Tout l’été s’est tenue au Musée d’histoire de l’Immigration, palais de la Porte Dorée à Paris, une passionnante exposition, L’olympisme, une histoire du monde, 1896-2024. Le public était rare, les aficionados préféraient les stades, on peut les comprendre.
Les Jeux olympiques et para-olympiques à Paris se sont bien passés, au-delà de toute espérance. L’olympisme en ressort renforcé. Il n’en a pas toujours été ainsi. Ils furent, sur plus d’un siècle, la lice sous le regard de la planète entière d’un long combat des peuples et des minorités opprimés pour la liberté et l’égalité de la race humaine. Ce combat n’est pas fini, de nouveaux enjeux, environnementaux, commerciaux, technologiques, culturels, éthiques, droits humains, s’invitent à la grande fête quadriennale de l’humanité, qui bat à chaque édition des records de gigantisme. Un géant continûment aux pieds d’argile.
Nous avons tous en mémoire quelques-uns des hauts faits qui ont marqué l’histoire centenaire des Jeux. A commencer par les victoires de Jesse Owens aux Olympiades de Berlin en 1936, véritable dieu du stade afro-américain, sous les yeux exaspérés de Hitler. C’est l’arrivée en vainqueur, pieds nus, du coureur de fond éthiopien Abebe Bikila au marathon de Rome en 1960, ce sont les Noirs américains Tommie Smith et John Carlos, levant leurs poings gantés de noir sur le podium du 200 mètres à Mexico en 1968, c’est le massacre des athlètes israéliens par un commando palestinien, à Munich, en 1972, c’est le boxeur Mohamed Ali, atteint d’un Parkinson, allumant la vasque olympique aux Jeux d’Atlanta en 1996, c’est la débauche de moyens de la Chine, puissance mondiale, aux Jeux de Pékin en 2008, et qui entend le faire savoir urbi et orbi, tandis que le Tibet et les Ouigours ploient sous la botte chinoise et que les libertés à Hong Kong agonisent. On peut augurer que la cérémonie d’ouverture sur la Seine, du Louvre à la Tour Eiffel, inscrira Paris 2024 du bon côté de cette mémoire universelle. C’est tout cela que montrait in vivo, films et archives à l’appui, l’exposition du palais de la Porte Dorée.
Les Jeux olympiques sont devenus très vite la caisse de résonance des bouleversements successifs de l’histoire politique et des bouleversements civilisationnels du vingtième siècle. Alors qu’à l’origine, les premiers J.O. sont l’apanage de l’homme blanc et l’administration sans complexe de sa supériorité « raciale », la rivalité entre puissances par médailles interposées qui les contraint de puiser dans le vivier colonial ou chez leurs propres minorités « raciales », l’émergence de la culture de masse dans l’entre-deux guerres, la compétition armée entre les démocraties et les pays totalitaires, la Guerre froide, les décolonisations, aujourd’hui la mondialisation accélérée, vont produire, non sans soubresauts, interruptions guerrières, boycotts et affrontements idéologiques, cette énorme machine internationaliste qui transcende vaille que vaille les identités nationales, les genres et les aléas de la géopolique mondiale. La fraternité entre les cultures, la porosité entre les civilisations s’en sont portées un peu mieux.
L’on reste d’autant plus ébahi que Paris qui en fut le beau symbole, s’empresse, à peine la page des Jeux refermée, de décréter, toutes affaires cessantes, que l’immigration sera combattue sans merci, alors que, sans parler des principes universalistes de la patrie des Droits de l’homme, notre démographie décline et que la compétition entre les puissances pour s’arroger les meilleurs, les plus vaillants partout dans le monde et dans toutes les professions bat son plein. La rage de vaincre, de sortir de la misère, de l’oppression, habite l’immense majorité de ceux qui bravent les pires dangers pour apporter leur part au banquet commun, enrichir les pays d’accueil et faire partie des nôtres.
Mais non. Vade retro, Imigras, tous ces pouilleux qui viendraient en masse biberonner à la Sécu, aux Allocs, au RSA ! Les athlètes, d’où qu’ils viennent, oui ! Les mêmes, opprimés, malheureux, miséreux, non ! Pour commencer, « dehors toutes ces Rachida Dati qui mangent le pain des Français, dehors ces égéries en acte du grand remplacement ! Ne parlons pas des footballeurs de l’équipe de France ».
Adieu les Jeux olympiques. La trêve enchantée de la connerie raciste est finie. Demain, réouverture de la chasse au faciès. Marine est contente.
Texte idéologique. « L’immigration c’est bien ».
Un peu de nuances peut-être ?