi universelle. Ils y consentirent du fait que les régimes démocratiques dont s’étaient dotées les terres chrétiennes s’étaient en quelque sorte athéisés, en repoussant hors des frontières de l’État la mainmise de l’Église ou de Dieu sur les âmes.
Un Occident multiculturaliste jusqu’aux anti-Lumières est un trou noir de la pensée voué à l’auto-effondrement. Cette boue idéologique s’affiche comme une représentation futuriste car réinitialisée de l’humanisme, alors qu’elle en trahit les premiers et derniers principes.
L’Arcom demande systématiquement à Eutelsat de couper la diffusion des chaînes russes, relais d’une propagande poutiniste qui ne cache pas sa volonté de renverser l’ordre du monde et, par voie de conséquence, l’Occident. Mais quid des chaînes djihadistes au premier rang desquelles Al Jazeera, ce ver dans le fruit du quatrième pouvoir, auquel son antiestablishment de posture confère les vertus virtuelles d’un establishment au cube ?
L’État de droit somme tout citoyen, ou sujet candidat à l’intégration, de se convertir, comme l’ont fait ses pères fondateurs adoptifs, à cette religion naturelle qui est a priori la sienne, en l’espèce l’humanisme, et ce, sous peine d’être désintégré par une bombe à fragmentation salement démographique.
Lorsqu’un tsunami migratoire en provenance de terres obscurantistes a non seulement la possibilité de s’abreuver quotidiennement à ses propres sources, mais celle d’en inonder les coulisses du pouvoir, on est en droit de se poser des questions sur la viabilité d’un droit humanitaire devenu aussi aveugle qu’un attentat terroriste.