L’offensive turque qui frappe depuis plus d’un mois les Kurdes au nord de la Syrie constitue sans doute l’un des événements les plus honteux qui ne se soient jamais produits pour le monde occidental. Avoir utilisé de cette manière les YPG contre Daech pour les jeter ensuite en pâture à la soldatesque de l’Etat génocidaire turc, relève de la plus haute ignominie. Les dirigeants politiques des pays de l’OTAN, couchés devant Erdogan, portent la plus grande part de responsabilité dans cette véritable catastrophe morale. Quant à la voix des intellectuels et des éditorialistes indignés, elle se perd malheureusement dans le désert avec les cris de rage et de désespoir de ces combattants héroïques du Rojava écrasés par les bombardements aériens d’une des armées les mieux équipées de la région. Et pour cause : elle est l’un des fleurons de notre système d’alliance. Quelle désolation ! Quel spectacle affligeant que ce pseudo combat totalement inégal et le silence qui l’accompagne à l’ère d’Internet et du satellite ! Rarement sans doute les forces dites de progrès, les démocrates, les défenseurs des droits de l’homme n’auront été autant impuissants face à une telle abjection. Et la situation est d’autant plus désolante, qu’il ne s’agit pas là seulement de s’ingérer dans un conflit étranger ou de s’indigner devant les crimes de tel ou tel dictateur contre sa population. Il s’agit d’être cohérent avec nous-même. Car nous sommes totalement impliqués dans le drame qui se joue sous nos yeux. Qui a armé les Kurdes ? Qui les a entraînés ? Qui s’en est servi ? Et pour solde de tout compte, qui les livre à leur pire ennemi ? Et quel ennemi ! Une Turquie fascisante, qui s’est construite sur le génocide des Arméniens, le cadavre des Assyro-Chaldéens et des Grecs et qui après avoir éliminé toute présence chrétienne ou presque de « son » territoire, s’en est prise aux Kurdes, aux Alévis, et aux forces progressistes turques, sans compter l’occupation de Chypre et les menaces permanentes contre ses voisins immédiats. Autant de crimes passés par pertes et profits par l’Occident, c’est-à-dire par nous, et dont les impunités successives ont nourri la série des massacres à la chaîne, jusqu’à ceux d’aujourd’hui.
Avec une telle culture de l’immunité, les dirigeants turcs, biberonnés au cynisme auraient tort de se gêner. Pour ces hypernationalistes qui se piquent à l’occasion d’islamisme, les chiens d’étrangers et d’infidèles vont encore aboyer quelques semaines, et la caravane passera, de toute manière. Elle laissera derrière elle, comme tant de fois, son lot de charniers. Et ultime victoire, ce spectacle funeste finira de détruire en nous ce qu’il reste de croyance en nos valeurs, en notre mission, en nos discours. Erdogan pourra pérorer : en même temps qu’il aura donné une leçon aux Kurdes, il aura rabattu le caquet à ceux qui se font forts de lui en donner en matière de droit de l’homme. A ces « prétentieux », ces « hypocrites », ces « lâches » qui en perdant la face devant une Turquie qui a érigé l’Honneur guerrier en vertu cardinale, perdront non seulement tout espoir de regagner quelque crédit dans cette région du monde, mais qui, pire encore, auront perdu pour longtemps, ce qui leur reste d’estime pour eux-mêmes. Une pantalonnade grotesque dont nous n’avons pas fini de nous repentir. Et de payer le prix. Car il y aura une note à régler. Et ce sont peut-être les fils des Kurdes trahis qui viendront un jour nous la présenter. Avec intérêts.
Afrin : Le prix de la trahison
par Ara Toranian
13 mars 2018
L’offensive turque qui frappe les Kurdes au nord de la Syrie constitue l’un des événements les plus honteux jamais produits pour le monde occidental.
Avant que l’Exécutif ne transfère ses appartements aux Invalides, après que le ministre de ses Intérieurs assumera une fois de plus ou de trop n’avoir pas constaté de signe de radicalisation dans l’adhésion d’un ressortissant français à une idéologie salafiste dont le quiétisme a désormais atteint le degré de félinité d’un célèbre héros harrisien interprété au cinéma par le très fascinant agent paralysant Anthony Hopkins, nous suggérons au président de la Répudiation qu’il prenne acte du séparatisme jouisseur dont fait les frais l’État de non-droit qui est le nôtre dans l’esprit des assassins du gendarme du monde, et songe à prendre en compte ce paramètre lorsque les trente-six jours de fourmilière ferrée offriront, non sans provocation, une spectaculaire fenêtre d’ire aux fichés S14 ainsi qu’aux impétrants qui n’avaient pas eu la faiblesse de se soumettre à l’ordre de mobilisation équivoque et générale de 2013, mais auxquels a été accordée, à l’aube du Reconditionnement, une perpétuelle chance de se rattraper.
Article très intéressant bonne analyse