Depuis avril 2023, les milices des Forces de Soutien Rapides (FSR) ont repris sur une vaste échelle meurtres de masse, viols systématiques, pillages et destructions des villages du Darfour. Les diplomates occidentaux sont inquiets et la Cour Pénale Internationale (CPI) a annoncé mener une nouvelle enquête. Le calvaire des Darfouris continue. Quelques observateurs à la mémoire courte parlent maintenant de génocide. Les autres, plus nombreux, ont besoin qu’on leur ouvre les yeux. L’impression est que le monde détourne le regard.

Ces bandes de tueurs connaissent bien le terrain, ce sont les anciens Janjawids issus des tribus arabes et revêtus maintenant d’un uniforme. Ils rêvent de conquérir la région et, au-delà, tout le Soudan. Leur passage laisse derrière eux un sillage de terreur et de désolation. Hemedti, le chef de ce gang, est un ancien chamelier devenu « général » en raison de ses « exploits » sanguinaires sur les civils au Darfour. 

Les FSR affrontent dans leur volonté de conquête du pouvoir une autre bande, celle de l’armée « régulière » dirigée par le général al-Burhan. Face à l’avancée des miliciens, plusieurs groupes rebelles du Darfour se sont ralliés à l’armée. Les militaires, qui ont incorporé de larges secteurs islamistes en leur sein, sont accusés de bombardements indiscriminés sur les populations.

Il faut savoir que Hemedti et al-Burhan étaient autrefois alliés sous la direction du maréchal-président Omar el-Béchir, un islamiste qui a régné sur le Soudan pendant 30 années. En 2009 la CPI avait émis un mandat d’arrêt international à l’encontre de Béchir pour génocide commis sous ses ordres au Darfour. Al-Burhan et Hemedti ont largement participé à ces crimes.

En 2019, une immense mobilisation des citoyens avait obtenu la chute de son régime. Les deux généraux menèrent d’abord une répression cruelle contre les manifestants puis finalement écartèrent Béchir. Sous la pression populaire, un gouvernement de transition dirigé par l’économiste Abdallah Hamdok et incluant des civils a été mis en place. Mais pas pour longtemps, car en 2021 un coup d’État des militaires renversent le gouvernement. Puis les deux camps en uniforme finissent par s’opposer frontalement et déclenchent une guerre civile destructrice depuis avril 2023.

A l’ouest du pays, le Darfour représente un des épicentres essentiels de ce conflit. La ville d’El-Fasher, principale ville de la région, tenue par l’armée et ses alliés rebelles, est assiégée depuis des mois par les FSR qui la pilonnent à l’artillerie. La population effrayée et affamée des alentours y a trouvé refuge. Le camp de déplacés voisin de Zamzam est en grande détresse. 

L’aide humanitaire est limitée, harcelée, rendant la distribution alimentaire et les soins médicaux proches de zéro. Les écoles sont fermées, les hôpitaux et centres de santé sont dévastés, les réservoirs d’eau explosés. La mémoire collective des habitants du Darfour est hantée par l’extermination des Massalits, un groupe ethnique noir africain, après la prise Al-Geneina en novembre 2023. Les experts de l’ONU estiment qu’entre 10.000 à 15.000 personnes ont été assassinées après la prise de la cité. En premier lieu toutes les élites locales : avocats, médecins, cadres administratifs, enseignants… Les femmes et les fillettes ont été violées en masse ou capturées comme esclaves sexuelles. La ville a été mise à sac.

Les deux camps mènent une guerre impitoyable dans tout le pays. Les civils en paient un lourd tribut. L’ONU est dépassée et vient de voter le renouvellement de l’embargo des armes sur le seul Darfour. Du matériel militaire arrive sans discontinuer alimentant la guerre. Les Émirats arabes unis et le groupe Wagner russe soutiennent les FSR tandis que l’Égypte et l’Iran appuient les militaires, Moscou vient de donner l’assurance de son soutien militaire à l’armée.

Les démocraties appellent à un cessez le feu et à des négociations ou tout au moins une trêve humanitaire pour nourrir 18 millions de déplacés. Sans grand succès. L’accès de l’aide par le Tchad doit traverser des zones de violences pour espérer toucher les populations du Darfour. Le transit par Port-Soudan sur la mer Rouge rend trop lointain le ciblage des populations du centre du pays. Les habitants du sud du pays, notamment ceux des Monts Nouba aux prises avec les deux partis, dépendent des seuls apports provenant du Sud-Soudan.

Menés en août dernier à l’initiative des États-Unis et de l’Arabie Saoudite, les pourparlers de Genève pour mettre fin au conflit ont abouti à un échec. Les populations du Darfour et de tout le Soudan espèrent un miracle. Mais peut-on croire encore à un miracle au Soudan ?

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