Succédant à l’Allemagne de jadis, la Russie est, plus que jamais, est le cauchemar n°1 de l’Occident.
C’est un cauchemar qui dure et se reproduit, inchangé, depuis plus d’un siècle. Quels que soient au Kremlin les régimes et les hommes en place.
Défier l’Occident à la fois envié et honni, le contrer en toutes circonstances à défaut de le concurrencer avec succès comme la Chine, est le réflexe pavlovien des puissants comme des masses russes, face aux maux structurels qui n’ont cessé d’affecter la société russe tout au long de son histoire, sans qu’elle ait jamais voix au chapitre, ni droit à des réformes, ou à peine, de loin en loin, miettes de liberté presqu’aussitôt balayées.
Eternelle retardataire politique, économique, sociétale, la Russie use et abuse du seul atout dont elle dispose à volonté, le pouvoir de nuisance, pour asseoir ses visées destinales et afficher, par la crainte qu’elle inspire, son désir de rester une grande puissance.
Ceci mis à part, la Russie est devenue un vaste trou noir, une Nova géopolitique. Avec la guerre en prime.
Non aux valeurs propres aux démocraties ; fi du libéralisme et des libertés communes ; non à la société ouverte et aux droits des peuples ! Tel fut avant-hier le moto des Tsars, hier des Bolcheviques. Tel est aujourd’hui celui de Poutine, chef de guerre suprême augmenté d’un mafieux, devenu le Boss tout-puissant de ce qu’il faut bien appeler désormais Cosa Rossia, à l’instar de Cosa Nostra et des Narcos sud-américains fomentant des carnages dans les pénitenciers sous leur coupe.
Poutine qui s’était vanté à l’époque de buter les Tchétchènes jusque dans les chiottes, vient de faire subir ce sort aux défenseurs ukrainiens d’Azovstal emprisonnés à Olenivka, en zone russe. Introduite subrepticement dans les lieux, une bombe a fait 56 morts et des dizaines de blessés. Une barbarie d’Etat à l’état pur.
Malheureuse Russie ! A l’intérieur, les Russes n’ont jamais connu que l’autocratisme sans fard. L’aristocratie blanche aux temps des tsars. La Nomenklatura rouge sous le communisme. Les oligarques prédateurs sous Poutine. Toutes les tentatives libérales ont échoué, la dernière en date portée par Gorbatchev buvant son verre de lait en public, qui doubla le prix de la vodka et dont le nom est universellement conspué, de Brest-Litovsk à Vladivostok.
Sans oublier, vivant dans l’indigence et l’abêtissement qui va de pair, le peuple russe, dont l’apathie légendaire est au fondement du système autocratique.
Lobotomisée par la religion puis par la propagande d’Etat et ses mystifications sans nombre, la majorité silencieuse a accordé plein crédit au but de guerre officiel de la glorieuse Russie, vainqueur du nazisme : dénazifier l’Ukraine de Volodymyr Zelensky quatre-vingts ans plus tard !
A l’extérieur, c’est toujours le même sempiternel impérialisme grand’russien qui est à l’œuvre. Jadis pour repousser toujours plus loin de Russie les frontières de l’empire, par la soumission des peuples périphériques. Même chose hier, sous couvert de révolution mondiale, d’internationalisme prolétarien. Même chose aujourd’hui, au nom, sorti de la naphtaline millénariste des néo-slavophiles dostoïevskiens, du mythe de la sainte Russie, ce pays au cœur pur, resté immaculé face au monde moderne décadent, cette troisième Rome demeurée dans ses profondeurs imperméable à la tentation de l’Occident. En vertu de quoi, la contagion démocratique qu’a contractée la petite sœur Ukraine sur le Maïdan lui vaut chaque jour son lot de missiles urbicides.
Question : à l’heure où la Russie s’essuie sauvagement les pieds sur son infortunée voisine après l’avoir longtemps vassalisée et, dans les années 30, atrocement martyrisée (l’Holodomor fit des millions de morts par la famine), y a-t-il, plus que jamais à l’œuvre, un ADN russe sous-jacent, frappé d’un virus indélébile, rebelle à tout remède, additionnant masochisme, nostalgie et mégalomanie nationaliste, qui fait que la Russie rate, avec une constance jamais démentie, ici plus éclatante que jamais, ses entrées de plein titre dans la marche en avant du monde contemporain ?
Les mains ensanglantées, la face tournée vers les grandeurs tyranniques du passé, la Russie, à l’heure de l’agression contre l’Ukraine, entre perdante dans l’hyper-vingt-et-unième siècle et ses défis fondamentaux, à l’aube de la civilisation dématérialisée de demain.
Fausse grande puissance, colosse aux pieds d’argile dont le PNB est à peine égal à celui de l’Espagne, et dont les revenus reposent entièrement sur les exportations de céréales, de produits miniers et, plus encore, de gaz et de pétrole, toujours privé d’autoroute et de TGV Moscou-Saint-Pétersbourg, pays en pleine régression démographique, où l’alcoolisme fait des ravages, statocratie militaire mal bottée dont l’armée supposée la deuxième du monde est tenue en échec par les valeureux Ukrainiens : la Russie poutinienne, comme si elle se précipitait tête baissée dans une fuite en avant sans issue, a choisi la guerre, au risque de se ruiner et de devoir en rabattre face à la résistance acharnée du peuple ukrainien et aux sanctions occidentales.
Pourquoi ce choix irrationnel, presque suicidaire, quand il y a tant à faire ailleurs pour le pays ? Pourquoi cet aventurisme barbare, que les esprits les plus avertis n’arrivent pas vraiment à élucider ?
Une partie de la réponse se trouve dans un livre inattendu, intitulé Le Mage du Kremlin, dû à un essayiste… italien, Giuliano da Empoli.
L’ouvrage qui se veut un roman, est un mélange réussi de fiction plus vraie que nature, d’analyses humaines et politiques de première main, de confidences exclusives, supposées tout droit sorties de la bouche d’un mystérieux Conseiller de l’ombre, Vadim Baranov, sur son maître Poutine, qu’il aurait secondé dans son irrésistible ascension au pouvoir vingt ans durant, avant, son étoile palissant, de s’éclipser du Kremlin à la veille de l’invasion de l’Ukraine, et de s’isoler dans la datcha tapissée de livres anciens d’un grand’père anti-bolchévique et chasseur de loups.
Fiction à haute crédibilité ou testament masqué d’un personnage réel ? Les observateurs occidentaux ont cité trois noms de conseillers de Poutine comme possibles modèles, sans emporter l’adhésion. Peu importe, en vérité, Le Mage du Kremlin se lit comme le déroulé implacable, année après année, d’un duo infernal, cynique et froid, aux commandes de la Russie sous la botte.
Mais donnons la parole à l’auteur.
D’abord, il nous fait revisiter les temps chaotiques d’après la chute de l’URSS et le désordre profond, l’hubris qui s’emparèrent de la société russe brutalement « libérée », privée de repères. Le tout-puissant Etat russe soudain était aux abonnés absents ; Eltsine, président d’un pays à la dérive, était devenu, à force d’ébriété publique, la risée du monde entier. Le rouble était au tapis, l’économie à l’encan. Chaos, démembrement, auto-humiliation, dont Poutine se voudra en réaction le produit inversé, le démiurge du « plus jamais ça » et le restaurateur de l’Etat russe.
Le rêve soviétique s’était effondré. On était passé sans transition de l’ouvrier méritant, d’un monde fruste, hiérarchique, respectable et gris, aux banquiers virevoltants, aux top models moscovites, aux artistes déjantés, l’argent remplaçait le statut. La Nomenklatura ex-soviétique assistait incrédule à l’effondrement de tout ce en quoi elle avait cru et d’abord à elle-même. Quant aux simples Russes, ils avaient grandi dans une patrie héroïque et se retrouvaient du jour au lendemain dans un gigantesque supermarché. Comme prise de folie, Moscou s’occidentalisait à tout va : tout était permis, le sexe, le crime, faire fortune en un jour, s’arroger pour une bouchée de pain des combinats sidérurgiques, des puits de pétrole, des conglomérats.
« Moscou dans les années 90 était le bon endroit, une bulle radioactive. Vous sortiez acheter des cigarettes, tombiez sur un ami surexcité, pour vous réveiller deux jours plus tard dans un chalet à Courchevel, à moitié nu, entouré de beautés endormies, sans savoir comment vous étiez arrivé là. Vous vous rendiez à une fête privée dans une boîte de strip-tease, vous parliez à un inconnu gonflé de vodka et vous vous retrouviez le lendemain à la tête d’une campagne de communication de plusieurs millions de roubles. »
A s’occidentaliser low cost, la Russie perdait son âme. Le tout, selon notre auteur ou plutôt son héros Baranov, lui-même citant Poutine, pour la plus grande joie des Américains. Finie, la Russie qui avait fait trembler le monde, la CIA en ferait une succursale des States, avec un proconsul local à sa solde.
Pour couronner le tout, les attentats, attribués aux Tchétchènes, frappaient Moscou à répétition.
Telle est la scène primitive du poutinisme. C’est alors, en effet, que Poutine vint, se présentant comme un sauveur. Choisi par un petit groupe en embuscade, dont Baranov, qui pensait naïvement en faire leur instrument, élu Président sans daigner faire campagne tel un politicien quelconque, plébiscité par la Russie profonde qui aspirait à un retour à l’ordre, à la décence, à l’Etat protecteur, il signifia urbi et orbi la fin du bordel. Finie la déliquescence. Grozny fut rasée, les oligarques mis au pas, à travers l’arrestation en fanfare un beau matin, à l’aube, de Khodorkovski, le golden boy roi du pétrole, suivie de l’assassinat à Londres de l’oligarque rebelle Berezovsky qui, après avoir parrainé Poutine, crut pouvoir jouer les mentors avec lui. Promptement remercié, il s’exila, plein de rancœur, dans le Londongrad britannique mais pas assez loin de la main vengeresse du nouveau Tsar de toutes les Russies.
Les Siloviki, les hommes de la Force, militaires, police, membres du FSB, remplacèrent bientôt les épigones de Wall Street et les clones de Harvard à la sauce moscovite, dans les couloirs du Kremlin. La verticale du pouvoir était rétablie. Le règne du nouveau Tsar commençait, la Russie éternelle allait faire son comeback grâce à un homme de fer.
Cette aventure au pas de charge est racontée de l’intérieur comme si vous y étiez, par l’éminence grise de Poutine, le fameux Baranov, qui en fut à ses côtés l’instrument sans états d’âme et l’inspirateur retors. Mais ce qui nous intéresse au premier chef est évidemment la figure du maître tout-puissant du Kremlin. Jusqu’où cet homme secret, sorte de héros shakespearien, est-il capable d’aller, en Ukraine et dans son face à face au bord du gouffre avec l’Occident ? Bref, une fois de plus, qui est Poutine ? Un illuminé, un fou dangereux, un paranoïaque, un loup solitaire, Méphisto, un idéologue, un fin joueur d’échec ? Tout cela à la fois ?
Un court aperçu de Baranov sur l’homme Poutine dans sa vie de tous les jours donne quelques éléments de réponse : Vladimir Poutine vit hors de Moscou dans une datcha loin de tout, transformée en forteresse, qu’il regagne depuis le Kremlin après avoir travaillé jusque tard dans la nuit au milieu de sa Cour, Ministres compris, tous figés, en attente, le doigt sur la couture du pantalon, d’être requis par leur Maître. Il se lève tard, petit-déjeune d’œufs frais, fait des exercices dans son gymnase devant la télé, nage un kilomètre dans sa piscine, tandis qu’attendent de lui passer un peignoir visiteurs, conseillers, ministres, tant seuls comptent en Russie le privilège et la proximité du pouvoir.
Côté vie privée, Poutine n’a pas d’épouse, on ne lui connait pas de liaison, pas d’amis sinon de jeunesse et totalement flagorneurs. Un chien l’accompagne partout, qui fit peur à Angela Merkel. Pas davantage d’objets personnels sur le bureau présidentiel. Souverain solitaire, tenant à distance de son corps courtisans, obligés et collaborateurs, Poutine est seul avec son rêve de toute-puissance de la Russie en rupture avec les temps modernes.
Sa philosophie politique, selon Baranov, s’appuie sur un sondage peu ancien portant sur les personnages historiques les plus révérés des Russes. Vous pensez naïvement à Gogol, Pouchkine, Tolstoï, Tchaïkovski, Sakharov, Soljenitsyne. Vous n’y êtes pas. Ivan le Terrible, Pierre le Grand, et, largement en tête, Staline, ont répondu les sondés. Staline ! En dépit de ses crimes, en dépit du Goulag, comment est-ce possible vous demandez-vous ? Vous n’y êtes pas du tout encore une fois. Au contraire. A cause précisément des Purges, du Goulag, selon son admirateur et rival en popularité Poutine. Qui encense Staline à l’envi, pour avoir pratiqué comme nul autre le pur exercice de la force, purgeant à la hache ses millions de partisans communistes et même ses proches, les livrant, quand rien ne marchait, via de grands procès hollywoodiens, en pâture à l’immémoriale colère du peuple, à sa rage de toujours contre les puissants, en exutoire à sa servitude.
Le credo de base de Poutine est que le peuple russe veut deux choses : pas les libertés publiques, pas même le bien-être économique et une mince part du gâteau, non. Il veut d’abord et avant tout l’ordre et la sécurité à l’intérieur, la puissance à l’extérieur. Tout le reste, l’arbitraire politique, les inégalités abyssales, l’économie en panne, est superfétatoire, bon pour exciter « les professionnels des droits humains, les pasionarias féministes, les écologistes, les activistes gay, les progressistes qui se battent pour des toilettes transgenres. » Autrement dit, le Moscou radical-chic et les bobos saint-peterbourgeois. Conclusion de Baranov : « Le peuple est avec nous. »
Et puis il y a, par-dessus tout le complexe ancestral d’être russe, une thèse qui fait foi depuis Le voyage en Russie de Custine qui écrivait sans détour : « Les Russes tiennent beaucoup moins à être civilisés qu’à faire croire qu’ils le sont » Les Russes, au regard de la culture et de la civilité européennes et peut-être à leurs propres yeux, passeraient pour des demi-civilisés. « Nous sommes la Russie sauvage, une espèce de clochard alcoolisé qui rode devant la porte » se serait indigné Poutine, de retour d’un Sommet international, devant Baranov. D’où la réponse du berger à la bergère : ils nous prennent pour des barbares ? Eh bien, nous allons nous conduire comme tels. Ce complexe du barbare, comme l’appelle Baranov, « qui doit se faire pardonner cinq siècles de massacres » hystérise d’autant mieux la paranoïa de l’encerclement de la Russie par ses ennemis occidentaux qui, de Napoléon à Hitler et aujourd’hui… à l’Ukraine de Zelensky, voudraient à tout prix en finir avec elle. C’est évidemment une projection fantasmatique inversée. Nul besoin d’être versé en freudisme appliqué pour le savoir.
Vus sous ce prisme paranoïaque fort pratique, qui transforme les cibles visées en dangereux agresseurs potentiels, la Révolution orange à Kiev puis le Maïdan, le printemps géorgien, le printemps biélorusse, toutes ces insurrections pacifiques de la liberté sont mécaniquement perçues au Kremlin, ainsi que le rapporte Baranov qui semble y croire lui-même, comme des opérations organisées de toutes pièces, en sous-main, par les Américains. Et financées par Soros. Le but final étant de renverser le pouvoir à Moscou.
La vérité, de l’aveu-même de Baranov, est que Poutine, en Ukraine comme ailleurs, n’a jamais consenti à la perte par la Russie de son empire d’hier. A cette aune, la guerre d’Ukraine est bien la dernière guerre coloniale des Russes et les séparatistes du Donbass les Pieds rouges de la Russie.
Et puis, pour finir, Baranov, l’intellectuel du Kremlin bien plus que le mage de Poutine, révèle, avant de disparaître dans sa datcha tapissée de livres, avoir été l’organisateur d’un programme idéologique massif qui visait à instiller par mille biais plus retors les uns que les autres la discorde chez l’ennemi. Il s’agissait d’accompagner et d’entretenir le déclin fantasmé de l’Occident, à travers les mouvements, les groupes de pensée, les activistes en tous genres qui le contestent à domicile, partis politiques, sectes, extrémistes religieux, conspirationnistes, tenants de la fin prochaine du monde, etc.
Hélas pour lui et pour son maître Poutine, c’était un mauvais calcul, ce fut une mauvaise pioche : l’agression de l’Ukraine a réveillé et uni l’Europe et l’Amérique comme jamais depuis la chute du Mur de Berlin, et fait rentrer dans leur coquille les apprentis sorciers en Occident au service de la Russie fascisante de Vladimir Poutine, le Méphisto du Kremlin.
Le samedi 20 août 2022, décédait à Bolchie Viaziomy, oblast de Moscou, la journaliste et politologue Daria Douguina, « fille de » s’il en est, dont la presse mondiale nous présenterait la mort comme une erreur de cible, le cerveau de Poutine ayant décidé à la dernière minute de monter dans un autre véhicule afin qu’ils fissent la route l’un derrière l’autre.
Dans un communiqué du Kremlin adressé aux proches de la victime, Vladimir Poutine dénonce « un crime ignoble, cruel, ayant mis fin prématurément à la vie de Daria Douguina, une personne brillante et talentueuse dotée d’un cœur véritablement russe . »
Aucun message personnel au géniteur de cette valeur montante des Russies chimériques, un homme qui, dit-on, murmurait à l’oreille du cavalier de l’Apocalypse tout en lui taillant un costard en peau d’URSS, un revitalisateur très agité de ce concept d’eurasisme et de la souveraineté impériale de Moscou sur un territoire censé s’étendre du détroit de Gibraltar au détroit de Béring, lequel effroyable concept allait inspirer, non sans incriminer le plus fervent d’entre ses popularisateurs, la prise par surprise de sa belle Petite Rus’ atrocement vitriolée par son adorateur.
Aucun commentaire, qui plus est, de la part du légitimé à son faiseur de tsar légitimiste, sur la cible réelle d’un attentat réussi en apparence, mais raté d’évidence.
Depuis le début de l’opération Z, l’éminence grise du Kremlin est étrangement absente de tout évènement public où un Henri Guaino n’aurait jamais permis que quiconque moissonnât la part d’ovation qui lui revenait lors d’un discours de l’homme d’État dont il avait contribué à façonner la stature.
Face au renforcement du barrage contre l’Impasse, la mise en échec des prophéties autoréalisatrices d’Alexandre Douguine par la première puissance économique et militaire mondiale, ombre planante d’une force de dissuasion inégalée, n’a-t-elle pas fait du joueur d’échecs suprémaciste un élément encombrant de cette première partie cruciale, potentiellement fatale, que peine visiblement à remporter sa marionnette aux fils coupés ?
Douguine serait-il devenu le Steve Banon de la red pop(ulist) idol ?
Je n’ai pas participé aux préparatifs de l’attentat qui eut pour conséquence la mort spectaculaire et mondiovisionnable de Daria Douguina. Je n’ai donc aucun moyen d’en désigner les auteurs, ni par leurs noms, ni par leur nationalité.
En revanche, je soutiens que la piste extérieure est aussi plausible que la piste intérieure serait laborieuse à décrédibiliser. Car pardon, mais nous aurions tout de même envie de pencher vers l’incrimination des services secrets russes, experts ès élimination d’opposant au régime. Or qu’est-ce qu’un opposant politique sinon un individu dont les armes qu’il emploie contre vous évoquent, pour l’essentiel, les pistolets chargés de Jean-Paul Sartre ?
Le suprémaciste Alexandre Douguine est-il un opposant politique du point de vue du Kremlin. On aurait plutôt tendance à balayer cette thèse d’un leste revers de main turbulé d’un pouffement. Douguine donne-t-il de la Grande Rus’ l’image de Vierge sodomisée par l’Occident et son droit retors, irrésistible et invasif, dans laquelle le Sovietsarévitch s’échine exaspérément à se draper lui-même, soucieux qu’il est de conserver son siège éjecteur au Conseil de sécurité ? Je ne pense pas, sur ce point, que Douguine eût jamais manifesté aucun signe de soumission, fût-ce au Kremlin. Douguine est présenté comme l’idéologue de Poutine, en l’espèce une tête pensante. Est-ce à dire que le V-Empire serait le protagoniste canardable et décapitable d’une histoire qu’il dérussifie plus qu’il ne la russifie ?
Quels qu’en aient été les instigateurs, l’assassinat politique de la progéniture d’Alexandre Douguine ne devrait pas être de nature à apaiser la furie compulsive d’un sociétaire de Thulé ni à fragiliser sa relation féroce à la pureté du sang.