Il y a quelques semaines, le jeune Mohamed Bouazizi s’immolait en face des bureaux du gouverneur de Sidi Bouzid, au cœur de la Tunisie. Son geste ultime et désespéré est devenu le point de départ d’une mobilisation populaire sans précédent en 23 ans de présidence de Zine El Abidine Ben Ali. Des manifestations durement réprimées gagnent un peu plus le pays chaque jour. Initiée par les jeunes diplômés, elles sont la conséquence logique d’un chômage endémique (30% des jeunes diplômés sont sans emploi) et du ras-le-bol d’une population asphyxiée depuis trop longtemps par la privation de ses libertés publiques élémentaires.
Face à cette situation inattendue, je souhaite ici avancer les raisons pour lesquelles ce mouvement sans leader, rassemblant de courageux cadets jusqu’ici non politisés, ne doit pas nous laisser froids et indifférents.
La première est d’ordre morale. Je sais qu’il est toujours peu convaincant d’en appeler de manière aussi abstraite à la conscience individuelle, mais sait-on jamais :
De jeunes Tunisiens risquent en ce moment leurs vies pour nous alerter sur leur situation dramatique. Ils nous disent que la répression déjà sévère se fait chaque jour plus violente ; prennent des précautions si invraisemblables pour communiquer avec nous sur internet qu’elles indiquent déjà la dureté de ce qu’ils encourent. Or, et c’est là très spécifique, ces jeunes filles et garçons ne souhaitent pas alerter l’opinion internationale en général, mais s’adresser en particulier à l’opinion française. Ils s’expriment en notre langue et font appel à nous.
Dès lors, et j’en suis navré pour les plus égoïstes, la situation se résume ainsi : par leurs appels légitimes et spécifiquement adressés, les jeunes Tunisiens nous ont convoqué. Ne pas les entendre, ne serait-ce qu’en s’intéressant à la réalité de la répression qu’ils subissent en ce moment même, reviendrait à les affaiblir dans la bataille qu’ils ont engagé pour réclamer leurs droits élémentaires. Ils ont osé, au péril de leurs vies, briser la loi du silence ; ne les laissons pas croire qu’ils se sont adressés à des sourds.
Je dois aussi avouer, peut être niaisement, que je ne peux me résoudre à l’idée que nous puissions tant aimer la Tunisie touristique et nous détourner complètement de la Tunisie politique ; avoir de l’affection pour le jeune groom si attentionné de notre bel hôtel de Tunis, d’Hammamet ou de Djerba, et ignorer son cri lorsqu’il attrape son sac d’étudiant. Rendre grâce à l’hospitalité légendaire des Tunisiens et ne pas leur prêter attention lorsqu’ils espèrent notre protection.
Car c’est bien de protection dont il s’agit. Et c’est essentiellement pour cela qu’il nous faut tendre l’oreille là où l’on nous hèle en ce moment. Si ces jeunes gens réclament avec tant d’insistance notre attention, c’est parce qu’ils savent que c’est là leur meilleure protection. Il nous faut poser un regard fixe et interrogateur sur la réalité des pratiques d’un État allié de la France et aimé par les français. Le pouvoir tunisien saura alors que chaque comportement est scruté et que chaque heure supplémentaire de répression dégradera encore un peu plus son image, dans laquelle il a tant investi.
La dernière raison est d’ordre géopolitique. Pour la première fois depuis les indépendances, un peuple arabe emmené par ses jeunes, se mobilise en nombre. Il réclame travail et liberté. C’est là une occasion inespérée de voir le début d’une démocratisation véritable dans la région. Cette opportunité-là mérite d’être saisie.
La Tunisie demeure un pays sécularisée et il faut reconnaître au chef d’État tunisien le fait d’avoir entretenu au sein de son peuple les germes de l’égalité homme/femme et de l’éducation. Il est temps pour lui d’en récolter les fruits. Ce peuple a grandi, il réclame plus de libertés. Le président-monarque vieillissant tient là l’occasion de devenir homme d’État et de donner finalement sens à ses 23 longues années de pouvoir, ponctuées de scores électoraux que même la junte birmane n’a pas osé. Lui qui construisait hier écoles et universités doit aujourd’hui laisser la Tunisie devenir une terre de libertés et de démocratie dans le monde arabe. De toutes façons, avec ou sans lui, une bonne partie des tunisiens en sont là.
Merci Raphael.
Je suis ecoeuree par le silence de la France.
Les US sont bien plus coherents dans leur discours. Ils ont denonce en premier la violence de la repression, et ne cessent d’insister sur le respect des libertes informatiques, essentielles dans ce pays pour continuer a respirer.
Ce n’est pas de l’ingerence economique de denoncer des tirs a balles reelles sur des manifestants, c’est un devoir moral.
Si la France se tait plus longtemps, j’espere qu’elle n’osera pas fustiger les « dictatures arabes » a l’avenir. Sa reaction montre explicitement son desir secret et refoule de voir ces dictatures perdurer. Ces dicatatures rassurent la France. Elle croit que les peuples du Maghreb ont besoin d’etre infantilises et maintenus en laisse.
La France a peur de l’apres Ben Ali? Qu’elle se rassure, ce ne sont pas des islamistes qui manifestent. La Tunisie regorge de personnes competentes et intelligentes. Ben Ali ou l’islamisme? Faux, il y a un monde de possibilites entre les deux. On court vers l’inconnu mais un inconnu lumineux
Oui,Aziz,
Il est urgent que la France s’implique davantage en Tunisie. Envoyons l’armée pour pacifier ce pays souverainement inapte à l’autogestion démocrate et républicaine. Débarquons avec nos administrations, nos tribunaux, nos écoles et nos curés proselites et pacificateurs.
C’est bien celà que vous voulez, Aziz ??
Parce qu’autrement, ne demandez rien à nos gouvernants. Ils seraient immédiatement épinglés comme post-colonialistes. Faites, vous, et faites faire autours de vous. On ne pourra jamais suspecter une personne ou une association Tunisienne de surcroit de vouloir jouer les envahisseurs. Cessez de vouloir tout et son contraire.
Une révolution se fait de l’intérieur. De l’extérieur c’est le fait d’envahisseurs.
J’avoue cher Aziz que j’ai du mal à comprendre votre opinion.
Vous nous demandez de vous laisser votre destinée et nous reprochez de ne rien faire … il faudrait tout de même être cohérent !
Bravo à Aziz pour son commentaire, honte au président Sarkozy qui il y a encore peu qualifiait Ben Ali de grand démocrate .
Honte sur la plupart des journalistes français qui auront attendu 3 semaines pour parler des troubles en Tunisie, heureusement qu’il nous reste internet !
Souvenons-nous du candidat Sarkozy et de son célèbre » Je ne serrerai pas la main des dictateurs » …
Je ne suis même pas étonnée de La Règle du Jeu soit si timide à condamner le régime tunisien , pourtant je ne vois pas de différence entre le clown iranien au pouvoir et son homologue tunisien, dans les 2 pays la jeunesse n’en peut plus ..
Mr Haddad a certes un beau talent de plûme mais qui ne me permet pas à la fin de son exposé de dissiper un malaise persistant .
Pourquoi tant de timidité à condamner ce régime dictatorial , pourquoi tant de prudence dans les termes choisis ???
Parce qu’ en tunisie la dictature serait plus supportable qu’ en Iran ?
Sauf que l’un a été réélu dernièrement avec un score prôche des 90 % !
Merci pour cet excellent article !!
Vous avez résumé l’opinion de centaines de jeunes tunisiens qui ne demandent qu’une chose : Leurs Droits !! Il est essentiel que le gouvernement français brise sa complicité avec le régime tunisien . Nous avons vécu 75 ans de colonisation . Est-ce trop demander de nous laisser décider de notre destinée et d’avoir une relation d’égal à égal ??
Nous sommes tous en colère face à cette indifférence du gouvernement français surtout depuis Chirac et Sarkozy qui ne voient en nous qu’une main d,oeuvre bon marché et un rempart à une phobie islamiste .
Que la France nous laisse vivre en paix dans notre pays , libres. Nous avons 3000 ans d’Histoire notre ouverture sur le monde , notre tolérance , est le meilleur rempart contre cette islamisation . Nous donnerons l’exemple à tant de peuple arabes qui ont soif d’égalité!!!