Mercredi matin, Alexandre Devecchio, directeur du Figarovox, a conclu sa chronique matinale sur France Inter, consacrée à la présidence française de l’Union européenne, par ces mots : « “La France est notre patrie, l’Europe est notre avenir” disait François Mitterrand. Les prétentions fédéralistes d’Olaf Scholz et d’Emmanuel Macron pourraient faire de la France notre passé et de l’Allemagne notre avenir ». Cette pompeuse conclusion survenait après une démonstration censée prouver que si Emmanuel Macron allait formellement présider l’Union, c’était bien l’Allemagne, qui, dans l’ombre tirait les ficelles. Selon Devecchio, par ailleurs, toutes les velléités de réforme du Président français allaient tragiquement se heurter à un grand « non » allemand. L’aspect contradictoire de ces deux assertions – la convergence de vues entre les deux chefs d’État pour détricoter nos deux nations dans une fédération européenne, et le conflit entre Paris et Berlin, immanquablement remporté par cette dernière – ne manquait pas de laisser songeur. C’est que le chroniqueur faisait preuve d’une mauvaise foi irrémédiable. Entendons-nous : Devecchio a bien le droit d’être souverainiste. Il peut estimer, et beaucoup d’observateurs honnêtes partagent son analyse, que l’Allemagne a tiré profit de la construction européenne par exemple avec l’euro, calquée sur le mark. Cela dit, une monnaie unique, en effet surévaluée par rapport aux capacités de l’industrie française, a aussi profité à l’Italie, dont le commerce extérieur est excellent, et a mis fin à l’inflation rampante qu’aucun gouvernement français ne savait combattre efficacement. Néanmoins, si on reprend le cœur de la thèse du journaliste, la présidence française ne serait qu’une comédie. Macron serait le Christian benêt d’un machiavélique Cyrano, allemand, qui lui dicterait ses répliques. Or, n’en déplaise à M. Devecchio, c’est totalement faux, pour au moins trois raisons.
Cette assertion est d’abord invalidée par le contexte. Qu’on apprécie ou pas le Président français pour son action dans notre pays, ce qu’il a réussi à faire en Europe est, osons le mot, exceptionnel. En énonçant très tôt son projet dans le discours de la Sorbonne, en 2017, il a imposé une conversation à l’échelle du continent. Il a pris soin de visiter les 27 pays, et, par la structuration d’une doctrine (une Europe souveraine), son brio, son énergie, le simple fait d’ailleurs d’énoncer des idées sur la construction européenne, ce dont tout le monde s’abstenait soigneusement depuis la crise de 2005 et les « non » français et danois aux référendums, Macron a imposé son agenda. Le résultat, cinq ans plus tard, est stratosphérique. Si on lit le contrat de coalition allemand (ou du moins un résumé), Olaf Scholz s’apprête à gouverner selon un programme qui est le décalque des projets français, sur le thème d’une Europe souveraine, quitte à « modifier les traités ». Notamment, on y lit une critique des règles budgétaires européennes (le fameux 3% de déficit). Ces deux éléments sont assez sidérants avec un peu de recul, puisque ces deux tabous – celui d’une Europe puissance, et d’un assouplissement budgétaire – étaient inviolables pour l’Allemagne, dont la chancelière, Angela Merkel a toujours refusé une réforme des traités. Bref, l’Allemagne s’est sentie obligée de répondre aux avances de Paris, en les acceptant. C’est l’inverse de ce qui s’était passé en 2000 lorsque Joschka Fischer, le ministre écologiste allemand des affaires étrangères, avait lancé un appel à la France pour des réformes en faveur de l’intégration européenne, appel aussitôt enterré par Jacques Chirac et Lionel Jospin. 22 ans plus tard, l’Allemagne se met dans la roue de la France, et en admettant des éléments politiques qui étaient des hérésies dans le paysage politique germanique. Encore plus surprenant : le Premier ministre des Pays-Bas, Rutte, qui avait endossé le rôle de « méchant » depuis quelques mois, refusant à Macron et Merkel toute avancée européenne, vient de changer les partis composant sa coalition. Les Pays-Bas, traditionnellement eurosceptiques et atlantistes, en tout cas plus proches politiquement sur le plan européen du Royaume-Uni que de la France, avaient freiné des quatre fers contre toute réforme des règles budgétaires. Or, sous la pression de ses nouveaux alliés, Rutte aussi se met désormais à parler de « souveraineté » et est prêt à une réforme « laxiste » du budget européen ! Avec Draghi en Italie et Sanchez en Espagne, auquel on peut ajouter la Belgique et le Portugal, ce sont quasiment les deux tiers de la population et autant du PIB de l’Union qui sont unis autour des positions françaises. C’est un alignement de planètes béni pour Macron, à la fois par chance, et à la fois grâce à ce travail de longue haleine qu’il a commencé en 2017, et dont la constitution d’un groupe à sa main au Parlement européen qui tient la coalition en place de la Commission, est un autre exploit.
Deuxièmement, cette thèse d’une Europe écrite par l’Allemagne ne résiste pas à un examen factuel. Le refus d’un endettement commun des pays de l’Union était en Allemagne, une religion à peu près aussi puissante que le mormonisme dans l’Utah. Cet endettement a pourtant été décidé pendant la crise du covid. Plus récemment, l’Union a considéré l’énergie nucléaire et le gaz comme des énergies renouvelables. La question du nucléaire était un casus belli pour l’Allemagne, qui est sorti de l’atome et qui prêche contre cette source d’énergie. Scholz a dû s’incliner, ce qui d’ailleurs n’a pas manqué de provoquer des remous dans la coalition où les écologistes occupent un tiers des postes gouvernementaux. Autre exemple, l’idée d’un Smic européen (en tout cas le concept d’un salaire minimum différencié par pays mais adopté partout sur le continent) aurait fait mourir d’apoplexie à peu près n’importe quel homme politique allemand il y a encore cinq ans. Grâce aux efforts de la France (et du Portugal), il est probable qu’un accord soit trouvé cette année. Bref, l’Allemagne ne décide pas seule ; parfois, et de plus en plus souvent ces temps-ci, l’Europe prend des décisions qui ne lui plaisent pas forcément.
Enfin, cette idée d’un Macron se heurtant à un front commun pendant la présidence française sera d’autant moins vraie qu’il n’a échappé à personne en Europe que le Président jouerait sa réélection en avril. Rappelons d’abord qu’une « présidence » du conseil de l’Union européenne n’est pas ce titre glorieux et mirifique dont les commentateurs (et les Présidents) français feignent de se couronner. La présidence du conseil est un rôle mineur et technocratique – en gros, il s’agit d’une version à peine plus intéressante d’un secrétariat de séance de l’enceinte des chefs d’État, qui légifère en duo avec le Parlement. Le « vrai » Président reste M. Charles Michel, et la Première ministre, Mme von der Leyen. Si l’Europe fonctionnait comme les États-Unis, il faut imaginer l’équivalent de la France, mettons la Virginie ou la Californie, présider temporairement les séances du Sénat américain (ce qui nous ferait probablement bâiller d’ennui). Ce principe de « présidence tournante » a été inventé pour rapprocher l’Union des peuples, et susciter un enthousiasme populaire dans chacun des États membres quand leur tour vient. A priori, ce n’est pas cette fonction qui permettrait spécialement à la France de conclure les accords qu’elle aimerait voir adoptés par l’Europe. Sauf que, puisqu’ils ont un Président français suractif et pro-européen sous la main, les chefs d’État ne se priveront pas de lui donner l’avantage, par courtoisie, échange de bons procédés, et intérêt bien compris. Ils donneront à Macron un ou deux gros accords pour qu’il puisse briller et s’enorgueillir au moment de la présidentielle : probablement le Smic européen, la réforme des règles budgétaires, des avancées sur l’Europe de la défense, et, éventuellement, une réforme des règles migratoires. Les chefs d’État avaient procédé ainsi avec Mme Merkel, au second semestre 2020, lorsque l’Allemagne présidait le conseil, en lui accordant la signature d’un accord (dénoncé depuis) avec la Chine, auquel la chancelière tenait beaucoup.
Ainsi, cette fable d’une Europe allemande ne tient pas. Elle devient de plus en plus une Europe française. On peut trouver le ministre de l’Europe Clément Beaune arrogant, ou les discours de Macron interminables : le fait est que ses résultats sur la réforme de l’Union sont considérables. Il parvient à mettre en œuvre ce qu’on pensait hors d’atteinte, et qui s’avère coïncider d’ailleurs plus ou moins avec ce que propose Valérie Pécresse dans son contre-projet dévoilé dans Le Monde en décembre dernier (et qui faisait beaucoup d’efforts pour dire avec d’autres mots la même chose que Macron). L’Union européenne, dont l’idée reçue veut qu’elle « n’avance que dans les crises » se met à progresser par la discussion de projets, le débat à l’échelle du continent, la lente maturation des opinions. En somme, elle devient – enfin ! – un corps politique normal. Et la France, indiscutablement, en est (re)devenue le moteur.
Les racines des Gaules sont celtiques, celles de la France germaniques.
Le royaume des Francs fut érigé à l’épicentre de l’Empire romain et de sa religion sismique dont les sources, latines et grecques pour tout ce que la Rome antique doit à la Grèce antique, étaient irréductiblement hébraïques, au sens où la parole christique est d’abord judaïque, en tant que le christianisme originel est une branche cassée et néanmoins résurrective d’Israël, parmi d’autres courants spirituels de moindre influence ayant toutefois joué un rôle déterminant au temps où seule la Tora irriguait le monothéisme.
Est-il nécessaire que les institutions de l’Union européenne gravent dans le marbre les origines judéo-grecques de la civilisation occidentale en général ou européenne, donc française, en particulier ? Dès lors que cela n’ouvre pas dans la matrice universaliste et laïque de notre pacte civilisationnel une brèche incolmatable par laquelle ne tarderaient pas à s’engouffrer ces poudres à canonisation auxquelles les artisans de Vatican II ne parvinrent jamais à faire entendre raison, pourquoi voudriez-vous que l’on y vît une quelconque objection ?
Le créateur de la Droite forte vient de rallier le camp cryptolégitimiste ; ceci affaiblit-il cette droite républicaine dont il fut le n° 2 ? Il en serait ainsi si l’élaborateur de la ligne politique plébiscitée en 2012 par la droite de gouvernement, était son créateur, or il ne l’a jamais été. Il n’en fut que le cocréateur. Mais qu’en est-il de l’autre représentant de cette nouvelle génération clivante qui, à l’époque, cherchait à rééditer le coup de maître du siphonneur de 2007 ? A-t-il lui aussi choisi de mettre KO la potentielle sauveuse du parti historique du fondateur de la Cinquième ou plutôt, en qualité de directeur de la communication de la campagne d’une première femme de droite désignée candidate pour une présidentielle, d’aider celle-ci à reprendre au camp nationaliste la place de première force d’opposition face à Macron ?
Le vice-président Peltier souhaite que l’école de la République fasse de chaque enfant de France un Français libre et cultivé. Encore faut-il que la culture qu’on lui prodigue ait pour effet de le réinscrire dans les pas du chef d’une France libre qui n’a jamais été l’alliée, mais bel et bien l’ennemie n° 1 des architectes de la Révolution nationale.
N° 2 qualifie d’immonde le régime de Vichy et soutient qu’au-delà d’un débat d’historiens en roue libre par la nébuleuse duquel le candidat Z. s’était laissé happer, le fondateur de Reconquête aspire par-dessus tout à un idéal de Résistance, et pas n’importe lequel, celui de la première heure, celui de Français qui, conscients de ce qu’ils étaient, n’hésitèrent pas à passer pour des traîtres absolus auprès de leurs concitoyens et, bien souvent, des membres de leur propre famille trop heureux d’avoir recouvré la paix pour se laisser emmerder par une bande de petits cons immatures et culpabilisateurs.
Dirions-nous d’un homme qui est passé de la droite de Facho Chirac à celle de Mégret, puis de l’extrême droite à la droite « hors les murs » de Villiers, puis de la droite souverainiste à la droite républicaine décomplexée de Sarkozy, avant de quitter le gaullisme canal historique pour rallier un candidat à la présidentielle qu’il considère comme la seule personnalité actuellement capable de réconcilier les droites, dirions-nous d’un tel homme qu’il fait un retour aux sources ? Probablement, si l’on excepte une embardée vers le MNR qu’il faudrait alors qualifier d’accident de parcours, mais dans ce cas, on lui demandera de s’expliquer sur ce projet pour le moins scabreux qui consisterait à fusionner Les Républicains, Reconquête et le Rassemblement national, bien qu’un Français libre et cultivé n’ait pas besoin qu’on lui rappelle ce qu’il se propose lui-même d’enseigner aux enfants de France, à savoir que le modèle de civilisation pour lequel il aime à penser qu’il aurait eu le courage d’accomplir le sacrifice suprême, ne sera jamais compatible avec un parti nationaliste relooké sur lequel n’a jamais cessé de planer l’horrible rire gras de sa canaille de fondateur.