Le panthéon. La formule : « Aux grands Hommes (Femmes), la patrie reconnaissante ». Madame Veil repose au panthéon.
Simone Veil, rescapée de la Shoah. Simone Veil, une génération qui a vu de ses propres yeux ce que les hommes étaient capables d’infliger à d’autres hommes. Froidement. Méthodiquement. La raison froidement glaciale. Sans aucun état d’âme.
Une génération revenue de l’enfer qui aurait pu s’emmurer dans le cynisme. Se dire qu’après tout, au moment fatidique, où était l’humanité ? Qu’alors, pourquoi, après tout, se préoccuper du sort des autres, du sort du reste de l’humanité ? Une génération qui, pourtant, choisira d’être de tous les combats pour l’affirmation de la dignité de chaque être humain. Partout. Sans jamais demander au préalable aux persécutés, aux exclus, aux malmenés de montrer d’abord patte blanche, de produire d’abord un certificat de sainteté préalable à tout geste de solidarité: « Nous ne pouvons pas dormir tranquillement, dira Elie Wiesel, lorsque quelque part, quelqu’un souffre ; lorsque quelqu’un quelque part est l’objet de persécution. »
Et à ceux qui reprocheront au rabbin Abraham Joshua Heschel de marcher aux côtes de Martin Luther King, alors sujet d’attaques féroces provenant de certains milieux, le rabbin répondra, le souffle prophétique, ceci : « L’exode d’Égypte a certes commencé mais il ne s’est jamais achevé. De fait, il fut plus facile pour les enfants d’Israël de traverser la Mer rouge que ne l’est actuellement pour un Noir de traverser le campus de certaines universités. »
Cette génération qui avait vu venir et se mettre en place la Shoah, avait fait clairement, sans ambiguïté, le choix de la liberté : ne jamais être ni de cœur, ni de visage, à l’image de ceux qui oppriment, de ceux qui écrasent, de ceux qui font taire d’autres êtres humains. Jamais du côté de l’oppression.
Le temps passant que nous reste-t-il en héritage de ce message de grande humanité ? Que reste-t-il de ce message affirmant l’universalisme non pas comme l’imposition universelle, prosélytique d’une seule façon d’être mais comme l’affirmation quotidienne de l’égale dignité de tous les humains ? Que reste-t-il en nous de cet engagement dans le monde manifestant notre commune humanité dans le respect de l’irréductible singularité de chacun ?
A l’écoute de ce qui se dit quotidiennement dans ce pays depuis quelques années, il y a lieu de s’inquiéter. On parle mal. Parler mal est devenu un signe de bravoure. Ce qui ne se disait plus au sortir de la catastrophe, s’énonce aujourd’hui publiquement, couramment, avec beaucoup de légèreté. Non pas au sein de quelques cercles obscurs fermés, réservés à quelques beaufs paumés, mais au grand jour. Le racisme, cette maladie morale ravageuse, a fait subrepticement son chemin dans les manières de parler et de regarder le monde.
Racisme entêté claironnant à tue-tête que « ce truc là n’existe pas ici » ; que « le racisme c’est chez les autres, chez les Ricains ». Que répondre à ceux-là ? Si la couleur de la peau était un vêtement qui se prête, je mettrais volontiers le mien à disposition de tous ceux-là qui, par narcissisme national, affirment que cette mocherie de racisme n’existe pas dans notre si belle, immaculée et raffinée douce France. Juste le temps de quelques jours. J’ose espérer qu’au terme de cette expérience, ils reviendraient transformés, le cœur et la raison plus développés.
Racisme plus qu’entêté, pervers, proclamant que « mais oui, en effet, il existe bien un racisme en France… le racisme anti-blanc. » L’objectif manifeste de ces façonneurs et promoteurs de ce discours pervers ? Dénoncer une oppression ? Réclamer l’égalité des droits pour une population qui serait opprimée, discriminée ? Remettre en cause un système concret de hiérarchisations sociales ? Fustiger des discriminations ? Lutter contre des inégalités en matière de ressources, de pouvoir et d’opportunités ? Démonter des pratiques institutionnelles injustes ? Déconstruire des croyances, des stéréotypes, des préjugés, des effets de société ? Non. Leur ambition : faire taire les victimes du racisme ; changer les termes du débat et de la question ; criminaliser ceux qui dénoncent cette idéologie du mépris et de la haine ; instituer le racisme en norme.
Il ne s’agit évidement pas de balayer d’un coup de plume la réalité des insultes racistes proférées et des actes intolérables commis parfois par des personnes appartenant aux minorités victimes du racisme. Nous savons tous, notamment, que l’antisémitisme est de toutes les couleurs, de toutes les religions, de toutes les classes sociales. Car qu’il soit brut, grossier, rudimentaire dans son expression, religieux, révolutionnaire ou bourgeois, policé et mâtiné de vin de fin de repas, l’antisémitisme est, hélas, un mal historique, profondément enraciné dans toutes les couches de la société française. Un mal du quotidien : ce sont les insultes au coin d’une rue, ce sont les torrents de boue sur les réseaux sociaux, ce sont les agressions devant les lieux de culte. Il faut combattre ce mal sans transiger. Mais qui pourrait imaginer un seul instant que les piliers de ce combat pourraient être les héritiers assumés de ceux-là qui hier, du temps de Vichy, persécutaient les Juifs et qui aujourd’hui accablent ceux qui à leurs yeux ne seraient pas de souches, ne seraient pas d’ici, ne serait pas des autochtones, seraient des étrangers. Des mots obscurs par ailleurs déjà entendus au cours de certaines périodes malheureuses de l’histoire.
Mais comment se fait-il que nous en soyons là ? Parce que, c’est la triste vérité, l’emprise de l’extrême-droite sur le langage partagé est largement avancée. Parce que c’est l’extrême-droite, qui, depuis quelques saisons parle et nomme les choses de la politique. Parce que c’est cette mouvance-là qui, aux pires heures de l’histoire de la France, pourchassait, persécutait, déportait les Juifs ; parce que c’est ce rassemblement mouvant – qui ne se gêne pas pour dire que la France serait plus belle si débarrassée de ceux qui ne sont pas de souche – qui dicte le langage du jour depuis quelques saisons. C’est elle qui dit, qui nomme ; elle parle, elle pérore – ravivant et réactualisant les vieux clichés, pour stigmatiser et diviser -, et le reste de la classe politique reprend en écho, et une partie de la société suit. Or nous le savons tous, les uns plus que d’autres par l’expérience gravée dans notre chair, que là où l’extrême droite parvient à imposer son langage, à décider du regard porté sur les choses de la vie commune, la lumière recule et s’installe l’obscurité.
Le fait est qu’une partie de la France est de plus en plus sous emprise du discours mortifère, identitaire. Quel aura été l’impact des bombes islamistes jetées sur notre quotidien dans cette évolution ? Je ne sais pas ; mais j’ai parfois le sentiment que depuis les attentats, d’une manière plus prononcée que lors des décennies précédentes, nous sommes entrés progressivement dans l’ère du soupçon et de l’auto-emprisonnement dans des bunkers identitaires. Climat évidement propice et idéal pour les semeurs en eaux troubles.
Le fait est que le racisme fait son chemin depuis quelques années de manière plus ostentatoire mobilisant des jugements sommaires faisant de plus en plus autorité. Et au rythme où vont les choses, seront bientôt punis par la loi, non pas les auteurs des actes et discours racistes mais ceux qui dénonceront cette saloperie. Le racisme sera devenu la norme.
Mais comment faire face ? Revenir aux fondamentaux du combat anti-raciste. Voir d’abord clair. Evacuer les discours obscurs. Comme ce concept de « privilèges blancs ». Concept qui prête à confusion car qui dit privilèges dit faveurs à révoquer. Et que seraient donc ces privilèges à abolir ? Le droit de ne pas subir un contrôle au faciès à tout moment ? Le droit de ne pas être traité de manière différenciée sur les lieux de travail ? Le droit de ne pas être suivi à la trace par un vigile dans un supermarché ? Discriminations pour tous et toutes et on en aurait finit avec le racisme ? Absurde. Lutter contre le racisme c’est lutter pour l’extension dans les faits de tous ces droits et non pour leur abolition. Il ne s’agit pas d’étendre les discriminations mais d’étendre les droits. Il ne s’agit pas d’abolir des « privilèges » mais d’abolir les discriminations. Le combat contre le racisme est un combat positif. Un combat pour le meilleur pour tous et toutes.
Voir clair c’est aussi bien comprendre ce qu’est le racisme. Le racisme n’est pas un concept abstrait. Le racisme c’est la violence. C’est une violence symbolique et physique. Le racisme blesse les corps et les âmes. Il faut vivre le racisme pour comprendre ce qu’est cette monstruosité. Mais le racisme a une histoire. Une longue histoire. Il y a quelques siècles un discours fut construit, forgé, propagé pour légitimer, naturaliser le traitement inhumain d’êtres humains par d’autres êtres humains. Pour légitimer la traite négrière, la race fut mobilisée. Au nom de la race, ainsi notre déshumanisation fut sanctifiée. Me reviennent en mémoire ces paroles de mon ami, le regretté professeur Ki-Zerbo : « Ce n’est pas parce que nous sommes Noirs que nous sommes dominés ; c’est parce que nous sommes dominés que nous sommes Noirs. » Ainsi est née cette saloperie classant les hommes en « races » et en « sangs » ; instituant les uns en gardiens de la civilisation et figurant les autres en sauvages sans histoire à civiliser. Idéologie de la race revisitée et reprise, plus tard, notamment par le régime de Vichy et qui traîne encore aujourd’hui sous d’autres formes.
Cette saloperie est à combattre par la loi et par l’éducation. La justice. Il est écrit dans le Livre : « La justice, la justice, tu rechercheras… » Autrement dit : une justice impartiale, une justice qui ne discrimine pas. Mais qu’est-ce être noir dans une cour de justice aujourd’hui ? J’ai longtemps cru dans la justice de ce pays jusqu’au jour où j’ai osé porter plainte devant un tribunal. J’ai alors découvert que nous n’étions pas tous égaux devant la justice de la République.
Combattre par l’éducation. Qui mieux que Mandela pouvait dire ceci : « Personne ne naît en haïssant une autre personne à cause de la couleur de sa peau, ou de ses origines, ou de sa religion. Les gens doivent apprendre à haïr, et s’ils peuvent apprendre à haïr, ils peuvent apprendre à aimer car l’amour jaillit plus naturellement du cœur humain que son opposé. »
Combattre également par le dialogue. Se parler. S’écouter. Dialoguer. Déconstruire les fausses représentations. Sortir de la pensée totalisante. Sortir de ces jugements à la va vite évacuant rapidement la complexité du réel. L’effort de l’écoute. Accepter la pluralité. Réapprendre à écouter ceux qui ne parlent pas comme nous. Qui ont des choses à dire à leur façon. Jeter des ponts. Sortir de nos retranchements, de nos bunkers, de nos certitudes.
Une nouvelle génération frappe aux portes de la République. Elle ne veut pas raser les murs comme ses parents. Elle réclame plus d’intégration sociale. Elle veut être Française à part entière. Elle le dit avec ses mots, avec son parcours, avec ses blessures. Que nous restions sourds à son appel et nous n’aurons pas été à la hauteur de ce que nous disons être.
Que sera demain ? Je ne sais pas. Mais que, parce que nous n’aurons pas eu le courage de faire ce qu’il faut faire, la parole de ceux qui font l’apologie de Vichy finisse par contaminer la conscience générale et nous aurons trahi la mémoire de ceux qui, au temps de l’occupation, ont été pourchassés, persécutés, arrêtés, jetés dans des fourgons comme du vil bétail, embarqués et ne sont jamais revenus des lieux de leur extermination ; nous aurons foulé aux pieds l’héritage de ceux qui, comme Madame Veil, sont revenus de l’enfer.
Il est encore temps d’agir. Nous ne pouvons pas être le pays qui porte Madame Simone Veil au panthéon et qui, en même temps, banalise le racisme.
La Révolution panarabe est un impérialisme des plus épurateurs ETHnIQUES et CULTUrELS.
Sitôt que l’État algérien nous aura fourni des preuves tangibles de sa volonté de démonter jusqu’aux fondamentaux ce FRONT de libération supraNATIONALe beaucoup trop large pour ses menues épaules, quand même se serait-il décidé, lors d’une montée de fièvre populaire aussi jaune qu’une autre, à en dénoncer les dévoiements pour mieux y remonter en fondateur sisyphesque, alors même qu’il s’inclinera en contenant ses pleurs face aux charniers dont il fut et demeure le coarchitecte, c’est promis ! la France l’invitera à se joindre aux nations concernées par l’histoire incolore et inodore du colonialisme afin de réparer ensemble les torts causés par pure brutalité narcissique, ou plus simplement par la spirale du talion, à toutes les victimes des empires déchéants ou déchus.