L’Amazonie est en proie à des incendies ravageurs. Pourquoi est-ce si grave ?
C’est grave parce que l’Amazonie est l’un des plus grands poumons de la planète, une source vitale d’oxygène. Les forêts, avec les océans, sont ce que l’on appelle des puits naturels de carbone. Quand elles brûlent, il y a non seulement un dégagement de gaz carbonique dû aux incendies mais, en plus, la réduction des forêts entraîne, forcément, une réduction de son rôle d’oxygénation de la planète. Sans parler de la destruction de la biodiversité .
Le président brésilien a d’abord déclaré que les ONG seraient à l’origine d’« incendies criminels » parce qu’il leur aurait coupé des subventions. Dans son discours télévisé vendredi soir, il a écarté la question de la déforestation et a, cette fois, attribué cela à une fatalité. Les incendies seraient selon lui courants en cette période de l’année. Est-ce qu’il s’agit réellement d’une fatalité ?
Ce n’est une fatalité ni quant aux phénomènes à l’origine des incendies ni quant à son ampleur. Et c’est son ampleur qui est particulièrement inquiétante aujourd’hui.
Les déclarations de Bolsonaro à propos des ONG sont scandaleuses car il est évident que les incendies relèvent, au contraire, de la criminalité des défricheurs de forêt. On sait qu’un feu de forêt permet de déboiser beaucoup plus rapidement, d’obtenir des autorisations de défrichement à posteriori pour les grandes cultures intensives. C’est un processus criminel, un écocide hélas très classique.
En accordant des autorisations de défrichement de la forêt, Bolsonaro a aussi lâché la bride à tous les trafiquants de la déforestation. C’est évidemment lui l’incendiaire dans cette histoire.
Vous êtes l’une des architectes de la Cop-21 et sans doute sa plus grande ambassadrice. Le président brésilien a d’abord déclaré vouloir retirer le Brésil de l’Accord de Paris avant de revenir en arrière. Est-ce que finalement Bolsonaro respecte les engagements de l’Accord ?
Il ne les respecte pas pour l’instant. Dans l’Accord de Paris, par exemple, figurent l’interdiction de la déforestation et la montée en puissance des énergies renouvelables. Il est crucial de contrôler l’application de l’Accord dans chacun des pays signataires. Nous devons faire face à l’«effet Trump», à la contamination des propos d’un président américain qui déclare vouloir sortir de l’Accord de Paris et qui met en doute le réchauffement climatique.
Nous avons désormais comme interlocuteurs des leaders bien différents de ceux qui ont signé l’Accord… A la place de Barack Obama on a Donald Trump et, à la place de Dilma Roussef on a Bolsonaro. Fort heureusement, à l’époque, nous n’avions pas affaire aux furieux d’aujourd’hui ; ils auraient sans aucun doute fait capoter la Cop-21.
L’actuel ministre de l’Environnement brésilien a, lui aussi, déclaré que les discussions sur le réchauffement climatique sont secondaires. Comment faire entendre raison à de tels gouvernants ?
Malheureusement, il n’existe pas de conseil de sécurité de l’Environnement. Dans les propositions de l’Accord de Paris figurait l’idée de la création d’un conseil qui aurait permis d’établir des sanctions contre les pays qui ne respectent pas l’Accord. On aurait ainsi un moyen de sanctionner ceux qui feraient peser une menace sur le reste de planète. Le non-respect de l’Accord engendre une véritable crise de sécurité planétaire. Et ce qui se passe aujourd’hui remet à l’ordre du jour le besoin de créer ce conseil.
Bolsonoro dit que le Brésil a préservé plus de 60% de sa végétation native, sous-entendant que le pays n’a aucune leçon à recevoir d’autres pays qui n’en ont pas fait autant. Selon lui, la motivation de la plupart d’entre eux, dont la France, serait politique. C’est une idée partagée par de nombreuses personnes au Brésil. Que répondre à cela ? Que répondre à cette peur – ancienne, constante – d’ingérence et d’invasion du territoire brésilien ?
Mais l’Amazonie concerne neuf pays dont la France, avec la Guyane. De plus les forêts primaires, comme l’océan sont des biens communs de l’humanité.
Nous avons donc une responsabilité collective, non seulement par rapport aux pays de la forêt amazonienne, mais aussi aux pays qui, indirectement souffrent des conséquences de la dégradation.
Mais laissez-moi vous dire que ceux qui détruisent l’environnement en paient un jour les conséquences. Des phénomènes de sècheresse et d’extrême chaleur vont sans doute être observés dans les prochains mois. L’impact sera hélas rapide pour le Brésil.
Bolsonaro accuse Emmanuel Macron d’avoir une vision «colonialiste» de la question. Mais comme vous l’avez rappelé à l’instant, la France est également directement concernée par les questions liées à l’Amazonie. Quelles pourraient être les impacts de ce qu’il se passe actuellement au Brésil en Guyane française ?
Même si l’espace est grand en Amazonie, les effets climatiques influent toujours ailleurs. Songez au fait que les fontes de glace au pôle Nord ont un impact sur l’assèchement du Sahel… Avec la proximité des espaces amazoniens les uns avec les autres, l’impact y est encore plus fort et rapide.
Avant même son élection, on savait que Jair Bolsonaro avait l’Amazonie dans le viseur. Soutenu par le lobby de l’agrobusiness, dès son arrivée au pouvoir, il a mis en place une politique de déconstruction des normes environnementales. Est-ce que les intérêts du si puissant agrobusiness brésilien et la défense de la faune, de la flore et des populations natives peuvent coexister pacifiquement ?
Non. Elles ne peuvent pas coexister. C’est un vrai rapport de force. Le pouvoir de l’industrie pétrolière et de l’agrobusiness est considérable. Les diversités des plantes, des oiseaux et surtout la survie des populations autochtones sont gravement menacées. Il est inévitable que des catastrophes en découlent au Brésil. Seulement comme cela ne correspond pas aux échéances électorales, le président brésilien s’en moque. Il caresse ses financeurs dans le sens du poil et ce qui se passera après ne le concerne pas.
Ce qui est déplorable avec ces leaders tonitruants qui arrivent à la tête des États et qui ignorent les enjeux écologiques, qui prônent le «moi d’abord», c’est qu’ils font, en peu de temps, des dégâts importants et parfois irréversibles.
On en revient à la nécessité de mettre en place une autorité internationale supérieure capable de sanctionner ces dirigeants si dangereux lorsqu’ils ne respectent pas les accords signés.
Un espoir c’est que la population finisse par prendre conscience de ces dégâts sur la santé et ne vote plus pour ces dirigeants irresponsables. La démocratie ne fonctionne que s’il y a une bonne information des citoyens. Et, justement, en matière d’écologie, les citoyens n’ont pas eu l’information. S’ils savaient que leur santé est mise en cause par les pesticides, par exemple, ils prendraient pleinement conscience des enjeux. Et quand ils prennent conscience, ils agissent. Il y a un lien direct entre la démocratie, le droit à l’information et la résistance à la destruction de l’environnement .
Soutenez-vous la proposition d’Emmanuel Macron d’inscrire la question de l’Amazonie au G7 ?
Oui ce fut une très bonne réaction. La question climatique a eu du mal à être inscrite à l’ordre du jour. Et donc s’accrocher à une catastrophe écologique actuelle pour faire entendre raison est une démarche pertinente.
Emmanuel Macron n’était pas connu jusqu’à présent comme un grand défenseur de l’écologie. Est-ce là un tournant dans sa politique ?
C’est en tout cas un sursaut bienvenu par rapport à un recul de la politique écologique qui, faute de réussir à se faire entendre, a débouché sur la démission de Nicolas Hulot.
Il faut maintenant un véritable réveil. La France a un rôle majeur à jouer. Nous sommes le pays de la Cop-21, les autres pays du globe attendent que Paris continue à jouer un rôle essentiel sur la question climatique et sur la question de l’application de l’Accord au niveau mondial et au niveau européen.
Que pourriez-vous dire à ceux qui prétendent que la politique reste impuissante face aux lobbies.
Je dirais que, au contraire, beaucoup de victoires peuvent être remportées. Le combat écologique est motivant. Je raconte dans mon livre (Ce que je peux enfin vous dire) une dizaine de combats écologiques difficiles. Notamment l’interdiction du glyphosate. Mais il ne faut pas qu’il y ait de ramollissement derrière. Un ministre de l’écologie doit toujours être solidaire de ce qui a été fait avant lui. Ne jamais reculer.
La France souhaite bloquer l’accord UE-Mercosur, mais l’Allemagne estime que ce n’est «pas la réponse appropriée», les États-Unis et la Chine ont déclaré vouloir poursuivre les négociations d’accords commerciaux avec le Brésil. Quelle est votre position à ce sujet ?
La suspension du Mercosur est une bonne initiative d’E. Macron. Après les inquiétudes nées du CETA, ce n’était pas possible d’ignorer l’impact d’un nouveau traité qui ouvrirait la France à des importations agricoles qui ont moins de contraintes environnementales.
Ce qu’il faut bien comprendre c’est que l’Accord de Paris est venu après le début des négociations commerciales. Mais il s’impose à elles. La France est particulièrement mandatée pour y veiller.
Le Conseil de sécurité de l’Environnement que Royal jette en l’air aiderait indubitablement des milliards de consciences à saisir le principal enjeu des COProducteurs du siècle 21 que seraient les rouages vivants d’une politique dont la flamme se ranimerait d’un coup et, par voie de conséquence, à s’en saisir comme du pouvoir ultime par excellence, un truc génésiaque, impeccablement déroutant, clouant le bec aux basses béatitudes, capable de fournir aux existences précaires un bouclier bien plus résistant contre l’abrutissement qui les guette que ce ratage cuisant par lequel se traduit toute entreprise de semi-déification. Qu’elle nous permette d’y ajouter en corollaire la création d’un Conseil de surveillance infraconscient doté du pouvoir de révoquer tout membre permanent du Conseil de sécurité au carré qui utiliserait son droit de veto pour violer le serment qu’on lui aurait fait prêter devant la Terre : ceux qui la peuplent comme ceux qui la dépeuplent.